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Soft skills; pivots du recrutement ?

Dossier | publié le : 01.10.2022 | Dominique Perez

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Pivots du recrutement ?

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Alors que le marché du recrutement est en pleine ébullition, l’heure de la remise en question a-t-elle sonné ? Face aux difficultés d’identifier et de recruter certains profils devenus rares voire « fuyants », les entreprises doivent élargir leur champ de vision. Les soft skills reviennent ainsi sur le devant de la scène, sans « mode d’emploi » précis pour les évaluer.

Ils font l’objet d’une multitude de définitions, de tests plus ou moins sérieux et scientifiques, au point que l’on ne sait plus toujours exactement ce qu’ils recouvrent. Les « soft skills », compétences dites « douces », avant les « hard skills », factuelles (diplômes, connaissances acquises) seraient en tout cas devenus la base de tout bon recrutement. Pour les évaluer, la première étape reste en règle générale les tests de personnalité, comportementaux ou « cognitifs », utilisés surtout dans des grandes entreprises et par les cabinets de recrutement, proposés aux candidats avant l’entretien.

Le « trou dans la raquette » se situe souvent au moment où l’entreprise doit se pencher sur les propres soft skills dont elle a besoin, ceux qui vont faire qu’un candidat va « avoir du plaisir ou pas à travailler, résume Cécile Perrier, directrice du cabinet CP recrutement, qui axe ses missions sur ce thème. Va-t-elle correspondre à ses valeurs, lui proposer un cadre et des méthodes qu’il va aimer, un manager en adéquation avec sa manière d’être ? » Or, dans un monde où le soin apporté à la « marque employeur » conduit parfois à une communication abusive ou tout au moins décalée par rapport à la réalité, les soft skills affichés ont tendance à devenir d’abord des produits d’appel. L’expression : « Nous recrutons non un diplôme mais une personnalité » est devenue une antienne dans des grands groupes qui n’ont pourtant pas toujours fait évoluer en conséquence leurs critères de sélection. « Il est vrai que c’est un peu comme la culture ou des valeurs d’entreprise, constate Cécile Perrier. L’affichage des soft skills demandés est censé montrer une ouverture d’esprit qui ne correspond pas toujours à la réalité. Et le risque est grand de voir des candidats déçus par cette réalité… » Pourtant, le besoin est là, particulièrement pour les cadres. « Nous sommes de plus en plus amenés à travailler sur les soft skills, explique Anthony Maldera, directeur des opérations régions au sein du cabinet de LHH Recruitment Solutions. D’une part parce que les entreprises ont besoin de diversité dans leurs effectifs – pour y parvenir elles deviennent plus attentives au comportemental qu’au diplôme –, d’autre part parce qu’il y a de plus en plus de personnes diplômées, et que ce qui peut faire la différence, ce sont justement les soft skills. Enfin, parce qu’elles ont conscience que c’est un atout indéniable sur le long terme, plus que des compétences techniques qui peuvent devenir obsolètes, et de plus en plus rapidement. » Mais puiser dans un panel de soft skills qui, a priori, vont rendre attractive une offre d’emploi sans se pencher sur ceux dont on a vraiment besoin comprend des risques.

Une introspection obligatoire

La bonne identification des soft skills suppose un travail de fond préalable à toute recherche de candidat, qui n’est pas toujours suffisamment effectué. « C’est primordial, explique Laurent Hyzy, dirigeant du cabinet de recrutement Alterconsult. Nous travaillons avec chaque entreprise pour définir quels profils peuvent s’y sentir bien, être épanouis et en situation de réussite. Nous demandons un classement aux managers et aux RH des principales compétences attendues, les essentiels, les intermédiaires et les « accessoires » et d’en choisir quatre parmi douze. Évidemment, leur premier réflexe est souvent de choisir les douze… » Or, la recherche ne consiste pas à trouver la femme ou l’homme parfait(e), mais « de détecter, par rapport aux résultats du questionnaire de personnalité soumis au candidat, ses soft skills en opposition franche par rapport à ce que proposent les entreprises. L’idée n’est pas de dire : ce n’est pas bien, mais de mettre une alerte ». Déceler comment « fonctionne » le manager direct du futur embauché n’est pas toujours le plus aisé, d’autant plus que l’expression « soft skills » n’est pas connue de tous. « Je ne vais pas utiliser forcément ce terme auprès des dirigeants de PME, mais plutôt celui des « compétences personnelles attendues », cela s’entend souvent plus aisément », explique Cécile Perrier. Quel que soit leur nom, les entreprises ont conscience de leur importance, en général elles sont demandeuses. » En l’absence de méthodes « scientifiques » au sein des entreprises pour les cerner au plus près, quelques règles sont bonnes à savoir. « Quand on recrute un commercial, on a besoin par exemple de résilience, de stabilité émotionnelle, de sens de l’écoute, estime Anthony Maldera. Mais je ne suis pas d’accord avec le fait que les mêmes soft skills soient toujours nécessaires aux mêmes métiers dans des entreprises différentes. Le travail d’identification en amont n’est pas suffisamment fait à mon avis. Les recruteurs et managers doivent prendre le temps de définir ceux dont ils ont besoin. »

La formation du recruteur est essentielle, complète Jean-Pierre Baudinat, directeur Talent Management de LHH recruitment solutions : « Il ne faut pas croire que l’on peut tout mesurer à l’œil et à l’oreille, on va rencontrer autant de perceptions que d’évaluateurs. Il devrait y avoir une réflexion sur les biais cognitifs parce qu’on ne mesure pas la réalité telle qu’elle est, mais telle que nous la percevons par rapport à ce qu’on est. Il faut tendre à une neutralité objective. » Se former à l’évaluation des soft skills ne fait pas encore partie des habitudes des recruteurs. Pourtant, dans un contexte de marché de l’emploi complexe pour certains métiers, « les entreprises sont amenées à ouvrir leurs recherches, pour sortir du clonage, estime Anna Bensoussan, consultante en développement professionnel de L’Apec, qui propose jusqu’à présent des ateliers orientés sur les candidats cadres, pour les aider à développer leurs soft skills, mais travaille avec l’équipe chargée des entreprises sur une offre d’atelier pour les employeurs. « Le but est de les faire réfléchir aux compétences dont ils ont besoin, avec des profils qui ne correspondent pas en tout point à ceux qu’ils recrutent habituellement, pénuriques aujourd’hui, explique-t-elle. Pour certains métiers, les compétences techniques peuvent s’acquérir sur le terrain, ou par une formation, alors que les compétences « transversales » sont transférables. » De plus, l’évolution des modes de travail amène des softs skills sinon nouveaux, du moins essentiels, pour Mathilde Le Coz, DRH du cabinet d’audit et de conseil Mazars : « Nous étions plus axés à l’origine sur les connaissances en comptabilité et en finance… Aujourd’hui, les soft skills prennent une part prépondérante dans la sélection. D’autant que le travail hybride, par exemple, suppose d’avoir une bonne communication spontanée, de savoir solliciter de l’aide, de faire remonter l’information… Et plus on va vers la digitalisation, la robotisation dans les métiers, plus justement on devra s’attacher à ce qui en fait l’humanité ! »

Auteur

  • Dominique Perez