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Le bloc-notes

Ralentissement économique et plans sociaux

Le bloc-notes | publié le : 01.09.2001 | Bernard Brunhes

Une politique de l'emploi à revisiter

Le ralentissement économique ne fait plus de doute. En cette rentrée, le freinage de l'économie américaine, l'éclatement de la bulle des nouvelles technologies et les difficultés de l'Allemagne qui n'en finit pas d'intégrer les Länder de l'Est auront eu raison de l'embellie des quatre dernières années. Entre les optimistes impénitents qui ne croient qu'à un trou d'air et les Cassandre qui nous voient déjà en récession, l'avenir proche tient vraisemblablement le milieu de la route : ralentissement, certes, mais comme l'économie française a été lente à gonfler la bulle technologique, elle réagira en douceur à son éclatement. La consommation des ménages continue sa brillante progression. Mais peut-être faut-il n'y voir que l'effet d'une utilisation massive des billets de banque sortis des bas de laine parce qu'ils n'auront plus cours dans quelques semaines.

L'effet sur l'emploi s'est déjà fait sentir dans les statistiques. Quelle que soit l'efficacité des politiques conduites depuis quatre ans – 35 heures ou emplois jeunes –, nul n'ignore que c'est d'abord l'embellie économique qui a permis l'abaissement spectaculaire du chômage. C'est sous un nouveau ciel que doivent être revisitées les politiques de l'emploi : maintien d'un volant d'emplois jeunes, assouplissement de la mise en œuvre des 35 heures, politique de réduction de la fiscalité malgré l'affaiblissement des bases imposables, et surtout développement d'une politique plus active d'insertion et de préparation à l'emploi. Le tout nouveau Pare devrait y contribuer, si les moyens nécessaires sont mis en mouvement.

Stratégie d'entreprise et plans sociaux

Les plans sociaux semblent tomber comme à Gravelotte. Depuis Danone et Marks & Spencer, on compte les points. Le cas d'AOM-Air Liberté aura constitué le feuilleton de l'été, un feuilleton dans lequel – soit dit en passant – les organisations syndicales ont montré une maturité et un courage qui doivent être soulignés. Il y aura d'autres fermetures de sites et réductions d'effectifs à travers le monde. Le changement de cap des secteurs producteurs ou tributaires des NTIC, s'ajoutant au flux habituel de réorganisations, suffit à expliquer la plupart des restructurations, mais le ralentissement économique est évidemment de nature à accélérer le mouvement.

Le plus inquiétant est ailleurs : décidément le social vient toujours en dernier ressort dans les décisions stratégiques. Les dirigeants des grands groupes n'ont-ils donc rien appris ? Ne savent-ils pas qu'à tenir les conséquences sociales des restructurations pour des « dommages collatéraux » ils risquent des effets de boomerang ? Il y a eu tant d'échecs dans les fusions, tant d'argent et de temps perdus dans les restructurations mal préparées, tant de perte de prestige et de déficit d'image pour des entreprises traitant leur personnel au mieux comme une simple ressource parmi d'autres, au pire comme une charge, que l'on se demande comment des employeurs, soucieux ou non de leur responsabilité humaine et sociale, peuvent encore aujourd'hui n'appeler leur DRH que lorsque tout est décidé, avec instruction de panser les plaies et d'éviter les tribunaux.

Alors seulement, quand il ne reste plus de marge de manœuvre, la direction se tourne vers le comité d'entreprise et les syndicats pour les consulter. Faut-il s'étonner de leurs réactions parfois violentes ? Les pays et les entreprises où l'on sait gérer les restructurations sont tout simplement ceux et celles qui consultent régulièrement (quand tout va bien) leurs partenaires sociaux sur la stratégie industrielle, économique et sociale. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.

La Sécu veuve du Medef ?

Le Medef s'apprête à quitter les conseils d'administration des caisses de Sécurité sociale. Ce n'est pas une décision mineure. Depuis 1945, malgré toutes les péripéties qui ont marqué l'histoire de la Sécu, il y était présent. Son départ déséquilibrerait profondément ces institutions.

Or il a laissé la porte entrouverte : il n'a pas parlé de sortir du système, il se contente de ne pas nommer ses représentants qui doivent être renouvelés au 1er octobre. Derrière les échanges sans aménité entre les représentants de l'État, du patronat, des diverses centrales syndicales et des syndicats médicaux, il y a en fait un accord sur tout ce qui est important, structurel et décisif. Il serait dommage que les éclats de voix masquent l'essentiel, c'est-à-dire 95 % de consensus pour 5 % de désaccords. Faut-il que les disputes Medef-gouvernement sur les 35 heures aboutissent à remettre en cause une Sécurité sociale plus que cinquantenaire ? Seul l'État est assez sage pour calmer le jeu. Espérons que le gouvernement le fera rapidement et qu'il saura reprendre le dialogue nécessaire.

Auteur

  • Bernard Brunhes