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Une vie de lutte pour la santé des travailleurs

Actu | Eux | publié le : 01.01.2023 | Pascale Braun

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Une vie de lutte pour la santé des travailleurs

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Entre deux trains, le docteur Lucien Privet prend le temps d’un café au bistrot pour résumer d’une voix posée quarante-cinq ans d’engagement au service du mouvement social. Il arrive de Neuf-Brisach, en Alsace, où il assure une permanence auprès de la commission santé-sécurité au travail du CSE de l’usine d’aluminium de Constellium (ex-Péchiney). L’octogénaire regagne ses pénates lorrains, mais prépare déjà sa prochaine visite à Paris, où il apporte son expertise au cabinet Teissonière – TTLA, spécialisé dans l’indemnisation des salariés victimes de maladies professionnelles. Il peaufine par ailleurs son argumentaire sur la baisse des indemnités AT-MP (accidents du travail – maladies professionnelles), son nouveau cheval de bataille, auquel il a consacré un PowerPoint de 250 pages.

« La période n’est pas très favorable au mouvement social et les acquis sont remis en cause. Les libéraux tiennent le haut du pavé, les médecins sont souvent du côté du manche et les juges font ce qu’ils peuvent, sans trop se mouiller », regrette Lucien Privet. Voici cinq décennies que le médecin-conseil pointe le cancer, les troubles respiratoires ou les TMS, en travaillant tout particulièrement sur les pathologies qui ne sont pas répertoriées dans les tableaux des maladies professionnelles. Lucien Privet n’est pas mécontent d’avoir contribué à faire reconnaître le lien entre deux cas de Parkinson et l’exposition au trichloréthylène, ou d’avoir vu ses conclusions reprises par la cour de cassation dans un cas de surdité. Il a encore fort à faire sur les incidences de la silice qui, outre la silicose, peut causer des maladies auto-immunes. Le cancer du sein est parfois reconnu comme maladie professionnelle, mais aux dires du médecin, peu de femmes signalent leur cas.

Disciple de Ramazzini

Longtemps, le docteur Privet n’a pas compté ses heures, assurant jusqu’à douze permanences auprès de syndicats ou groupes de défense de victimes. En 2020, il a fondé l’association Ramazzini, du nom du médecin italien du XVIIesiècle précurseur de la médecine du travail. Une douzaine de collectifs a rejoint la structure et cinq médecins, majoritairement retraités de la médecine du travail, assurent désormais une partie des permanences. Lucien Privet en conserve certaines en Alsace et en Moselle. Il y rencontre des hommes et des femmes, ouvriers ou employés, parfois jeunes, tous exposés à des souffrances au travail. « Le risque toxique diminue, mais je ne vois pas ce qui pourrait faire reculer les TMS ou les risques psychosociaux. Il faudrait travailler de manière beaucoup plus cool, mais on n’en prend pas le chemin et, si l’on recule l’âge de la retraite, les organismes s’useront encore plus », souligne Lucien Privet. Heureux d’avoir donné un sens à sa vie, le militant, par ailleurs père et grand-père attentif, ne rumine pas ses illusions perdues. « Nous pensions que nous allions changer le monde, mais nous n’avons mis que des rustines. N’empêche, l’information circule mieux qu’auparavant, je vois des équipes syndicales qui ont envie de bosser et je sens un frémissement », assure l’ancien séminariste au tropisme libertaire qui s’est promis de ne jamais raccrocher.

Lucien Privet

1943

Naissance dans la Meuse.

1977

Pédiatre, il lance en parallèle des « enquêtes-actions » sur la santé des mineurs de charbon.

1990

Conseiller professionnel auprès du ministère du Travail, à Paris.

1991

Premières permanences médico-légales en Lorraine pour les mineurs de fer, puis de charbon.

2020

Crée l’association Ramazzini, qui accompagne les victimes de maladies et d’accidents professionnels.

Auteur

  • Pascale Braun