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#JamaisSansElles : fer de lance de la mixité

Actu | Eux | publié le : 01.03.2023 | Murielle Wolski

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#JamaisSansElles : fer de lance de la mixité

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Touche-à-tout, car tour à tour – ou en même temps – journaliste, chroniqueuse, fondatrice d’une agence digitale, experte en clics culturels, Natacha Quester-Séméon porte – en famille, avec Tatiana F-Salomon, sa mère – le combat de la mixité dans la société française. À tous les étages. Dans tous les secteurs. Et, au vu du dernier rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, cette militante n’est pas près de raccrocher.

Comment le sujet de la place des femmes dans l’entreprise s’est imposé à vous ?

Natacha Quester-Séméon : Je suis tombée dedans très vite. Dans le numérique, j’étais souvent la seule femme, il y a quinze ans. Ce secteur n’était pas ouvert comme aujourd’hui, même si cela reste encore insatisfaisant. Et on a repéré une photo d’un meeting avec François Hollande en 2014. En dehors d’Angela Merkel, pas d’autres femmes. Il y a eu un appel. Et l’engagement du Club des gentlemen, entrepreneurs du numérique, de ne plus participer à un panel, une table ronde ou une réunion publique sans une femme est né. Des hommes prennent la parole pour demander la présence des femmes. Le levier est totalement nouveau. L’action est née avant l’association et, en quelques semaines, sur les réseaux sociaux, et sur Twitter en particulier, plus de 10 millions de personnes ont été touchées. D’après une étude de l’Ifop, #JamaisSansElles est le quatrième hashtag le plus marquant d’un mouvement collectif depuis 2015 sur Twitter en France, derrière #Mee-too. On a été complètement dépassés, surpris par autant de retours positifs.

Refuser de participer à une réunion non mixte fait vraiment bouger les lignes ?

N. Q.-S. : C’est la pointe de l’iceberg. Reste un travail de fourmi à développer. Cela ne changera pas du jour au lendemain. C’est une question transversale qui touche toutes les couches de la population. Les stéréotypes ne reculent pas. Or, la mixité constitue un facteur de performance dans l’entreprise. Un défi collectif se pose à nous. L’intérêt de refuser de siéger à une réunion non mixte conduit à dérouler une réflexion. Pourquoi les femmes sont-elles absentes ? Si peu nombreuses dans le secteur ? À telles ou telles fonctions ? Quel est le vivier ? On remonte. C’est un problème d’éducation.

À la tête du groupe BNP-Paribas, Jean-Laurent Bonnafé en a fait un prérequis. Les équipes le vérifient. Les signataires ne veulent pas être pris en défaut. Il y a un risque à annoncer et à ne pas le faire. Aujourd’hui, tout se sait, tout se voit. Le grand public est attentif à la véracité des engagements.

Quelles sont les actions menées ?

N. Q.-S. : Des chartes d’engagement sont signées avec les entreprises, avec les ministères… Près de 1 200 leaders, hommes et femmes, sont engagés. Et les ponts établis avec les jeunes ont pour objectif de changer d’échelle d’action. C’est le cas en juin dernier avec la signature conjointe avec le Mouvement des junior-entreprises. Il s’agit là de 25 000 jeunes répartis dans 200 établissements d’enseignement supérieur. La proximité d’âge est importante pour la diffusion du message. Et, cet effet de contagion doit commencer tôt. D’où l’intérêt de la Journée de la mixité des métiers, en partenariat avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et du ministère de l’Éducation nationale. La deuxième édition s’est déroulée le 22 novembre dernier, la troisième se profile. On en est au début. McDonald’s France a choisi de sensibiliser le cercle de ses fournisseurs. Le dernier signataire en date, à savoir PWC France et Maghreb a inscrit dans sa charte un objectif de 30 % de femmes parmi ses associés d’ici à 2026, et la réalisation d’une enquête de perception (« La Voix des femmes ») sur l’expérience professionnelle dans l’entreprise… À chaque fois, le mode d’emploi est donné. On accompagne pour atteindre l’ambition fixée.

Avec bientôt sept ans d’existence, avez-vous mesuré l’impact des engagements pris ?

N. Q.-S. : BNP-Paribas a réalisé la première enquête du genre. On y apprend que 91 % des dirigeants signataires du groupe ont réussi à faire modifier la composition d’une table ronde, d’un panel ou d’un jury pour faire intervenir une ou plusieurs femmes ; 70 % ont décliné au moins une participation… Refuser les événements non mixtes est un levier simple et efficace pour augmenter la visibilité des femmes en interne et en externe pour 94 % des signataires. Ou bien encore, 30 % des femmes invitées à intervenir lors d’événements l’ont été dans des événements auxquels aucune autre femme n’était également associée…

« Malgré des avancées incontestables en matière de droits des femmes, la situation est alarmante ». Voilà ce que l’on peut lire dans le rapport 2023 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Un bilan que vous partagez ?

N. Q.-S. : Pareil rapport ne me surprend pas vraiment. La visibilité des femmes ? On en parle plus aujourd’hui, certes, alors qu’avant le sujet était confidentiel. Avant Me-too, par exemple. En tant que femme, on ne s’en rendait même pas compte d’ailleurs. Il n’y avait qu’à voir la composition des invités sur les plateaux télé. Cela ne choquait personne. Certains disent qu’on en entend trop parler. Pour cette question, il en va comme en météo : il y a la température réelle et la température ressentie. Il y a des biais. Dès que l’on sort de Paris, dès que l’on se déplace, Me-too, les Français ne savent pas forcément ce que c’est. Il faut trouver la bonne façon de faire. Il faut avoir en tête que le sujet ne concerne pas uniquement les femmes. À parler de mixité, on arrive à traiter de la diversité, des âges, des origines… Un processus est enclenché. Le fil de la pelote est tiré. Pour y arriver, il faudrait une armée de volontaires pour effectuer un travail de fond.

Confier le poste de premier ministre à une femme est-il de nature à faire évoluer les mentalités ? Les regards ?

N. Q.-S. : Élisabeth Borne à Matignon, Yaël Braun-Pivet au perchoir de l’Assemblée nationale, Aurore Bergé comme présidente du groupe de la majorité dans l’Hémicycle… C’est une première. L’objectif est que cela devienne un non-sujet, que cela ne soit plus un débat. Avoir des rôles modèles est essentiel pour se projeter. D’ailleurs, Élisabeth Borne y a fait allusion dans son discours. Mais elles restent aujourd’hui des exceptions. Elles portent un poids supplémentaire sur leurs épaules. C’est un peu la double peine. Elles sont jugées en tant que femmes. Cela doit devenir normal, avec des viviers pour que cela fonctionne sur le long terme. Le sujet est important dans le monde de l’entreprise. Avec un marché de l’emploi tendu, la mixité à des postes de direction constitue un facteur d’attractivité. La marque employeur compte. C’en est l’un des éléments. La jeune génération met assurément une pression. Aucun effet de levier ne doit être négligé. La société civile joue un grand rôle. Les femmes politiques actuelles viennent de la vie civile. Mais, le processus est long.

Y a-t-il des bastions qui font encore de la résistance ?

N. Q.-S. : Le monde syndical, le milieu du sport sont deux exemples où le conservatisme est de mise, avec un entre-soi marqué qui verrouille tout.

Avez-vous encore le temps de vous consacrer à d’autres engagements ?

N. Q.-S. : Avec Tatiana F-Salomon, nous sommes toujours prêtes à filer un coup de main, au bénéfice d’autres initiatives. « JamaisSansElles » s’inscrit dans une vie d’engagement, avec les migrants, en faveur des arbres près de la Tour Eiffel, dans le conseil de quartier de la mairie du 5e arrondissement de Paris… Le monde associatif permet de faire bouger les lignes. D’être efficace. D’aller vers des choses effectives. Des réalisations qui ne reposent que sur nous-mêmes. C’est une autre façon de faire de la politique…. Mais, « JamaisSansElles » est encore en devenir. On peut parler d’une start-up de la mixité. Souvent, la question est posée : comment agir ? Le tissu de la société civile est dynamique. La route est longue pour ce mouvement. L’enthousiasme est bien au rendez-vous, mais le travail qui reste à faire est colossal. Mais, « JamaisSansElles » s’exporte déjà. Au Mexique, en Espagne, aux États-Unis, voire au Danemark où le ministère de l’Éducation nous a sollicités pour travailler un module à destination des jeunes qui apprennent le français…

Auteur

  • Murielle Wolski