« Pourquoi travailler ? » Telle est la question que pose Antoine Hussenot, professeur en sciences de gestion à l’université Côte d’Azur dans cet ouvrage qui interroge la place du travail et son évolution dans nos sociétés. Et de rappeler que, pendant longtemps, le travail a été une activité dénigrée par les élites et réservée aux classes inférieures avant d’être réhabilité avec le développement du capitalisme moderne qui a porté aux nues la « valeur travail » sans pourtant prendre la peine de récompenser à sa juste mesure la contribution à la société des travailleurs essentiels non diplômés. Au XX^e siècle, l’auteur voit émerger le travail moderne dominé par le salariat qui pousse à son paroxysme l’impératif de productivité propre aux économies industrielles qui dope la croissance et améliore les conditions matérielles. Développé à l’ère industrielle, ce travail moderne traverse une crise car les aspirations des salariés ont évolué et les enjeux environnementaux remettent en cause la logique productiviste qui sous-tend le travail moderne. Il nous faut donc repenser l’économie et le travail, fondés sur une logique de domination et d’exploitation des ressources humaines et naturelles. Antoine Hussenot observe l’engouement pour ce qu’il appelle le travail expressif qui donne priorité à la réalisation de la personne et à la contribution au bien commun et où l’argent n’est pas la priorité absolue. Dans cette catégorie, il range, au-delà des artistes et des intellectuels, les makers et les nomades digitaux, les travailleurs indépendants, les néo-paysans qui expérimentent de nouvelles façons de travailler et de consommer plus libres que dans les entreprises classiques. Ce mouvement vers le travail expressif s’accompagne d’une revendication de bien-être (flexibilité des horaires, télétravail…) qui contamine le travail moderne. Conséquence de ces nouvelles aspirations, le rééquilibrage entre vie privée et professionnelle devrait se poursuivre dans les pays occidentaux et le travail prendre une place moins centrale quand bien même elle demeurera importante. Pour finir, Antoine Hussenot en appelle à l’émergence d’un monde du travail basé sur une logique de qualité des productions (et non de quantité), de care dans les relations avec les humains et la nature (et non de domination) et de consommation capacitante (et non compensatoire ou compulsive pour soulager un mal-être).

Antoine Hussenot, éd. EMS, 22 euros