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Les « horaires espagnols », créateurs d’inégalités hommes-femmes

À la une | publié le : 01.11.2022 | Cécile Thibaud

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Les « horaires espagnols », créateurs d’inégalités hommes-femmes

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Un droit au congé pour règles douloureuses. C’est la nouvelle mesure pour les femmes qui est actuellement à l’examen au parlement espagnol et devrait être inscrite prochainement dans la législation du travail. Elle prévoit la possibilité de jours d’absence, reconnus comme « incapacité temporaire » et couverts par la Sécurité sociale. L’Espagne devrait être ainsi le premier pays européen à reconnaître le congé menstruel, qui existe déjà dans plusieurs pays asiatiques, comme le Japon ou la Corée du Sud.

« Le monde du travail n’est pas neutre », affirmait la ministre du Travail, Yolanda Díaz, en réponse à ceux qui s’inquiètent d’une mesure qui « stigmatiserait les femmes ». « Ce qui stigmatise, c’est de ne pas avoir la sensibilité suffisante pour voir que les femmes et les hommes sont différents », insistait-elle en soulignant qu’il est temps que les entreprises s’adaptent enfin aussi aux femmes, alors que celles-ci ont été contraintes jusqu’ici de se plier aux normes d’un univers masculinisé.

À Madrid, les dispositifs légaux en faveur de l’égalité effective au travail se sont multipliés ces dernières années. La loi pour l’égalité de traitement et la non-discrimination, approuvée en juillet dernier, impose de nouvelles obligations aux entreprises. Elles ont désormais devoir de transparence en matière de rétribution et doivent aussi analyser leurs pratiques en matière de recrutement, d’organisation du travail, d’horaires ou de promotion interne. Avec pour mission de détecter les éventuels abus ou situations de harcèlement, et d’identifier les facteurs discriminants entre les salariés, afin d’adopter les mesures correctives nécessaires.

Si les femmes espagnoles ont commencé à entrer massivement sur le marché du travail à partir des années 1980, après la fin du franquisme, l’écart salarial est resté notable. Les chiffres sont têtus. Le taux de chômage demeure près de 30 % plus élevé chez les femmes que chez les hommes (à 14,3 % contre 11,1 %). Selon l’administration fiscale, les femmes touchent en moyenne 28,6 % de moins que les hommes. Une différence qui s’explique par le fait qu’elles ont des emplois moins qualifiés (elles n’occupent en effet de 36 % des postes de direction), mais pas seulement. Lorsqu’elles occupent les mêmes fonctions que les hommes, elles continuent de gagner 22 % de moins, souligne une étude de la fondation bancaire La Caixa.

L’écart se creuse après la maternité et dans les fonctions à responsabilité, plus encore que dans les pays voisins. Cette inégalité a en effet été accrue par les fameux « horaires espagnols » et des journées de travail interminables, qui ont agi comme une barrière infranchissable et font décrocher les femmes, avec la tradition des déjeuners tardifs et des réunions stratégiques convoquées à 18 heures ou 19 heures, rendant la conciliation familiale difficile, sinon impossible.

Les syndicats se sont battus pour dénoncer ce modus operandi excluant tacitement les femmes des postes à responsabilité et des fonctions mieux rétribuées. Ce qui était considéré comme une simple particularité culturelle est aujourd’hui lu comme une gestion sexiste et la loi appelle à un rôle actif des entreprises. Si les grandes compagnies ont commencé à faire le chemin en mettant en place notamment le travail flexible, l’adaptation reste lente du côté des petites et très petites entreprises qui constituent l’immense majorité du tissu économique espagnol.

Auteur

  • Cécile Thibaud