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Idées

Moins de droits chômage et moins de droits formation : incohérent !

Idées | bloc-notes | publié le : 01.12.2022 |

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Moins de droits chômage et moins de droits formation : incohérent !

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Le 21 novembre dernier, le Gouvernement a présenté une modification des règles de l’assurance-chômage, applicable à compter du 1er février 2023, consistant pour l’essentiel à réduire de 25 % la durée d’indemnisation. Pour la même durée de travail qu’aujourd’hui, les chômeurs seront ainsi indemnisés moins longtemps : un an de cotisation donnera désormais lieu à 9 mois d’indemnisation, et non plus 12 ; la durée maximale d’indemnisation passera de 24 à 18 mois, et de 36 à 27 mois pour les plus de 55 ans.

Qu’on soit pour ou contre cette modification, l’honnêteté oblige à reconnaître deux faits. Le premier, c’est qu’avec cette évolution, la France rejoint la moyenne de la durée d’indemnisation maximale en Europe, mais ne passe pas dans le bas du classement. Certes, l’assurance-chômage française s’éloigne de celle du Danemark, de la Norvège, de l’Espagne ou de l’Italie (pays dans lesquels la durée maximale est de 24 mois), mais elle reste bien plus étendue dans le temps qu’au Royaume-Uni (6 mois) ou en Allemagne (12 mois). Le second fait, c’est que toute personne qui a connu un épisode de chômage dans sa vie sait que l’intensité de la recherche augmente avec le rapprochement de la fin de droits. Cela a des inconvénients évidents, comme le fait que les personnes se mettent à accepter des emplois qui ne leur plaisent pas vraiment, mais il est incontestable que plus la perspective de se retrouver au RSA devient concrète, plus le niveau d’exigence sur l’emploi baisse, et donc plus l’incitation est forte. Il est donc cohérent, si on veut intensifier la recherche d’emploi, de diminuer la durée d’indemnisation (à condition d’assumer que les chômeurs doivent, au bout d’un moment, travailler en reprenant même un emploi qui ne leur plaît pas).

En revanche, ce qui est incohérent, c’est de rogner les droits à la formation et les droits au chômage en même temps. Car on ne peut pas dire aux demandeurs d’emploi que leur durée d’indemnisation est trop longue et les incite à rester au chômage, et parallèlement réduire les moyens qu’ils ont de retrouver un bon emploi (ou de ne pas se retrouver au chômage), au premier desquels figure la formation. Or, c’est bien ce que fait le Gouvernement, en s’acharnant à vouloir faire des économies sur le compte personnel de formation (CPF), qui est le moyen le plus simple et le plus direct, pour les chômeurs comme pour les salariés, d’accéder à la formation. Il est question d’un ticket modérateur, qui détournerait les ouvriers et les employés du CPF, alors que le succès populaire de l’appli CPF (2,1 millions de personnes formées via le CPF par an, contre moins de 500 000 avant l’appli…) vient justement du fait qu’il a rendu la formation accessible aux personnes non cadres, qui représentent 82 % des usagers. En outre, depuis le 25 octobre, l’accès à l’utilisation du compte est conditionné à l’obtention d’une identité numérique, qu’il faut demander à La Poste. Résultat, les demandes de formation ont chuté de plus de 40 %, et on ne fera croire à personne qu’il y avait 40 % des utilisateurs du CPF, c’est-à-dire près d’un million de personnes, qui étaient des fraudeurs. Il s’agit bel et bien de la mise en place délibérée d’une barrière administrative, c’est-à-dire l’exact contraire du programme présidentiel, qui avait insisté, à juste titre, sur la simplification de l’accès aux droits.

Au total, c’est la cohérence du projet macronien qui est en cause : réduire les droits au chômage et augmenter les droits à la formation, c’eût été exigeant mais cohérent, c’eût été favoriser une société de la mobilité et du mérite par l’accès aux compétences. Mais réduire l’indemnisation chômage et en même temps rendre plus difficile l’accès au CPF, c’est incohérent politiquement, inefficace économiquement et injuste socialement.