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Quotas ou principe d'égalité

Dossier | publié le : 01.01.2002 | H. C.

Certains pays européens manient le bâton en imposant, comme la France, des quotas d'emploi de personnes handicapées. D'autres font de la lutte contre la discrimination une priorité. Mais beaucoup d'États de l'Union tentent aussi de faire revenir vers l'emploi les handicapés maintenus hors du travail par des allocations.

À chaque pays de l'Union européenne sa politique pour l'emploi des handicapés. Aucune harmonisation n'est d'ailleurs prévue, car les politiques sociales restent du domaine de compétence des États membres. Les instances européennes se contentent de fixer de grandes orientations communes pour développer l'employabilité des personnes handicapées et lutter contre la discrimination. Chaque pays les adaptant ensuite en fonction de ses propres réalités sociales, économiques et culturelles. La tâche est importante. Car, au total, ce sont près de 26 millions de personnes en âge de travailler qui sont touchées par un handicap en Europe. Parmi elles, 42 % occupent un emploi, un taux inférieur de 20 à 30 %, selon les pays, à celui des actifs valides. L'écart devrait néanmoins se réduire, car tous les pays ont renforcé leurs politiques d'intégration des handicapés au cours des dernières années. Les uns à l'aide de mesures plutôt contraignantes, les autres en pariant davantage sur l'initiative des employeurs… et des personnes handicapées elles-mêmes.

Cinq pays ont adopté, comme la France, le principe de l'obligation d'emploi assortie de pénalités financières en cas de non-respect des quotas : l'Allemagne, l'Autriche, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Italie. Les quotas varient d'un pays à l'autre (de 2 à 7 %), parfois d'un secteur à l'autre, et s'appliquent à des seuils d'effectifs différents (de 16 à 50 salariés). Parmi eux, c'est l'Allemagne qui se montre la plus volontariste, avec un dispositif par ailleurs très comparable au système français. Outre-Rhin, les entreprises privées employant au moins 16 salariés doivent embaucher au minimum 5 % de travailleurs handicapés (le taux a baissé de 6 % à 5 % le 1er octobre dernier). Les employeurs qui ne remplissent pas leurs obligations versent une taxe (plus élevée depuis le 1er octobre) à un fonds géré par l'administration, qui sert notamment à financer des prêts aux handicapés créateurs d'entreprise. L'État s'investit également dans une vigoureuse politique d'intégration scolaire et professionnelle et de nombreuses actions sont entreprises pour favoriser l'accès à la vie sociale mais aussi aux aides techniques.

Pas de pénalités en Espagne et en Grèce

L'Espagne et la Grèce ont également adopté le principe des quotas. Toutefois, faute d'avoir mis en place un système de pénalités clairement défini, leurs politiques s'apparentent davantage à celles, plus libérales, du Portugal et de la Belgique. Les employeurs n'ont aucune obligation d'emploi de personnes handicapées. Mais lorsqu'une embauche se concrétise, ils reçoivent des aides financières de l'État : subventions s'élevant jusqu'à 50 % du salaire en Belgique, prime pour l'embauche et prime de mérite au Portugal. Les employeurs espagnols et grecs ont droit également à des subventions à l'embauche. Dans ces différents pays, l'État mène également des actions de formation et d'insertion.

L'Espagne est, par exemple, le pays où les aveugles sont les mieux traités au monde. Grâce aux mesures mises en œuvre par la Once, une association d'économie mixte, 75 % des non-voyants en âge de travailler occupent un emploi. La péninsule Ibérique ne compte pas en rester là. Son programme de recherche pour l'adaptation des postes de travail est actuellement le plus important d'Europe.

Les pays du Nord prônent l'égalité des droits

En Europe du Nord, la lutte contre la discrimination fait rage. Le Danemark, la Finlande, la Suède et, depuis peu, l'Irlande et le Royaume-Uni ont fondé leurs politiques d'emploi sur ce principe. « Les employeurs n'ont pas d'obligation d'embauche, mais ils ont l'interdiction, sous peine de poursuites judiciaires, d'écarter des personnes au prétexte qu'elles ont un handicap. Ils doivent également les traiter avec équité, leur faciliter par exemple l'accès aux locaux ou la possibilité de participer à des entretiens de recrutement », explique Dominique Velche, chercheur au Centre technique national d'études et de recherches sur les handicaps. « Avec les quotas, l'État a un rôle moteur. C'est lui qui impose ses règles à l'employeur. Alors que là, ce sont les personnes handicapées elles-mêmes ou les associations qui les représentent qui font respecter le droit », ajoute Christine Bon, sociologue chargée des relations internationales à l'Institut régional du travail social de Paris.

Le principe des quotas a souvent été opposé à l'antidiscrimination. À tort, car les deux systèmes ne sont pas incompatibles. « Ils peuvent même se compléter dans la mesure où l'égalité, dans le cadre de l'antidiscrimination, est efficace à compétences égales. En revanche, la politique des quotas laisse plus de chances aux personnes handicapées faiblement diplômées ou atteintes d'un handicap lourd de décrocher un emploi », estime André Gubbels, administrateur à l'unité intégration des personnes handicapées à la Direction générale de l'emploi et des affaires sociales de la Commission européenne.

En France, les deux formules coexistent, ce qui n'est pas le cas dans les pays scandinaves. Refusant le principe des quotas, ces derniers ont tendance, pour renforcer leur approche égalitaire, à verser de généreuses pensions d'invalidité aux personnes handicapées. Mais, face aux abus, le ton s'est durci ces dernières années. Ainsi, en Finlande, à l'issue de sa convalescence, un accidenté du travail doit désormais être examiné par un expert désigné par le ministère des Affaires sociales. Ce médecin évalue ses capacités de travail et la possibilité de le réinsérer dans son ancien poste. Si cela s'avère impossible, un nouveau poste, plus adapté, lui est proposé. C'est seulement en cas d'incapacité permanente que la victime bénéficiera d'indemnités.

La Finlande a également pris des mesures pour inciter les personnes handicapées à revenir sur le marché du travail. L'État propose aux bénéficiaires d'une prestation d'invalidité de reprendre un travail, avec la garantie qu'ils retrouveront leur allocation si leur période d'emploi dure moins d'un an. Un dispositif similaire a été mis en place au Royaume-Uni. À l'échelle de l'Union européenne, entre 2 millions et 3,5 millions de personnes handicapées pourraient, selon la Commission de Bruxelles, se réinsérer sur le marché du travail.

Auteur

  • H. C.