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États-Unis : 90 % des personnes concernées par des comportements sexistes au travail préfèrent se taire

À la une | publié le : 01.11.2022 | Caroline Crosdale

Jamie Fiore Higgins gagnait très bien sa vie chez Goldman Sachs. Lorsqu’elle a finalement décidé de partir en 2016, elle empochait 875 000 $ par an. Mais à quel prix ! Dans son livre de souvenirs « Bully Market » (« Le Marché de l’intimidation »), la jeune mère évoque les meuglements de ses collègues, lorsqu’elle s’en allait dans la salle de lactation pour tirer son lait. Elle a aussi gardé en mémoire le classement des femmes sur les brochures de la banque selon la taille de leurs seins, la forme de leur derrière et la longueur de leurs jambes. Un souvenir vieux de plusieurs années, qui n’aurait pas survécu à la vague #MeToo ? Pas si sûr. Jamie Fiore Higgins indique qu’une centaine de lectrices lui ont avoué connaître aujourd’hui le même type de blagues lourdingues dans leur entreprise. Le sexisme au travail a la vie dure. Et traverse un vaste spectre d’industries de la finance de Wall Street aux fast-foods en passant par la politique. Selon le cabinet juridique Outten &Golden, 90 % des petites mains féminines de la restauration rapide ont connu le harcèlement sexuel, de la mauvaise blague au toucher d’un sein. C’est ainsi que la chaîne Del Taco, dont le siège est en Californie, a été condamnée en 2020 à une amende d’1,25 million de dollars pour propositions indécentes d’un manager et commentaires vulgaires.

La politique, pas du tout épargnée, fournit, elle aussi, son lot d’histoires salaces. L’ancien gouverneur démocrate de l’État de New York, Andrew Cuomo, en sait quelque chose. Le sexagénaire, dont on vantait la gestion de l’épidémie de Covid-19, a dû rapidement démissionner quand onze jeunes femmes ont raconté ses caresses, ses baisers forcés et ses questions gênantes. « Avait-elle déjà eu des relations sexuelles avec des hommes plus âgés ? » a-t-il demandé à Charlotte Bennett, 25 ans, sa conseillère en politique de la santé. Le comportement du gouverneur, a fait l’objet d’une enquête, commandée par la procureure générale Letitia James. Et c’est ainsi que la brillante carrière d’Andrew Cuomo s’est arrêtée. Mais les poursuites judiciaires ont été abandonnées, faute de preuves.

Il existe bien une loi de 1964, affirmant l’illégalité du harcèlement sexuel, créant un environnement hostile au travail. L’agence fédérale EEOC (Equal Employment Opportunity Commission) dit avoir étudié plus de 27 000 cas entre 2018 et 2021. Et récupéré par la même occasion 300 millions de dollars d’indemnités pour les victimes. Mais, prouver le harcèlement n’est pas aisé. Et selon l’EEOC, 90 % des intéressées préfèrent se taire.

Auteur

  • Caroline Crosdale