logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Idées

Assurance chômage : assumer une vision pour terminer la réforme

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.10.2022 | Antoine Foucher

Image

Assurance chômage : assumer une vision pour terminer la réforme

Crédit photo

Par Antoine Foucher, fondateur de Quintet Conseil.

La nouvelle législature a tout juste trois mois et on sait déjà qu’il y aura au moins trois réformes de l’assurance chômage en trois ans : la réforme du projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi », enregistré à l’Assemblée nationale le 7 septembre dernier, qui établira le cadre des règles d’indemnisation jusqu’au 31 décembre 2023 ; la réforme de la gouvernance de l’assurance chômage annoncée par l’exposé des motifs du même projet de loi, mais qui ne se fera que l’année prochaine après concertation ; et une troisième qui fixera les modalités de l’assurance chômage à compter du 1er janvier 2024.

Pourquoi faut-il s’y reprendre à trois fois, après déjà trois essais au précédent quinquennat (réforme négociée par les partenaires sociaux en 2018, nouvelle réforme structurelle introduite par le Gouvernement en 2019, réaménagement de cette réforme en 2021) ?

Ce n’est pas la difficulté politique de la tâche qui le justifie, puisque les réformes du Code du travail ou de l’apprentissage par exemple, qui sont loin d’être plus simples, ont été conduites d’un coup d’un seul, ont produit des résultats spectaculaires (en témoignent les records d’embauches en CDI ou au doublement du nombre d’apprentis) et n’ont pas débouché – ceci expliquant cela – sur le besoin pour le Gouvernement d’y revenir encore et encore.

Non, la raison qui explique ce sentiment de réforme interminable, c’est que la vision qui préside à la réforme n’est jamais complètement assumée, par aucune des parties en présence. Plus précisément, toute réforme de l’assurance chômage ne devrait jamais être engagée sans avoir répondu au préalable à deux questions. La première : l’assurance chômage doit-elle participer d’un modèle social fondé sur les statuts, et donc être réservée aux salariés, ou d’un modèle social fondé sur l’individu, et donc être universelle ? La seconde : l’assurance chômage est-elle avant tout une assurance contre la perte d’emploi, ou d’abord un instrument de la politique de l’emploi ?

La réponse à ces questions principielles détermine tout le reste. Si l’on considère qu’il faut préserver un modèle social assis sur les statuts, alors l’Unédic doit être réservée aux salariés, les partenaires sociaux doivent être libres de fixer cotisations et prestations, les cotisations salariales doivent être rétablies et la garantie de l’État sur la dette du régime paritaire supprimée. À l’inverse, si l’on estime qu’il faut refonder notre modèle social sur l’individu, puisque chacun est amené à changer plusieurs fois de métier, et sans doute de statut tout au long de sa carrière professionnelle, alors l’assurance chômage doit être universelle, ce qui veut dire ouverte aux salariés, aux indépendants et aux fonctionnaires, financée par l’impôt et pilotée par l’État. Il faudrait alors supprimer les cotisations patronales et y substituer de la CSG ou de la TVA.

De même, si l’on pense que l’assurance chômage est d’abord une assurance contre la perte involontaire d’emploi, alors il n’y a pas beaucoup de sens à faire varier les règles d’indemnisation et l’État n’a pas à s’en mêler : chacun a un droit proportionnel à ce qu’il a cotisé, point barre. À l’inverse, si l’on admet que les modalités d’indemnisation influencent les comportements, alors le Gouvernement est légitime à intervenir, car il est in fine tenu responsable du taux de chômage du pays.

Ni l’État ni les partenaires sociaux n’ont, à court terme, intérêt à se livrer à un tel exercice de vérité. Pourtant, tant que l’abcès n’aura pas été crevé, on ira de réforme en réforme comme on va de malentendu en malentendu, alors que le quinquennat précédent a démontré qu’il était possible de refonder entièrement des politiques sociales, les résistances initiales s’effaçant devant les résultats.

Auteur

  • Antoine Foucher