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Des métiers sur la touche

Dossier | publié le : 01.11.2001 | M. Le B.

Alors que les établissements financiers se mobilisent pour réussir le capital passage à l'euro, d'autres métiers voient arriver la monnaie unique comme une menace. Les emplois peu rentables des institutions monétaires sont voués à disparaître et les bureaux de change vont perdre une grande partie de leur activité.

Des cahiers de notes, quelques photos, Frédéric Morel, graveur-ciseleur à la fonderie d'art de la Monnaie de Paris, conserve dans une chemise cartonnée les souvenirs d'un métier qu'il n'exerce plus. Car, au mois de juillet, les effectifs de son atelier ont été réduits de quatorze à quatre personnes. Pour ce trentenaire qui collectionne les diplômes (École du Louvre, Estienne, Beaux-Arts…), plus question de réaliser des objets d'art, traditionnelle-ment fabriqués Quai de Conti d'après les œuvres d'artistes renommés. Avec la plupart de ses collègues, cet ouvrier d'État est désormais employé à mettre des pièces de collection dans des conditionnements en plastique. Un affront pour ceux qui s'évertuaient à perpétuer un savoir-faire bicentenaire. « Plus que des emplois, c'est un corps de métier qui disparaît », déplore Frédéric Morel.

Face aux investissements induits par la fabrication de l'euro, la Monnaie de Paris a choisi de se concentrer sur des activités plus rentables : la fabrication de la monnaie courante, à Pessac, près de Bordeaux, et de médailles et monnaies de collection à Paris. « Nous avons limité l'activité de la fonderie d'art aux objets les plus intéressants commercialement », argumente Françoise Saliou, directrice de l'institution. Une stratégie industrielle renforcée par le spectre d'une possible ouverture de la fabrication de la monnaie métallique à la concurrence. « L'enjeu est de pouvoir rafler, à terme, des marchés à l'Angleterre ou à l'Allemagne, analyse Frédéric Amans, responsable CGT des Monnaies et Médailles. Résultat, la Monnaie abandonne sa mission régalienne pour entrer dans une vraie logique de compétitivité. » L'institution vient en outre de confirmer la non-réouverture de la fonderie de Pessac, fermée en 1997. Désormais, l'usine girondine frappe directement des « rondelles » importées.

Pour la Banque de France, cet impératif de compétitivité est encore plus pressant. L'institution sait qu'en 2006 l'impression des coupures pourrait ne plus correspondre à une politique de quotas mais à une logique d'appel d'offres. « L'essentiel de l'activité ne sera pas affecté par le passage à l'euro », assure-t-on, confiant, à la direction de la BDF. Il n'empêche, la banque nationale met les bouchées doubles pour réduire ses coûts. Objectif : fabriquer un billet en euros pour 50 centimes, contre 78 aujourd'hui. Un plan social a été annoncé prévoyant la suppression de 494 postes d'ici à 2005, sur les 1 360 salariés de l'imprimerie de Chamalières et de la papeterie de Vic-le-Compte (Puy-de-Dôme). Les postes de préparateurs d'encres, de réviseurs et de massicoteurs seraient les plus touchés par les mesures de départ à la retraite anticipée, de reclassement ou de passage à temps partiel. Et les syndicats, qui mettent en cause les choix industriels de la BDF (machines peu productives, trop compliquées à paramétrer), s'attendent à l'annonce d'un nouveau plan social à l'horizon 2005.

Des bureaux de change reconvertis

Bon nombre d'emplois, à la Banque de France, mais aussi dans d'autres établissements, ont également à craindre de la normalisation des procédures bancaires. Exemple, pour le système de compensation des chèques : « Il n'y aura plus d'intervention manuelle, l'opération sera entièrement numérisée et traitée par informatique selon les normes européennes, commente Jean-François Duloir, détaché à la fédération Banque de la CFDT. Il y aura sans doute des conséquences sociales, autant dues à l'avancée des nouvelles technologies qu'à l'arrivée de l'euro. Mais il est pour l'heure difficile de prévoir le nombre de postes menacés » Un sujet jugé secondaire par une profession avant tout mobilisée par les problèmes de sécurité liés au transport des fonds. Selon elle, seul le change de devises est radicalement menacé à court terme. Mais cette opération demeure marginale dans les banques.

Plus cruellement concernées : les 1 200 officines privées installées sur le territoire et leurs quelque 7 000 emplois. Toutes vont perdre au moins un quart de leur chiffre d'affaires après le passage à l'euro. Les mieux lotis sont les bureaux de change parisiens ou de la région Paca, qui œuvrent pour un gros volume de touristes, hors Euroland. Ou les sociétés les plus importantes, qui en ont profité pour diversifier leur activité. Ainsi, Thomas Cook (50 points de vente en France) développe depuis quatre ans la commercialisation de produits touristiques (plans de villes, cartes téléphoniques) mais aussi de nouveaux services financiers, comme la livraison de devises à demeure pour les entreprises.

Bien moins chanceuses sont les petites officines installées dans les zones frontalières. Celles-ci réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires avec des lires, des pesetas ou des marks. « Nous fermerons nos huit bureaux au 31 décembre, affirme Pierre Coll, directeur de la Sapsa, installée près du Perthus, à la frontière espagnole. Je suis actuellement en négociation avec les autoroutes pour transformer mes agences en zones commerciales et ainsi sauver une cinquantaine d'emplois. » En attendant, le Syndicat des changeurs et auxiliaires financiers français a sollicité des aides auprès des ministères de l'Industrie et de l'Emploi. « Nous demandons à Bercy de pouvoir nous diversifier en effectuant du transfert d'argent d'un pays à l'autre, activité aujourd'hui réservée aux banques, explique Jacques Piccioloni, coprésident du syndicat. Quant au ministère de l'Emploi, il a fait réaliser un audit de notre profession avant d'avancer des solutions. » Les agents de change aimeraient, entre autres, se voir reconnaître certaines équivalences de diplôme pour se reconvertir dans le tourisme.

Auteur

  • M. Le B.