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Édito

Beaucoup de si…

Édito | publié le : 01.12.2022 | Benjamin d’Alguerre

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Beaucoup de si…

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Le couperet est tombé. En période de tensions sur l’emploi, les chômeurs bénéficieront d’une durée d’indemnisation réduite de 25 % à compter du mois de février 2023. En clair et en résumé : un demandeur d’emploi ayant cotisé vingt-quatre mois ne sera plus indemnisé que dix-huit. Bien sûr, en présentant sa réforme de l’assurance-chômage à la presse fin novembre, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, n’a pas manqué d’insister sur les nombreuses garanties destinées à sécuriser ces nouvelles règles du jeu applicables si et seulement si le taux de chômage ne remonte pas au-dessus de la barre des 9 %, que ce soit en matière de catégories exclues de l’application de la réforme – comme les intermittents du spectacle – ou de possibilité de prolonger les droits en cas de remontée du chômage dans la zone rouge (voir également page 30).

« Quand ça va mieux, on durcit les règles. Quand ça va moins bien sur le front de l’emploi, on protège davantage ». Le leitmotiv – presque un slogan ! – avancé par le Gouvernement pour justifier sa réforme ne convainc en tout cas ni les syndicats (unanimement contre), ni même certaines organisations patronales comme l’U2P, qui, tout en soutenant son principe du bout des lèvres, avoue que ce durcissement des règles de l’indemnisation ne contribuera pas à régler les tensions sur l’emploi chez les artisans et les professionnels libéraux qu’elle représente. Concrètement, qu’attendre de ce serrage de boulons de l’assurance-chômage ? 4 milliards d’économie sur la trésorerie de l’Unédic chaque année et, selon le ministre, « 100 000 à 150 000 créations d’emploi par an ». La promesse est tentante, mais la littérature économique sur laquelle elle repose, plutôt faiblarde. Un ouvrage de l’économiste Alexandra Roulet et une étude publiée dans le « Quarterly Journal of Economics ». Et, bien sûr, l’exemple canadien, où ce type de politique est déjà en vigueur, mais où la structuration de l’emploi n’a pas grand-chose à voir avec celle qui existe ici.

Mais le principal reproche qu’on pourrait faire à cette réforme, c’est son caractère purement adéquationniste. Toujours la même antienne depuis que la question des emplois vacants est devenue l’alpha et l’oméga des politiques de l’emploi. S’il y a un job à prendre, il doit y avoir un chômeur pour l’occuper. Imparable sur le papier, cette logique s’est cependant toujours heurtée au mur de la réalité : si ces boulots ne trouvent pas preneurs, ce n’est pas que les demandeurs d’emploi sont fainéants, mais parce que ces emplois sont pénibles et mal payés. Une donnée que les différents ministres du Travail sous Nicolas Sarkozy ou François Hollande ont toujours négligée dans leur équation. Emmanuel Macron a choisi d’agiter simultanément la carotte – l’ordre donné aux branches de revaloriser salaires et conditions de travail – et le bâton – la réduction de la durée d’indemnisation, qui vient s’ajouter aux précédents effets des réformes de l’assurance-chômage, comme le plafonnement des allocations les plus élevées. Cela produira-t-il les effets escomptés en matière d’atteinte d’objectif du plein-emploi que s’est fixé l’exécutif ? À voir si les branches joueront le jeu des rémunérations à la hausse alors que 84 d’entre elles boudent toujours ; si le gouvernement contraindra les réfractaires – comme il s’y est engagé – à la fusion forcée ; et si l’alchimie entre les deux mesures fonctionne. Ça fait beaucoup de si…

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre