Si les femmes n’avaient que 17 % de représentativité dans l’univers des nouvelles technologies en 2022, il semble que les mentalités évoluent dans le bon sens et que l’égalité progresse.
« Tout est possible. Les barrières, c’est dans la tête », déclare Anne-Carole Coen, directrice marketing chez Swile, solution digitale de titres-restaurants. Ce sentiment est partagé par l’ensemble des Français. Selon une étude réalisée en février 2023 par Ironhack, un organisme de formation spécialisé dans les métiers du numérique, ils sont 63 % à penser que les femmes sont aussi douées que les hommes pour travailler dans la tech. La même étude réalisée en mars 2022 montre que les mentalités évoluent, le résultat était de 59 % l’année dernière.
« Si les femmes n’avaient que 17 % de représentativité dans l’univers de la tech en 2022, il semble que cela évolue, même si les changements restent lents », commente Manon Pellat, General Manager chez Ironhack.
Les raisons qui étaient évoquées en 2022 pour expliquer cette inégalité sont de moins en moins présentes à l’esprit des Français. Ainsi, 74 % pensaient que les femmes ne sont pas élevées ou éduquées pour s’intéresser à ces métiers contre 68 % aujourd’hui. De même, 69 % déclarent encore qu’il y a beaucoup plus d’hommes qui postulent et donc moins de place pour les femmes, contre 71 % en 2022. Enfin, si 55 % estimaient que les femmes ne se sentent pas légitimes pour ces métiers, ils ne sont plus que 51 % à l’avouer.
Pour quelles raisons 37 % des Français pensent encore que les femmes ne sont pas capables de travailler dans le secteur de la tech ? 57 % pensent toujours que ce sont des métiers plus compliqués pour les femmes, contre 64 % en 2022. Le facteur culturel qui tourne davantage les hommes vers le numérique reste très présent en 2023 avec 51 %, contre 52 % en 2022. Enfin, 46 % estiment encore que les femmes préfèrent d’autres métiers, comme c’était le cas pour 47 % l’année dernière. L’exemple d’Anaïs Libolt, responsable du home entertainment chez Dolby, est emblématique du contraire. Elle a bénéficié d’une formation d’ingénieure du son. Elle a suivi des études à l’école Louis Lumière en section son, plus axées sur le cinéma, précédées d’une école préparatoire et d’un diplôme de physique. À la fin de ses études, elle a réalisé un mémoire orienté vers les technologies dédiées au son multicanal à la télévision, qui traitait des métadonnées du Dolby Digital. Elle a été embauchée en 2010 chez Dolby sur un poste assez ouvert dédié à la télévision, en tant que première employée française. Avec le temps, son périmètre s’est agrandi au home entertainment, c’est-à-dire le broadcast, le home cinéma, la musique, le gaming et comprend désormais les technologies audio et vidéo. Aujourd’hui, son rôle principal est de gérer les partenariats afin de favoriser l’adoption des technologies Dolby dans les contenus et les services. Elle interagit avec des interlocuteurs techniques, commerciaux ou marketing.
En 2023, davantage de Français inciteraient leur fille à s’orienter vers le secteur des nouvelles technologies. En effet, ils étaient plus de 58 % en 2022 à y être réticents et ils ne sont plus que la moitié dans ce cas. De plus, les Français qui préféraient orienter leur enfant vers un métier plus facile sont moins nombreux : ils passent de 61 % en 2022 à 54 % en 2023.
Les craintes des parents sont légion : beaucoup craignent encore que les métiers du numérique soient trop recherchés et donc bouchés à l’emploi. Même constat pour le budget consacré aux études dans la tech, que 58 % considéreraient très élevé, quand 44 % pensent que le cursus reste trop long. Enfin, 39 % pensent aujourd’hui que ce sont des secteurs très anxiogènes et difficiles pour les femmes, contre 41 % en 2022.
Ce que conteste Anaïs Libolt : « Je remarque qu’il y a de moins en moins d’obstacles. Et que de plus en plus de femmes occupent des postes haut placés, des rôles clés dans les entreprises françaises ou internationales. » Elle met néanmoins un bémol à ces propos et donne le conseil suivant aux femmes qui souhaitent faire carrière dans cet univers : « En tant que femme experte dans le secteur des nouvelles technologies, il est essentiel de bénéficier d’un savoir-faire technique solide pour être reconnue et évoluer dans un secteur qui nous plaît. Il faut certainement davantage prouver son expertise et sa légitimité qu’un homme aujourd’hui. À la fois parce que l’extérieur le demande, mais aussi parce que les femmes sont plus sujettes au syndrome de l’imposteur que les hommes ! Mais il n’y a pas de raison qu’une femme qui maîtrise son sujet ne puisse pas réussir dans la tech. »
« Si tu n’essayes pas, cela ne marchera pas », renchérit Clara Chappaz, directrice de French tech, une mission de l’État qui soutient et accompagne un écosystème de 20 000 start-up.
Clara Chappaz et Anne-Carole Coen font partie des « role models » du secteur et participent au projet Growth Lead’HERS qui vise à sensibiliser et à valoriser l’entrepreneuriat et les leaderships féminins. Lancé par l’Essec Business School en partenariat avec la mission French tech, Growth Lead’HERS encourage un écosystème tech dans lequel la mixité dans l’entrepreneuriat et les organes de gouvernance ne se résume plus à une affaire de quotas, mais incarne un atout pour la création de valeur économique et sociale. Le projet a pour objectif de déconstruire les stéréotypes qui entravent la progression personnelle et professionnelle des femmes, de familiariser les femmes à la tech, de les encourager à créer une start-up ou à rejoindre une scale-up, et, enfin, d’accélérer la féminisation des fonctions de direction, toutes industries confondues.
Que peuvent faire les entreprises pour soutenir et faire progresser la carrière des femmes travaillant dans les nouvelles technologies ? Anaïs Libolt répond : « Il convient de proposer des formations régulières et d’intégrer les femmes de l’entreprise dans un processus de carrière évolutive, que ce soit d’un point de vue d’encadrement, commercial ou stratégique. Il faut favoriser la diversité des candidats lors des recrutements, permettre des aménagements de carrière lors d’une maternité. Enfin, des changements sociétaux bien au-delà du monde de l’entreprise doivent être faits, comme valoriser les soft skills ! »
Pour Agnès Bazin, responsable du développement chez Doctolib, application de gestion des rendez-vous médiaux, « les soft skills font la différence ». Celle qui aime le risque et sortir de sa zone de confort est connue pour être une fonceuse. Elle confie : « Si j’ai réussi à grimper les échelons, c’est parce que l’on m’a beaucoup appris. J’ai été coachée à avoir une vision enrichie pour manager des collaborateurs, à comprendre les aspects d’une négociation, par exemple. »
Chez Dolby, il existe plusieurs groupes de femmes qui font partie de l’initiative « Diversity and belonging ». Ces groupes induisent une solidarité naturelle et mettent également en place des espaces de parole, des formations et des temps de rencontre. Anaïs Libolt témoigne : « Il y a également des initiatives pour sensibiliser les jeunes femmes à l’université et dans les écoles des filières techniques. Le fait d’en parler est en soi très positif. Ce sont des évolutions lentes qui nécessitent un changement des mentalités, mais aussi un encouragement des jeunes femmes à prendre leur place. Y compris en interne où sont publiées des interviews dans les communications destinées aux salariés de l’entreprise. »
Même stratégie de communication au sein d’Ironhack. Manon Pellat déclare : « En tant qu’école et entreprise tech engagée sur les questions de diversité et d’inclusion (55 % de nos étudiants et 50 % de nos collaborateurs au niveau mondial sont des femmes), nous nous engageons à mettre en avant plus de parcours de femmes. » En mars 2023, son organisme de formation a lancé une série d’événements et de témoignages pour inciter davantage de femmes à sauter le pas et de sensibiliser femmes et hommes sur ce sujet afin de pouvoir un jour arriver à la parité.
« C’est un atout dans une équipe d’avoir une diversité de raisonnements et de personnalités, et je pense que certains managers l’ont bien compris, ajoute Anaïs Libolt. Si vous ne voyez pas les choses de la même façon que vos collaborateurs, explorez ce qui motive votre vision ou votre façon de faire, afin de pouvoir apporter une contribution originale et accessible aux autres. » La responsable du home entertainment avoue ne pas être à l’aise avec les situations de compétition où il faut se battre pour sa place. Elle préconise : « Mon conseil pour les femmes (et les hommes !) est d’aborder l’entreprise comme l’équipage d’un navire : pour un bon fonctionnement, chacun doit être respectueux de sa place et de celle des autres, tout en ayant une vue d’ensemble. » Selon l’étude Ironhack, 74 % des Français pensent que la place des femmes dans la tech va augmenter à l’avenir, contre 61 % l’année dernière. Cela progresse lentement mais sûrement.