Les nouvelles règles de l’assurance-chômage entreront en vigueur le 1er février prochain. En cas de fortes tensions sur l’emploi, la durée d’indemnisation baissera de 25 %. Certaines professions et les territoires d’outre-mer sont épargnés, mais pas les seniors.
Patronat heureux, syndicats furieux. Le lundi 21 novembre au matin, à l’issue de la présentation de la nouvelle réforme de l’assurance-chômage aux partenaires sociaux par Olivier Dussopt, c’était un peu deux salles, deux ambiances au ministère du Travail, du Plein-Emploi et de l’Insertion. Côté syndical, on dénonce unanimement une réforme « punitive » qui ne réglera pas les problèmes des tensions sur l’emploi ; tandis que dans le camp des employeurs, on salue une réforme qui permettra aux entreprises de trouver les compétences dont elles manquent cruellement. « Il est anormal d’avoir un marché du travail si tendu alors que l’on compte plus de six millions d’inscrits à Pôle emploi », lançait Éric Chevée, vice-président de la CPME en charge des Affaires sociales depuis le perron de l’hôtel du Châtelet, juste après l’ultime multilatérale, qui concluait un cycle de concertations entre le ministère et les partenaires sociaux, entamé le 17 octobre dernier. Pour la Centrale des petits patrons, il y a urgence à remettre les chômeurs sur le marché du travail. Une enquête réalisée début novembre auprès de plus de 2 500 chefs de petites entreprises révélait qu’en dépit d’augmentation de rémunérations, 91 % d’entre eux ne parvenaient pas à combler leurs besoins de main-d’œuvre, faute de candidats. Dans ces conditions, 81 % des dirigeants de PME sondés approuvent la réforme. À l’U2P, on est plus circonspect. L’organisation des artisans et des employeurs libéraux a beau s’être ralliée en bout de course au projet d’Olivier Dussopt, elle n’en reste pas moins critique sur ses effets attendus. « Cela va sans doute permettre de réduire le chômage de longue durée, mais ce n’est pas avec cela que l’on va résoudre les problèmes de recrutement de nos adhérents qui sont surtout la conséquence d’un manque de formation à nos métiers et de problèmes de mobilité ou de logement », juge l’expert-comptable Michel Picon, négociateur pour l’Union des entreprises de proximité.
L’affaire aura été bouclée en un temps record ! Moins d’une semaine après le vote du projet de loi « marché du travail » au Parlement, Olivier Dussopt présentait les contours des nouvelles règles d’indemnisation du chômage selon le principe de la contracyclicité. Sur le fond, l’exécutif est demeuré d’équerre avec ses annonces initiales du mois de juillet, à savoir une durée d’indemnisation resserrée en cas de bonne situation économique et plus étendue en cas de fortes pressions sur l’emploi. Conformément aux promesses, le montant de l’indemnité ne sera pas affecté par la réforme. Pas plus qu’elle ne s’appliquera dans les territoires d’outre-mer au vu de la situation déjà critique de l’emploi. Les catégories déjà exclues de la réforme de 2019 (dockers, marins-pêcheurs, intermittents du spectacle, expatriés et demandeurs d’emploi engagés dans un contrat de sécurisation professionnelle) ne seront pas concernées par les nouvelles règles. En revanche, la territorialisation de la modulation des règles de l’assurance-chômage, un temps espérée par les élus locaux, sera également passée à la trappe. « Il aurait été trop difficile de l’adapter à chaque bassin d’emploi », confessait le ministre du Travail. Verdict : la réforme s’appliquera d’une manière uniforme en métropole en fonction des indicateurs retenus au niveau national. Une erreur d’appréciation au vu de la grande variation territoriale du taux de chômage, objecte l’économiste Olivier Bouba-Olga. Avec une même réforme qui s’appliquera indifféremment dans des territoires où le taux de chômage ne dépasse pas les 3,5 % ou dépasse au contraire les 14 %, « on risque de plonger beaucoup de demandeurs d’emploi dans la précarité », prévient l’universitaire sur son compte Twitter.
Concrètement, les demandeurs d’emploi entrant dans le régime d’assurance-chômage à partir du 1er février prochain verront leur durée d’indemnisation diminuer de 25 %. En clair, « un demandeur d’emploi qui a cotisé vingt-quatre mois sera indemnisé dix-huit », a détaillé le ministre. La mesure paraît rude, mais plusieurs garde-fous ont cependant été intégrés à la réforme. Primo : les droits des allocataires seront pleinement rétablis si le chômage passe en période « rouge », c’est-à-dire s’il dépasse les 9 % – contre 7,3 % aujourd’hui – selon les critères du Bureau international du travail, ou s’il augmente de 0,8 point sur un seul trimestre. Secundo : une période d’indemnisation minimale de six mois est garantie. Tertio : afin de protéger les demandeurs d’emploi n’ayant pas retrouvé de travail et arrivant en fin de droits en période « rouge », leur durée d’indemnisation sera prolongée de 25 % « à hauteur de la réduction initiale liée à l’application du coefficient de conversion ». Quarto : pour repasser dans le vert, les indicateurs devront être inférieurs aux seuils fixés pendant trois trimestres et, en cas d’atteinte du plein-emploi, des cliquets plus sévères pourraient même être appliqués. Une absence de poids parmi ces dispositifs de sécurité : il n’y a pas de dispositif spécifique concernant les seniors, qui seront donc soumis aux mêmes règles que les autres demandeurs d’emploi, alors qu’ils appartiennent à une catégorie particulièrement touchée par le chômage de longue durée.
Selon Olivier Dussopt, l’application de la réforme devrait permettre la création de « 100 000 à 150 000 emplois nouveaux » – à titre de comparaison, 83 000 l’ont été lors du dernier trimestre – et générer quelque 4 milliards d’euros d’économies pour l’Unédic. Les règles présentées par le ministre du Travail seront valables, mais d’ici là, les partenaires sociaux seront invités, fin 2023, à réengager une nouvelle négociation sur la prochaine convention d’assurance-chômage. Ils ont la possibilité de modifier le seuil de déclenchement de la modulation de la durée d’indemnisation, le taux ou le coefficient… mais pas le principe de la contracyclicité, inscrit dans le marbre. Ce n’est d’ailleurs pas le seul sujet dont les partenaires sociaux ont été invités à s’emparer par Olivier Dussopt, puisqu’ils sont désormais incités à se pencher sur l’épineuse question de la gouvernance de l’Unédic, ce que les organisations syndicales perçoivent déjà comme l’amorce de l’étatisation du régime…