logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Édito

Grands corps malades

Édito | publié le : 01.02.2023 | Lucy Letellier

La bataille engagée sur le front des retraites mérite aussi d’être considérée comme un symptôme. Celui de la longue déliquescence du dialogue social dans notre pays. Ce n’est pas une nouveauté, loin de là. Personne n’a oublié la déclaration aussi provocatrice que sibylline de Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’État, bravache, avait lancé en 2008 : « Désormais, quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit. » Une assertion évidemment fausse, mais qui dénote la considération accordée aux corps intermédiaires par le pouvoir exécutif depuis une quinzaine d’années. Un mépris relevant de la pathologie démocratique qu’ont également adopté François Hollande et Emmanuel Macron une fois installés au pouvoir. En attestent la loi portée par Myriam El Khomri en 2016, la réforme du Code du travail en 2017 par ordonnances ou, plus récemment, la réforme à la hussarde de l’assurance-chômage.

Les institutions de la Ve République permettent, certes, le passage en force législatif. Ce dont ne s’est pas privée Élisabeth Borne, la Première ministre usant et abusant ces derniers mois de l’article 49.3 engageant la responsabilité de son gouvernement.

Mais cette attitude court-termiste fragilise les bases mêmes de notre contrat social.

En décrédibilisant de manière systématique les centrales syndicales, les gouvernements successifs ont fragilisé notre système de représentation. Conséquences ? Les travailleurs (salariés, cadres, indépendants, petits patrons, etc.) ne se sentent plus efficacement représentés et se détournent de leurs représentants traditionnels, qui ne peuvent plus de facto jouer leur rôle d’amortisseur. De soupape. Sans surprise, les effets délétères d’un tel pourrissement sont déjà constatables. Les grèves sauvages, à l’image de celle des contrôleurs SNCF à Noël dernier, sont de plus en plus fréquentes. Et sont appelées à se multiplier.

L’hubris de l’actuel pensionnaire de l’Élysée interdit de croire au rétablissement de la confiance. Il a réussi l’exploit de pousser sur le dossier des retraites la très arrangeante CFDT à s’aligner sur les positions de la CGT. Il existe néanmoins une échappatoire. Elle porte le nom de… démocratie sociale. Que mettre en place pour la faire surgir du caveau dans laquelle elle pourrit actuellement ? Que l’Élysée entende enfin les syndicats. Que le président de la République tienne compte de l’opinion, qui lui est très majoritairement hostile.

Auteur

  • Lucy Letellier