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Édito

De l’usage du mépris

Édito | publié le : 01.04.2023 | Lucy Letellier

Le mépris est-il l’agent pathogène ou le symptôme du mal qui ronge ? Est-il consciemment exercé ou peut-il être aussi une conséquence involontaire de celui souhaitant vouloir faire « le bien » coûte que coûte, quitte à imposer sa décision et à accepter d’être le mal-aimé : en somme, à se sacrifier ?

Le mépris ne pourrait-il pas être l’effet secondaire du biais cognitif nommé l’effet Dunning-Kruger, aussi appelé effet de surconfiance, qui consiste en une distorsion de la réalité, selon laquelle la personne qui en est atteinte pense être compétente, voire sur-compétente, sur un sujet ?

Le mépris n’est-il pas le compagnon indissociable de cette citation « un mensonge répété dix mille fois devient vérité » ?

Le mépris ne pourrait-il pas se résumer en l’usage répété de trois chiffres et un mot : 49 alinéa 3 ?

La perception du mépris et du mensonge en politique sont souvent intrinsèquement liés et ne sont absolument pas un usage récent. Dernièrement, ils ont été perçus par un grand ensemble : de l’opposition, de la majorité, des corps intermédiaires (galvanisés et à nouveau sous les feux des projecteurs), des entreprises, des Français. « Mensonges », « arrogance », « déni absolu »… sont les termes liés à la perception de ce mépris.

Lors de son discours, le 22 mars 2023 à 13 heures, alors que le passage en force de nos trois chiffres et une lettre avait été opéré la veille, Emmanuel Macron a déclaré : « S’il faut endosser l’impopularité du pays, je l’endosserai. » Le Gouvernement peut-il faire le bien des Français malgré eux, quitte à se sacrifier ? Ceci illustrerait alors l’hypothèse 1.

64 % des Français opposés à la réforme des retraites, 72 % soutiennent la mobilisation… Et combien ne se sentent pas écoutés ? Ce passage en force illustre-t-il l’hypothèse de l’effet Dunning-Kruger ?

Mais si le Gouvernement veut faire le bien des Français, pourquoi a-t-il été si inexact, si imprécis, voire s’est-il trompé autant ? Sans pour autant vouloir le reconnaître, ou trop tardivement ? Un mensonge est-il sciemment énoncé en politique ? Des politiques pensent-ils qu’un mensonge répété dix mille fois devient vérité ».

Le 21 mars dernier, le président de la République a estimé, devant les parlementaires de la majorité reçus à l’Élysée, que « la foule » de manifestants opposés à la réforme des retraites n’avait « pas de légitimité » face « au peuple qui s’exprime à travers ses élus ». Doit-on y lire la marque de revendication de la légitimité de l’élu de la République : du Président ? Si tel est le cas, son élection fut aux yeux de nombreux un choix non de légitimité, mais davantage de blocage d’un extrême.

La raison de la perception de ce mépris s’en trouve alors décuplée et la fracture alors plus profonde. Car si le mépris est un sentiment qui pousse à ne pas faire – ou peu – cas de quelque chose, la personne le percevant, s’estime, elle, alors indigne d’attention, de considération.

Un usage, deux perceptions, un résultat dangereux.

Auteur

  • Lucy Letellier