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Les PME se hâtent lentement

Dossier | publié le : 01.11.2001 | S.D.

À deux mois du jour J, le bataillon des PME commence à se préparer doucement au passage à la monnaie unique. C'est-à-dire qu'elles se contentent, pour la plupart, de traduire les bulletins de salaire en euros, en délaissant la formation et l'information du personnel.

Tout va bien. Corinne Margot, DRH de Soitec, une PME grenobloise de 230 salariés fabriquant des matériaux isolants utilisés notamment dans la téléphonie mobile, n'est vraiment pas inquiète du passage à l'euro. Elle a d'abord informé les représentants du personnel et les salariés des différentes opérations à mener, en a envoyé quelques-uns en formation et, surtout, a chamboulé le système de paie. « Depuis juin dernier, les bulletins de salaire sont imprimés à la fois en francs et en euros. Et nous conserverons ce double affichage jusqu'en juin prochain pour habituer les salariés à la nouvelle unité. Pour la première fois en octobre, les paies ont été versées en euros sur leur compte bancaire. Nous avons aussi diffusé un guide pratique pour livrer quelques astuces sur les règles de calcul. » À l'instar de cette start-up, les PME commencent à s'intéresser à la monnaie unique. Depuis le début de l'été, les chefs d'entreprise en mal d'information se bousculent aux portes de la CGPME. Un engouement également constaté par les chambres de commerce et les organismes de formation. Mais, à la différence des groupes préparés dès l'introduction de l'euro sur les marchés financiers en 1999, le gros des troupes s'attelle à la tâche depuis peu. « Les PME prennent conscience que l'euro, c'est demain. Il était temps », constate Frédéric Carré, consultant chez Demos.

Limiter l'impact psychologique

Malgré tout, ces préparatifs restent cantonnés au domaine technique. D'après une enquête de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) réalisée par l'Ifop en septembre dernier auprès de 100 PME, 94 % d'entre elles ont entrepris l'adaptation de leurs logiciels. L'introduction de l'euro donne déjà du fil à retordre aux salariés. Ainsi, Jérôme Frantz, directeur général de Frantz Electrolyse, une entreprise de 200 salariés spécialisée dans le traitement anticorrosif, indique qu'au service comptable « une secrétaire passe son temps à vérifier les versements [des] clients qui paient en francs des factures en euros ». Pourtant, les actions de sensibilisation du personnel sont encore rares. Hormis la délivrance de bulletins de salaire exprimés dans les deux monnaies. Selon l'enquête de la CCIP, 84 % des entreprises interrogées indiquent le net à payer en euros. Un minimum nécessaire si elles veulent limiter l'impact psychologique d'un changement d'unité monétaire. Jean-François Roubaud, vice-président de la CGPME et dirigeant de quatre entreprises de travaux publics, témoigne de son expérience. « Nous avons commencé à afficher l'ensemble du bulletin de paie en euros au début de l'année. La contre-valeur en francs avait beau être indiquée, des salariés ont grimpé les escaliers pour me demander des explications. En fait, nous avions en même temps augmenté sensiblement les salaires, mais en euros, la hausse était moins perceptible. Alors, quelques-uns ont voulu s'assurer que la direction ne cherchait pas à les voler. On a beau se dire que 10 000 francs et 1 524,49 euros, c'est la même chose, les premiers temps, on a du mal à s'y faire. »

Dans certains cas, le basculement en euros peut s'avérer plus compliqué qu'il n'y paraît. « Des primes de panier de 3,97 euros, par exemple, vont paraître mesquines », souligne Corinne Margot. Et, naturellement, les salariés vont demander que les rémunérations soient arrondies à l'euro supérieur. D'où l'importance de s'y prendre assez tôt et de négocier avec les instances représentatives du personnel. Pour éviter un big bang social, les plus courageux tentent de mobiliser les troupes. Le groupe d'édition toulousain Milan a décidé de diffuser un guide pratique à l'ensemble de ses 265 salariés « citoyens ».

Même les commerciaux ne sont pas formés

À Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), Frantz Électrolyse mène campagne dans ses ateliers. « Il y a un an, nous avons commencé par afficher des copies de billets et des tableaux comparant les prix d'une baguette, d'une auto, etc. Régulièrement aussi, nous informons le comité d'entreprise des actions menées », explique Jérôme Frantz. Mais les salariés attendent d'avoir des euros sonnants et trébuchants dans leurs poches pour se pencher vraiment sur le sujet. Reste le cas de ceux qui devront s'habituer rapidement à penser en euros, qu'il s'agisse des comptables, des commerciaux ou des acheteurs. « Avant, nous négociions des remises en centimes car le prix unitaire de nos pièces est assez bas. Une réduction en euros paraîtrait vraiment dérisoire. Nous nous forçons donc à raisonner en pourcentage », indique Richard Boulesteix, directeur d'une entreprise employant six salariés. D'une manière générale, les PME ne semblent guère soucieuses d'apporter une formation à ces salariés. Si Frantz Électrolyse a entraîné les conducteurs de chaîne à lire les prix en euros et si le groupe Milan a prévu d'envoyer une dizaine de vendeurs en formation, la CCIP se désespère. D'après son enquête, seulement 27 % des entreprises interrogées ont donné une formation à leurs commerciaux ou envisagent de le faire. En clair, les salariés devront acquérir de nouveaux automatismes sur le tas.

Auteur

  • S.D.