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Le défi de l’e-management

Idées | Recherche | publié le : 01.11.2022 |

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Le défi de l’e-management

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Depuis mars 2020, la crise de la Covid-19 a considérablement modifié l’organisation du travail et les pratiques managériales, en générant des conséquences d’une ampleur sans précédent. Du jour au lendemain, sans anticipation ni préparation, de nombreuses personnes ont été contraintes à télétravailler et à manager à distance. La proximité traditionnelle entre le manager et ses collaborateurs a évolué vers un « e-management », qui requestionne l’arbitrage autonomie/contrôle.

L’e-management consiste à manager des collaborateurs à distance qui travaillent en dehors des locaux de l’entreprise, soit à leur domicile ou dans un télécentre, soit de manière nomade, en s’appuyant sur les technologies de l’information et de la communication. Le télétravail qui était jusqu’alors volontaire et inhérent à certaines professions, a été imposé lors de cette crise sanitaire, obligeant les collaborateurs et les manageurs à s’adapter à ce nouveau contexte professionnel. En effet, suite au premier confinement, la part des salariés concernés par le télétravail est passée de 30 % en novembre 2019 à 41 % en mai 2020 (Malakoff Humanis, 2021).

Aujourd’hui, le travail à distance a pris sa place au sein des organisations. La posture des manageurs est de ce fait à redessiner et il devient essentiel de les accompagner sur la voie de l’e-management. Dans le cadre d’une équipe à distance, les relations manageurs/collaborateurs deviennent virtuelles et les rencontres ponctuelles. La séparation avec l’environnement professionnel, induite par le télétravail, va favoriser la déspatialisation. Elle se traduit par une double-distance, physique et psychologique, pouvant déstabiliser le manageur et les collaborateurs. En effet, l’autonomie est un paramètre inhérent au télétravail, et le manageur se retrouve limité dans l’observation des comportements ou des résultats des télétravailleurs. L’absence de contact visuel et physique entre manageur et collaborateurs rend difficile la mise en place d’une communication fluide, ainsi que le suivi de ces derniers.

Peu armés pour cette nouvelle façon de manager, les superviseurs ont eu parfois du mal à adopter le bon positionnement. Même si de nombreux manageurs ont fini par trouver leurs marques dans cette gestion à distance, certains ont déplacé le curseur de l’autonomie versus le contrôle à l’extrême, laissant, dans un cas, les salariés s’autogérer, provoquant ainsi un sentiment d’abandon au sein de l’équipe, ou appliquant, dans un autre cas, un contrôle accru, entachant les échanges et le sentiment de confiance des collaborateurs.

Selon Nydegger et Nydegger (2010)1, les équipes à distance sont un système social dont le succès dépend de la qualité des informations disponibles, de la manière dont elles sont communiquées et utilisées, et finalement de la façon dont les membres travaillent ensemble avec ces informations pour accomplir leurs tâches. Pour mieux comprendre comment manager à distance avec succès, nous proposons quatre points de vigilance sur lesquels s’appuyer pour accompagner les manageurs dans l’évolution de leur métier. Ces propositions découlent d’une étude menée auprès de 49 manageurs et salariés appartenant à différentes équipes à distance de quatre organisations du secteur tertiaire.

1. Définir un cadre de communication et limiter le flux d’information

Un des enseignements de l’étude est la difficulté rencontrée par les collaborateurs et manageurs dans la gestion de l’information, à la fois très dense et de nature variée. L’utilisation de nouveaux outils de communication, notamment collaboratifs, amplifie ce sentiment d’être dépassé par la circulation de nombreux messages. Le flux d’information n’étant pas suffisamment régulé, le tri entre le stratégique et l’opérationnel, le prioritaire et le non-urgent, l’utile et le superficiel n’est pas toujours aisé. Ainsi, l’e-manageur doit mieux filtrer, traiter les informations à transmettre pour ne pas submerger les collaborateurs, et adapter l’utilisation des différents canaux de communication selon le type d’informations (stratégique ou non, besoin de traçabilité) et l’objectif de l’échange (coordination, transmission d’information, etc.).

2. Conserver une proximité psychologique

Les télétravailleurs souffrent d’un manque de lien social avec leur équipe. Le sentiment de suspicion sur le travail réel qu’ils exécutent, lié à un contrôle prononcé du manageur, renforce cet isolement et la distance psychologique avec ce dernier. Faire confiance aux collaborateurs et à leur efficacité représente la principale clé pour continuer à conserver une proximité à distance. Ils attendent donc une intégration de la dimension humaine dans le management à distance, fondée sur l’empathie, l’écoute et la transparence. Pour conserver cette proximité, il est également primordial que le manageur maintienne un contact étroit avec l’équipe. Cela peut être au travers des réunions collectives, à envisager au minimum une fois par semaine, ou grâce à des rites et des rythmes à instaurer pour créer du lien entre les individus. La proposition d’activités collectives (séminaires, team building, jeux interactifs…) en présentiel ou distanciel renforcera également la cohésion et l’esprit d’équipe. Par ailleurs, sans être intrusif, échanger de manière informelle sur d’autres aspects que le travail dans la vie du collaborateur peut renforcer le sentiment de proximité.

3. Réguler la charge de travail et être disponible

Un quart des personnes interrogées dénoncent une charge de travail parfois ressentie comme importante. Le mode d’organisation du travail à distance rend plus difficile l’appréciation de cette charge de travail et les facilités de résolution des problèmes. L’e-manageur devra ainsi ajuster en permanence, individuellement comme collectivement, la charge de travail des collaborateurs. Le soutien managérial perçu par ces derniers est favorisé par la disponibilité et l’accessibilité du manageur ainsi que par sa capacité à résoudre les problèmes en collaboration avec les membres de l’équipe. Ce support managérial est d’autant plus important pour les nouveaux arrivants, confrontés à l’intégration au sein de l’équipe et à la compréhension des missions, notamment puisque la socialisation est perçue comme plus ardue à distance.

4. Considérer l’équilibre vie professionnelle-vie privée

L’équilibre vie professionnelle-vie privée est également au centre des préoccupations des personnes interrogées qui ont parfois du mal à se déconnecter de leur travail. Un cadre de travail global précisant les amplitudes horaires à respecter est primordial pour encourager la déconnexion des salariés. Les collaborateurs travaillent-ils dans de bonnes conditions, ont-ils un matériel professionnel suffisant ? Ces questions doivent être intégrées dans la réflexion du manageur et plus globalement des politiques organisationnelles.

Une des clés de l’e-management est de trouver un bon équilibre entre les actions centrées sur la dimension humaine et celles centrées sur les tâches et résultats. Une attention particulière doit être portée à la dimension relationnelle en raison de l’autonomie que confère la distance physique, et du besoin de proximité psychologique des collaborateurs. On retrouve dans cette posture les qualités du leadership transformationnel, qui accompagne et valorise les collaborateurs tout en influençant et en facilitant leur engagement professionnel. L’e-manageur doit se positionner comme un accompagnateur des membres de l’équipe au travers d’une communication plus ciblée, une disponibilité accrue et une vigilance plus poussée aux conditions de travail que confère le travail à distance. Sa disponibilité, sa capacité à entendre les difficultés des membres de son équipe et à trouver collectivement des solutions seront les clés d’une identification à l’équipe plus forte et d’une efficacité collective.

(1) Nydegger, R., & Nydegger, L. (2010). Challenges In Managing Virtual Teams. Journal of Business & Economics Research (JBER), 8(3).