Mais à quoi joue Emmanuel Macron ? Le maître des horloges semble s’être mué en machine à rattraper le temps depuis sa réélection. Son leitmotiv : la réforme des retraites qu’il semble vouloir boucler au plus tôt. Quitte à passer s’il le faut par la si peu populaire voie du 49.3 qui n’avait pas porté chance à celui qui était alors Premier ministre, Manuel Valls. Nonobstant le fait qu’en ayant effectué cette annonce à l’occasion d’une rencontre avec l’Association des journalistes de la presse présidentielle, le chef de l’État a court-circuité Élisabeth Borne, pourtant en charge de mener la politique du Gouvernement, il a aussi froissé ses alliés de la majorité. Édouard Philippe, le patron d’Horizons, qui ne dit (presque) rien, mais ne semble pas en penser moins. Et surtout François Bayrou. Le fondateur du Modem n’a pas hésité à sortir de sa réserve centriste pour fustiger « l’archaïsme » de la méthode. Même sur les bancs de Renaissance au Palais-Bourbon, on ne comprend pas toujours la hâte élyséenne.

Pire, cette agitation présidentielle ne semble même pas se justifier par la situation financière du régime des retraites. Le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, qui a opportunément fuité mi-septembre, indique qu’il n’y a pas péril en la demeure. Mieux : les caisses de retraite devraient terminer l’année avec un excédent de presque un milliard d’euros. Certes, les experts avancent également la prévision d’un fort déficit progressif à compter de 2023 qui pourrait tutoyer les 20 milliards à l’horizon 2030. Sauf qu’à en croire la CGT qui a sorti sa calculette, la prédiction, appuyée sur l’hypothèse d’un chômage élevé associé à une croissance très faible, se révèle particulièrement pessimiste et orientée politiquement.

Surtout, on peut s’interroger sur le timing choisi par Emmanuel Macron. N’y avait-il pas plus adroit que de choisir le moment où les Français s’inquiètent de la montée des prix sur les produits de consommation courante et redoutent l’arrivée de leur facture de gaz dans leur boîte aux lettres pour annoncer un allongement général de la durée du travail ? Sans même prendre l’élémentaire précaution d’annoncer en parallèle la mise en chantier, par exemple, d’une réforme sur le travail des seniors dont on sait qu’ils sont de plus en plus nombreux à atteindre l’âge de la retraite au chômage ? Si le président avait pour projet de susciter une explosion de colère dans la société civile en mode « gilets jaunes » puissance mille et de redonner du peps à une opposition rendue atone par ses propres affaires scabreuses, sans doute ne s’y serait-il pas pris autrement. Mais pourquoi ? Les voies de Jupiter sont décidément impénétrables.