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Team building, encore du « bullshit management » ?

Dossier | publié le : 01.04.2023 | Murielle Wolski

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Team building, encore du « bullshit management » ?

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Encensé par certains, le concept de team building a ses détracteurs. En matière de théories managériales aussi, on ne peut pas plaire à tout le monde ! Débat d’idées.

Ses dernières prises de position sur les soft skills lui ont valu quelques inimitiés de certains confrères, enseignants et/ou consultants. Expert associé à l’Essec, président fondateur du cabinet Hommes et décisions, auteur de « L’entreprise contre la connaissance du travail réel » aux éditions L’Harmattan (février 2023), Ibrahima Fall aime bien jouer le rôle de poil à gratter, de caillou dans la chaussure, taquiner les concepts à la mode. Aussi, le sujet du team building est-il de nature à l’inspirer. « Il est au travail ce que le costume est à l’acteur, dit-il. Si l’acteur n’est pas bon, le costume ne le sauvera pas. Si l’objectif est de passer un bon moment ensemble, alors pourquoi pas. Si l’ambition est de forger un collectif, alors cela ne sert pas à grand-chose. Pour créer un collectif de travail, la pratique du team building n’est pas suffisante. Il y a une vraie confusion. » Le ton est donné.

Et Ibrahima Fall de continuer. « Le team building est un pansement au service du manager qui n’a pas réussi à faire émerger un collectif de travail. Et un travail en commun n’est pas la même chose. On est dans le cadre d’un gadget qui, certes, peut faire du bien, mais ce n’est pas fondamental. Encore une notion bullshit comme le sont les soft skills. »

Cousin germain du « casual Friday »

François-Xavier Chenevat, dit Fix, connaît bien les séances de team building. Il les a vécues de l’intérieur, probablement pendant ses années dans un cabinet de conseil. Et, surtout, l’auteur de « Chief Bullshit Officer », aux éditions Guy Trédaniel, dont le tome ii vient de sortir, les croque en « direct live ». BNP, Orange, Banque de France ou bien encore la RATP… il en saisit les faits saillants, stylo en main. « L’intention est claire, commente le dessinateur, à savoir briser la glace. Offrir un cadre moins officiel, à l’instar du casual friday. Avec une ambiguïté : les salariés sont sous le regard de leur supérieur hiérarchique. On se sent jugé. Le bullshit peut se retrouver, même si l’intention de départ est sincère. Si l’objectif est de ne pas continuer dans la pratique de silo. »

Pourtant, comme aime le rappeler Didier Pitelet, président du Cercle du leadership, fondateur de l’agence de communication MoonPress et d’Henoch consulting, « le team building a failli disparaître avec la Covid. Beaucoup de directeurs des affaires financières ont vu là l’opportunité de faire des économies en en supprimant le budget. Mais, les séances via Teams ou Zoom ne l’ont pas remplacé. Et il n’y a jamais eu autant de burn-out dans les entreprises. Il faut reconquérir l’adhésion des salariés. »

Totalement adepte du team builiding, Didier Pitelet ? À lui aussi de faire entendre sa petite voix dissonante. « Si on est là que pour faire un show, cette séquence ne sert absolument à rien. Les collaborateurs seront alors critiques. Ils n’ont pas besoin de l’entreprise pour faire du sport, par exemple. Si le team building s’ancre sur la raison d’être de l’entreprise, c’est alors différent. Mais, il y a un team building dont on ne parle jamais : celui des comités de direction. Un sujet tabou, souligne ce touche-à-tout, à l’origine aussi de l’exposition virtuelle « Les gueules de l’emploi ». La tête dans le guidon, les dirigeants ne savent plus donner du sens à l’esprit d’équipe, et encore moins aux équipes dont ils ont la charge. Il serait judicieux de leur faire vivre ce qu’ils énoncent comme valeurs pour les autres. Ils sont très forts pour valider des principes ou des valeurs, mais quand on regarde leur mode fonctionnement, ils sont aux antipodes du discours tenu. Or, à notre époque, on veut des équipes dirigeantes exemplaires et unies. Malheureusement, le team building est bon pour les autres… »

Auteur

  • Murielle Wolski