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Une référence de l’ambition féminine

Actu | Elles | publié le : 01.04.2023 |

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Une référence de l’ambition féminine

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Le parcours de cette enseignante-chercheuse franco-canadienne, pilier de l’ICN Business School de Nancy, référente égalité femme auprès de la Conférence des grandes écoles et porteuse pour la France et le Benelux d’un projet d’éducation et de management onusien, témoigne d’un engagement constant pour l’égalité et la diversité.

Elégante et chaleureuse, Krista Finstad-Milion arbore une chatoyante tenue orange, la couleur de l’ICN Business school, lorsqu’elle s’installe dans une salle de réunion de la grande école nancéienne. La docteure ès sciences de gestion y a posé ses valises voici 18 ans. L’institution centenaire n’a pas mis longtemps à détecter le potentiel de cette canadienne ambitieuse qui connaissait déjà bien le tissu économique lorrain pour avoir donné des cours d’anglais à des cadres et dirigeants d’entreprises locales. Neuf mois après son arrivée, Krista Finstad-Milion était nommée directrice du Programme Executive MBA.

« L’ICN m’a permis de me réinventer constamment. Cette école donne à ses enseignants-chercheurs la liberté de devenir ce qu’ils sont, bien au-delà de leur mission initiale. J’ai besoin de donner un sens à mon travail et j’ai pu engager à l’ICN une mission sociétale plus grande que moi », explique la tout juste sexagénaire, désormais directrice du département ressources humaines et comportement organisationnel de l’école.

En décembre 2020, Krista Finstad-Milion a été élue Chair (référente) du chapitre France-Benelux du Principles of Responsible Management Education (PRME). Soutenu par les Nations unies, ce réseau international d’écoles de management regroupe des établissements concurrents qui se rejoignent sur de grands principes de responsabilité sociale et environnementale. Tous considèrent que le progrès passe par la formation des leaders de demain.

Une femme exigeante…

À ce poste à responsabilité non rémunéré, Krista Finstad-Milion prolonge un dialogue intercontinental amorcé dès les années 2010, lorsque l’ICN Business School a lancé des ponts entre Nancy et le Sénégal pour soutenir l’une de ses anciennes élèves, Rose Angèle Faye. Impliquée dans de nombreuses causes humanitaires, cette femme d’affaires a « marrainé » la maison d’éducation des filles Mariama Ba, qui accueille sur l’île de Gorée 200 jeunes filles de 12 à 18 ans sélectionnées en fonction de leur mérite. « J’ai été impressionnée par la révolte, les espoirs, la créativité et la spontanéité qu’exprimaient ces élèves. Il a fallu les écouter et les comprendre, leur ouvrir des horizons, créer de l’impact », se remémore Krista Finstad-Milion, qui s’est rendue à plusieurs reprises au Sénégal.

Issue d’une culture nord-américaine qui encourage l’ambition féminine, l’ex-étudiante en langues et littérature de l’Ontario n’a jamais cessé de défendre la valeur ajoutée des profils féminins et internationaux sous toutes les latitudes. Arrivée à Nancy par les hasards d’un poste d’assistante, Krista Finstad s’est aperçue, dans un premier poste occupé avant l’ICN, que ses collègues masculins l’appréciaient… tant qu’elle restait dans une position subalterne. La jeune femme, qui avait dans l’intervalle rencontré son futur mari Vincent Milion, a puisé dans ce camouflet l’énergie de mener à bien un doctorat de sciences de gestion à l’université de Versailles, tout en organisant avec rigueur l’éducation de ses trois fils. « Cela n’a jamais été facile, mais je me suis montrée aussi exigeante dans la sphère familiale que dans ma vie professionnelle. Il était indispensable que les enfants s’initient au sport, à la musique, et bénéficient d’un foyer épanouissant », assure Krista Finstad-Milion.

Personnellement confrontée aux défis quotidiens d’une mère de famille refusant de renoncer à son ambition professionnelle, l’enseignante-chercheuse de l’ICN a pu mesurer l’impact de cette charge mentale sur l’organigramme de son propre établissement. À son arrivée, l’ICN comptait en moyenne une femme sur vingt parmi ses intervenants, sans que la gouvernance masculine n’entrevoie ni problème, ni solution à cette parité en souffrance. Krista Finstad-Milion a puisé dans son carnet d’adresses pour faire progresser la mixité. Ainsi est née Est’Elles executives, qu’elle a cofondé en 2008 avec sa collègue Christine Morin-Estève. « À l’époque, la notion même de réseau professionnel féminin était à peine connue en France. J’ai été qualifiée par mes détracteurs de féministe, de militante ou de suffragette, alors même qu’Est’Elles proposait simplement une stratégie aujourd’hui reconnue par tous », souligne Krista Finstad-Milion. Avec 150 membres répartis entre la Lorraine et le Luxembourg, l’association représente aujourd’hui le principal réseau professionnel féminin du Grand-Est.

… et passionnée

Curieuse de réalités du terrain, mais aussi passionnée de recherche scientifique, l’enseignante-chercheuse a produit en 2016, à l’occasion de la neuvième conférence européenne pour l’égalité des genres, un article nourri de statistiques genrées sur le fonctionnement de sa propre école. Elle y a décortiqué les mécanismes concourant aux inégalités d’accès à l’emploi, de carrière et de salaires, sans susciter de protestations parmi ses pairs, ces phénomènes étant observables en tout lieu. Ses nombreuses publications – pas moins de 42 conférences, articles, interviews, débats ou communications entre 2021 et 2022 – ne l’ont pas coupée de sa passion pour l’enseignement. « C’est le plus beau métier du monde, puisque l’on est payé pour apprendre », plaisante l’enseignante-chercheuse. Ses cours la placent aux premières loges de l’évolution post « MeToo » : les étudiantes parlent aujourd’hui librement de la condition féminine et de ses dimensions sociales et éthiques. « Si les femmes de ma génération avaient eu MeToo, elles auraient évité de vivre des choses déstabilisantes », estime Krista Finstad-Milion. La chercheuse observe des tensions, notamment lorsque les hommes en viennent à éviter certains mots ou gestes professionnels qui pourraient être mal interprétés, mais trouve normal qu’un jeune mouvement déborde avant de trouver ses limites.

Engagement

Les thématiques de l’inclusion et de la diversité captivent également l’émigrée canadienne, qui a introduit dans son village vosgien de Fontenay (520 habitants) une multiculturalité qu’il n’avait sans doute jamais connu. La famille Finstad-Milion y a accueilli des enfants venus de partout. Élue maire, en 2014 – au deuxième tour, à la tête d’une liste panachée comportant autant de femmes que d’hommes – elle y a fait jouer bénévolement dans la salle des fêtes communale un collectif de folk américain, les Tramenco, habitués à faire salle comble à Liverpool. Elle a également fait transiter par le village un journal scolaire mondialisé parti de Vancouver pour arriver sur les pupitres d’écoliers sibériens francophones. Lors de la campagne présidentielle, elle a invité à Fontenay la candidate centriste Rama Yade et lui a accordé son parrainage. Fière de son unique mandat – elle savait dès sa candidature qu’elle n’en briguerait pas d’autre –, l’ex-maire est restée en lien avec les entreprises locales. Elle cite avec enthousiasme un exemple apporté par l’association Face (Fondation action contre l’exclusion), dont une entreprise adhérence a accueilli une réfugiée syrienne en immersion. Pétrie d’une culture du résultat, l’équipe a intégré à contrecœur cette néophyte qui risquait de plomber sa compétitivité. Mais il n’a fallu qu’une semaine pour que les salariés changent d’avis et demandent l’embauche de leur nouvelle collègue.

Krista Finstad-Milion assure n’avoir jamais programmé sa carrière, se fiant à ses intuitions pour se lancer dans de nouvelles aventures. « Il faut partir quand tout va bien, même quand on ne sait pas où l’on va. Les moments de doute et de remise en question sont aussi des périodes de foisonnement et c’est un luxe que de pouvoir décider », affirme cette spécialiste du management de la transition. L’enseignement et la recherche lui permettraient de travailler bien au-delà de 64 ans, mais Krista Finstad-Milion a déjà posé les jalons d’une troisième carrière encore informulée qu’elle envisage avec sérénité.