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Idées

Les dommages du travail à la hâte

Idées | Livres | publié le : 01.02.2023 | Lydie Colders

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Les dommages du travail à la hâte

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Dans ce livre de récits « Le travail pressé », Corinne Gaudart et Serge Volkoff montrent les dégâts de l’intensification du travail sur la santé des salariés. Il faudrait, selon eux, réinventer « une écologie des temps de travail ».

Flux tendus, new public management, la volonté d’ajuster en temps réel le travail à la demande des clients, des usagers avec des effectifs « au plus juste », a intensifié le travail depuis plusieurs décennies. Une pression accrue avec le traçage des cadences de travail à l’ère numérique. Dans leur livre vivant, les chercheurs et ergonomes Corinne Gaudart et Serge Volkoff auscultent les méfaits « du travail à la hâte ». Lorsque « la disponibilité temporelle est devenue centrale », les temps de repos perdent leur caractère collectif. Les chercheurs partent d’études concrètes (ouvriers du BTP, de la sidérurgie, infirmières, agents administratifs) pour montrer que cette course au temps percute l’activité des salariés. L’intégration des jeunes dans ces secteurs pénuriques ? « On n’a pas le temps de leur montrer », dit une aide-soignante. Expliquer aux nouveaux ? « Cela dépend si l’on est en retard ou pas. Et on ne sait pas à l’avance combien d’intérimaires vont rester », lâche un ouvrier du bâtiment. De la gestion des risques aux changements imposés, les auteurs ont à cœur de montrer les astuces des salariés pour « s’en sortir » face à ce rythme, de nouveaux logiciels de gestion performants bridant leur autonomie (lire le cas d’une CAF). Déplorant ces transformations effrénées dans les entreprises, sans aucune prise en compte des salariés, ils s’interrogent. Coincés entre l’injonction à ne pas faire d’erreur et à s’adapter au plus vite, « on peut se demander d’abord, comment les salariés arrivent à assurer […] leur rôle d’agent de fiabilité ». La réponse tient à leur expérience, aux temps d’échanges informels essentiels. Tout ce travail invisible est nié à l’ère « du productivisme réactif ». Les entreprises chassent les temps morts…

Une autre politique des temps de travail

Vu par des ergonomes, le livre est plutôt une ode managériale à inventer « une écologie des temps de travail ». Pour préserver la santé des salariés, il faudrait retrouver le temps long, plaident Corinne Gaudart et Serge Volkoff. « Les temps pour apprendre, s’approprier un métier, travailler ensemble, anticiper les problèmes » sont indispensables pour bien vivre son travail et ne riment pas avec rentabilité immédiate. Un propos sage, un peu convenu. Seule allusion critique : au travers de rares exemples d’aménagement de poste ou du temps de travail de salariés vieillissants, les chercheurs critiquent la pression des décisions politiques, en particulier les réformes des retraites. « Quand la tendance est à la hâte, les affirmations lapidaires (on vit plus, il faut bien que l’on travaille plus longtemps) relève surtout d’un choix de société, non d’une supposée vérité arithmétique ». Ils rappellent le faible emploi des seniors, la pénibilité de certains métiers, la moindre résistance à la pression du travail avec l’âge. Encore faut-il que le temps partiel ou les retraites progressives, qu’ils évoquent comme des alternatives possibles, ne soient pas contraints…

« Le travail pressé »,

Corinne Gaudart et Serge Volkoff, éd. Les Petits matins, 208 pages, 18 euros.

Auteur

  • Lydie Colders