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Retraite : les erreurs de méthode

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.03.2023 | Jean-Claude Mailly

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Retraite : les erreurs de méthode

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« La forme c’est le fond qui remonte à la surface » (Victor Hugo).

La réforme fut annoncée par le président de la République lors de la campagne présidentielle pour des raisons politiques, vis-à-vis notamment de l’électorat des Républicains. Elle a aussi pour objet, sur un thème anxiogène donc délicat, de mettre en œuvre une réduction des dépenses publiques afin de répondre aux attentes des marchés financiers et de nos voisins allemands. Si la réélection d’Emmanuel Macron revêt une légitimité incontestable, elle n’implique pas obligatoirement consentement sur un programme, ce que lui-même avait d’ailleurs reconnu au Champ de mars le soir de sa victoire. Première erreur donc.

Confiée au Gouvernement, la réforme est d’abord présentée comme juste mais ne convainc pas la majorité de la population qui n’accepte pas les efforts imposés, qui plus est non répartis.

S’entame alors un processus de concertation avec les interlocuteurs sociaux de la part de la Première Ministre, du ministre du Travail mais surtout de son cabinet. Il y a deux façons de concerter : la première consiste à ne fermer aucune porte et à essayer d’aboutir à un compromis, ce qui s’apparente à une négociation sans signature formalisée. La seconde vise à consulter, surtout pour la forme, en restant inflexible sur certains points. C’est la deuxième formule qui a été retenue. Or, il était connu de tous que les syndicats, sans exception, étaient opposés à un recul de l’âge. Dans ces conditions, ou le Gouvernement espérait trouver une faille du côté syndical et a mal évalué les choses, ou il avait décidé d’aller au conflit. Deuxième erreur dans un contexte où le pays sort d’une période difficile avec la pandémie, connaît des difficultés liées à l’inflation, voit le rapport au travail se transformer et les seniors trop souvent écartés de l’emploi.

De fait, le compromis devient impossible. Les syndicats commencent, dans l’unité d’action, à mobiliser et l’exécutif décrète la fin des concertations, arguant de manière technocratique qu’il fallait entrer dans les discussions politiques au Parlement. Autrement dit, on a discuté avec les syndicats mais on négocie avec les républicains ! Le fil est alors coupé avec les syndicats, troisième erreur. Il n’est en effet jamais bon, même dans les périodes difficiles, de couper les contacts. Tout cela ne fait que dégrader encore les relations et le climat social, y compris pour l’avenir. L’expérience en la matière enseigne que, sans respect réciproque, les choses ne peuvent que s’envenimer et conduire à ce que l’on peut appeler des sorties de route, par exemple sans interlocuteur pour discuter.

À l’heure où ces lignes sont écrites on ne connaît pas la fin de l’histoire. Mais on doit rapidement réfléchir à prendre des dispositions garantissant l’existence d’un vrai dialogue social. Cela passe notamment par la modification de la loi dite « Larcher » de 2007, votée après l’épisode du CPE en 2006. Celle-ci oblige un Gouvernement voulant toucher au Code du travail à consulter les interlocuteurs sociaux et leur demander s’ils veulent négocier. Au fil du temps, son esprit a été détourné (cf. l’assurance chômage en 2018) en imposant des calendriers trop courts et en faisant des lettres de cadrage et non d’orientation, ce qui corsète et rend impossible la négociation. Étendre le champ de la loi à la protection sociale, interdire les lettres de cadrage et respecter la liberté de négociation serait démocratiquement bienvenu et porteur d’avenir.

Auteur

  • Jean-Claude Mailly