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Le bloc-notes

Ne tirez pas sur les pianistes

Le bloc-notes | publié le : 01.01.2002 | Bernard Brunhes

L'assurance maladie, façon Medef

Denis Kessler, au nom du Medef, vient de proposer une réforme de la Sécurité sociale. C'est dans le domaine de l'assurance maladie que les propositions sont les plus originales. L'idée est simple. Conservons les principes de l'assurance maladie à la française : universalité, solidarité, égalité. Mais au lieu de confier à une seule et même caisse le monopole de la gestion du risque pour l'ensemble des salariés, on mettrait des organismes divers en concurrence : la Cnam, bien sûr, des mutuelles qui interviendraient ainsi au premier franc, des entreprises privées d'assurance. Les organismes sélectionnés se partageraient le marché tout en respectant le cahier des charges. Une autorité d'État définirait les règles du jeu, lancerait des appels d'offres et choisirait les organismes, contrôlerait le respect des règles. On pense à l'Autorité de régulation des télécommunications qui a mis en concurrence l'opérateur public France Télécom avec des groupes privés.

On s'en doute : la gauche, d'une seule voix, a voué ce projet aux gémonies. La droite hésite. La période n'est évidemment pas propice aux débats pondérés. La campagne électorale pousse malheureusement aux prises de positions simplistes. L'attitude du Medef, qui a suspendu sa participation aux conseils des caisses de Sécurité sociale et prend des positions vigoureuses à l'égard du gouvernement, ne favorise pas la sérénité. Dommage : il y a dans ses propositions des idées qui valent qu'on y réfléchisse. Il ne faut sûrement pas les prendre telles quelles ; mais, pour une fois, des idées originales renouvellent le débat.

Attention, retraites !

Yannick Moreau, la présidente du Conseil d'orientation des retraites, a remis son premier rapport au Premier ministre au début de décembre. Chacun s'est empressé de railler le énième rapport qui permet au gouvernement de ne pas prendre de décision. Certes. Mais il faut quand même le lire, ce rapport. D'abord parce que, contrairement aux précédents, ce n'est pas seulement un produit d'experts : il est le résultat d'une concertation. Si le Medef a refusé d'occuper les sièges qui lui étaient offerts, tous les autres partenaires étaient autour de la table. Ensemble ils ont analysé les perspectives, établi des simulations et des variantes, réfléchi aux solutions.

Au total, nous disposons maintenant d'une analyse reconnue par tous, après les polémiques qui avaient suivi les rapports Charpin et Teulade. Les perspectives ne sont pas rassurantes, mais les pistes de solutions sont claires. Par exemple, on découvre que l'augmentation du nombre d'années de cotisation (proposition que vient de faire Édouard Balladur) ne servirait pas à grand-chose si on ne changeait pas en même temps les âges d'ouverture des droits. On constate que la proposition de la CFDT d'ouvrir les droits à quarante ans de cotisation ne permettrait pas de résoudre l'équation financière. On apprend surtout que le problème essentiel n'est pas celui de la retraite mais celui du travail : le taux d'emploi des plus de 55 ans est beaucoup trop bas ; comment faire pour que les entreprises proposent des emplois aux seniors et pour que ceux-ci préfèrent continuer à travailler ?

On se rend compte aussi que les entreprises publiques qui gèrent pour leur personnel des régimes spéciaux devraient traiter leur problème chacune de leur côté. À elles de discuter avec leurs salariés des mesures à prendre, qui peuvent porter sur la durée de cotisation, l'âge d'ouverture des droits, le montant des pensions, le niveau des cotisations, etc., et non pas se focaliser sur les trente-sept ans. Restent les fonctionnaires. Là, le rapport est d'une prudence extrême. Pourtant, la démographie de la fonction publique est là qui nous prévient : dans les toutes prochaines années, des bataillons entiers de fonctionnaires vont passer le cap des 60 ans. Que va-t-on faire ? Les laisser partir et les remplacer ? Ne pas les remplacer pour réduire la dépense publique ? Prolonger leur carrière ? Comme on le voit, là encore, le problème est moins celui de la retraite que celui du travail.

Jospin, des sous !

Il y a quelque chose d'étrange dans les défilés du mois de décembre et les réponses du gouvernement. Les corporations descendent dans la rue les unes après les autres. Elles envoient des délégations chez le ministre responsable. Celui-ci lâche quelques milliards. La corporation rentre chez elle et une autre sort à son tour, attirée par le butin. Le bon peuple voit défiler les milliards, ce qui attise les convoitises (et la grogne de l'opposition politique). Ce que tout le monde oublie de dire, c'est que la plus grande partie de ces milliards n'existe pas. Il s'agit pour l'essentiel de sommes déjà promises, de dépenses obligatoires, de sommes qui étaient dans le budget et de prévisions pour les prochaines années. Et il ne s'agit pas de sommes à inscrire au budget de 2002, mais à étaler sur plusieurs exercices. Non, l'État ne fout pas le camp.

Auteur

  • Bernard Brunhes