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« Le Code du travail devrait encadrer les activités de team building »

Dossier | publié le : 01.04.2023 | Lucie Tanneau

Spécialiste en droit du travail, Virginie Langlet défend des salariés dans des affaires de team building et a commenté plusieurs arrêts sur le sujet.

 

Le Code du travail encadre-t-il spécifiquement les activités de team building ?

Valérie Langlet: Non, rien n’est inscrit dans le Code du travail. C’est seulement à travers la jurisprudence et quelques arrêts de cour d’appel ou de cassation que l’on commence à établir un régime juridique. Il y a deux façons de voir ces fêtes organisées par l’entreprise : il existe des événements qui sont seulement des fêtes, auxquelles l’employé n’est pas tenu de participer puisqu’elles se déroulent en dehors du temps de travail. Et il y a des séminaires de travail, qui sont eux obligatoires puisqu’ils se déroulent sur temps de travail effectif et donc rémunéré, et qui proposent aussi des activités de loisirs (Cass. soc. 19.10.2011 : n° 09-72672).

 
Un salarié est-il obligé de participer à ces activités de loisirs et est-ce considéré comme du temps de travail effectif ?

V.L: Un salarié peut refuser car cela reste des activités qui ne sont pas du travail. S’il s’agit de loisirs, il n’y a pas d’insubordination manifeste. Selon les organisations, un salarié qui n’irait pas à ce séminaire devra tout de même rester à la disposition de son employeur, par exemple en télétravail pendant que son équipe participe à l’activité (Cass. soc. 08.10.1996 : RJS 11/96 n° 1149 – Bull. civ. V n° 317). La question du temps de travail dépendra des horaires et de ce qu’on y fait… S’il y a une réunion stratégique, ou non. J’ai des clients qui n’ont pas envie de participer à ce genre de séminaires, pour aller faire des pitreries pendant deux jours avec des collègues, je leur conseille d’interroger leur employeur sur l’intérêt et la pertinence de l’événement, car un refus de participer peut être considéré comme de l’insubordination.

 

Alors qu’un employeur est responsable de la sécurité et de la préservation de la santé de ses employés, y a-t-il une délégation de responsabilités aux prestataires dans le cadre d’activité de team building ?

V.L: L’employeur est de toute façon responsable. Après, s’il y a un accident, il y aura une pluri-responsabilité. Mais l’employeur est tenu de s’assurer de la qualité de ses prestataires, que ceux-ci disposent de toutes les accréditations et de minimiser les risques. On dispose d’un arrêt par lequel un manager a été condamné et licencié pour faute grave car il avait demandé à ses collaborateurs de marcher pieds nus sur du verre cassé. Un participant avait refusé, mais il avait dû en expliquer les raisons : il avait une pathologie et s’il se coupait il risquait de la transmettre aux autres participants. C’est une violation de la vie privée et une mise en danger de la vie d’autrui. Mais l’activité en elle-même, pourtant dangereuse et lunaire, n’a pas été remise en cause. Des alertes auraient dû se mettre en place.

 
Où sont les limites ?

V.L: Avant d’organiser ce genre d’événement il faudrait prévoir une concertation entre l’employeur, le service RH, le manager et le prestataire. Les salariés devraient aussi être prévenus sur le contenu et le déroulé du team building, ce qui pourrait leur permettre de refuser en amont. Mais organiser un séminaire et prendre le risque que la moitié de l’effectif ne participe pas n’a pas d’intérêt. Je crois que le Code du travail devrait se saisir de ce sujet. Il n’est pas possible de laisser la question à la seule jurisprudence, alors que les entreprises organisent de plus en plus de team building. Ces activités mêlent les questions de santé et sécurité, de vie privée, du management… Cela reste du temps avec les collègues et le manager et doit être encadré. J’alerte tous mes clients : on ne peut pas faire n’importe quoi ou boire beaucoup trop en team building. Cela reste du milieu professionnel et tout comportement déviant, même dans le cadre d’une soirée en dehors de l’entreprise, peut être sanctionné, jusqu’au licenciement pour faute grave (Cass. soc. 19.10.2011 : n° 09-72672:).

Auteur

  • Lucie Tanneau