logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Édito

Victime collatérale

Édito | publié le : 01.11.2022 | Benjamin d’Alguerre

En cette période où certains prophétisent une sixième extinction, il est bien une espèce dont on se réjouit à l’idée qu’elle rejoigne bientôt le dodo, le potorou à face large et la pipistrelle de l’île Christmas à l’inventaire des bestioles disparues : le démarcheur CPF par téléphone. Il aura fallu presque cinq ans depuis la libéralisation du marché de la formation en 2018 pour que le monde politique se saisisse enfin de la nuisance qu’avaient fini par devenir ces e-mails mensongers et autres coups de fil alarmistes (« votre compte personnel de formation arrive à expiration, dépêchez-vous d’acheter… ») dans le but de faire interdire et de pénaliser ces pratiques. 375 000 euros. C’est le montant maximal de l’amende que prévoit le projet de loi porté par les députés Sylvain Maillard et Bruno Fuchs pour les personnes morales qui se rendront coupables de ce type de démarchage commercial. Sécurité supplémentaire : depuis le 25 octobre, le service d’identification numérique de La Poste (FranceConnect +) a été renforcé pour sécuriser les achats numériques au titre du CPF.

Au moment où vous lirez ces lignes, le texte réglementaire pérégrinera certainement quelque part entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le ministère du Travail où ses dernières virgules seront apposées. D’ici là, espérons que le message sera passé, que la sonnerie du téléphone se sera tue et que les plateformes d’appels auront trouvé d’autres business. Sur le plan matériel, les dégâts seront restés relatifs : 50 millions d’euros, selon Tracfin, disparus quelque part dans le labyrinthe virtuel des transactions dématérialisées. Autrement dit trois fois rien comparé au « quoi qu’il en coûte » de la période Covid. Juste, pour quelques milliers de naïfs trop pressés de répondre aux sollicitations des démarcheurs, le sentiment un peu honteux de s’être fait avoir.

En matière d’image, en revanche, rien ne dit que les remous ne seront pas durables. Quoi qu’en dise le pouvoir politique, cinq ans c’est suffisant pour que le terme de CPF soit durablement associé à celui d’escroquerie dans l’esprit d’une partie du public. Certains organismes de formation ayant pignon sur rue commencent à hésiter à afficher l’éligibilité de leur catalogue à l’acronyme désormais honni et d’autres se creusent les méninges pour que le mot « formation » disparaisse de leur raison sociale afin d’éviter la confusion. Combien de temps faudra-t-il pour que le salarié qui a accepté de cofinancer un parcours de formation avec son employeur dans le cadre du plan de développement des compétences de son entreprise en y investissant tout ou partie de son CPF ne soit considéré comme le pigeon de service par ses collègues à la machine à café ? À une époque où la question des compétences est devenue si stratégique mais où la crise de confiance bat son plein, il serait dommage que le principal outil de formation à la main des individus ne devienne une victime collatérale de cinq années de laisser-faire.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre