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Restituer du pouvoir d’achat ? Oui, mais comment ?

Décodages | Inflation | publié le : 01.09.2022 | Maxime François

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Restituer du pouvoir d’achat ? Oui, mais comment ?

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Plus de 3 300 amendements déposés, tricotés, détricotés, quelques couacs, des discussions acharnées, parfois âpres sur le pouvoir d’achat, et jusqu’au bout de la nuit sous la voûte de l’Hémicycle, des débats houleux ponctués d’invectives, de rappels au règlement… Cet été, la température a aussi grimpé de plusieurs crans dans les travées de l’Assemblée nationale, redevenue, l’espace de trois semaines, l’épicentre de la vie politique française. [Photo Bruno Lévy]

Signe de la virulence des échanges pour le texte phare de l’été 2022, l’effervescence qui a régné dans l’Hémicycle a attiré les curieux, nombreux à se déplacer au Palais-Bourbon comme au spectacle. Mais pas d’incendie en vue ! Car, malgré les effets de manche des oppositions, le paquet de mesures sur le pouvoir d’achat a été adopté le 3 août par l’Assemblée (395 voix pour, 112 contre), rapidement suivi par le Sénat (245 pour, 27 contre). « C’est le quotidien de nombreux citoyens qui va être amélioré », s’est réjoui Emmanuel Macron sur Twitter, tandis que son ministre de l’Action et des Comptes publics, Gabriel Attal, lançait, bravache, depuis le perchoir de l’Assemblée : « On nous promettait un parlement bloqué, c’est tout le contraire qui s’est passé ! » Le 17 août, le texte final paraissait au JO.

C’est donc un ouf de soulagement pour le chef de l’État, qui avait annoncé dès le mois d’avril le paquet de mesures face au niveau historique de l’inflation. L’euphorie n’est pas pour autant de mise, car le vote des deux textes – consensuels sur le papier – n’a pas été une promenade de santé pour l’exécutif. Malgré quelques menues réserves du Conseil Constitutionnel sur les dispositions relatives à la suppression de la redevance TV, et surtout de plusieurs mesures liées à l’urgence énergétique, le projet de loi « pour la protection du pouvoir d’achat » est entré en vigueur le 18 août, nanti d’un budget de 20 milliards destiné à être renforcé dans la future loi de finances. « Le texte est imparfait, mais il est le résultat d’un compromis », souligne Charles de Courson, député centriste, vétéran des questions financières et pivot central dans l’animation des débats sur le paquet du pouvoir d’achat. Du côté de l’opposition, le président de la commission des finances de l’Assemblée, l’insoumis Éric Coquerel, regrette qu’un débat de fond sur le partage de la richesse ait été esquivé lors des discussions, ainsi que l’absence de mesures de taxation du capital dans le texte final. Revue des principales mesures.

Prestations sociales

C’était l’une des promesses d’Emmanuel Macron lors des législatives et l’un des gestes les plus importants pour le pouvoir d’achat. Le vote s’est fait à la quasi-unanimité. Et qu’importe la saisie du Conseil constitutionnel par les oppositions et son délai de réponse. « Cela n’aura pas d’impact. Le versement d’août sera bien réalisé le 9 septembre », assure la direction de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Une très bonne nouvelle pour les 14,8 millions de retraités (salariés et indépendants) qui, en raison d’un calendrier parlementaire serré, avaient déjà dû attendre la rentrée pour bénéficier de la hausse de 4 % de leur pension de base, votée le 3 août. Le coup de pouce sur les complémentaires attendra, en revanche, le 1er novembre. « Le calendrier de l’examen parlementaire de cette loi n’a pas permis à l’assurance retraite de déployer la revalorisation sur le paiement de la retraite versé en août », s’était justifiée la Cnav au beau milieu de l’été. À noter que le montant correspondant à la revalorisation sur la retraite du mois de juillet sera versé rétroactivement avec le paiement du 9 septembre. Cette mesure concerne uniquement la retraite de droit propre, la retraite de réversion, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et l’allocation d’invalidité (ASI). Elle s’ajoute à la hausse d’1,1 % survenue en janvier 2022 et Emmanuel Macron n’a pas exclu une nouvelle augmentation en janvier 2023. Une revalorisation insuffisante, selon les oppositions Nupes et RN, car inférieure à une inflation que l’Insee annonce à 6,8 % sur un an dès le mois de septembre.

Les députés ont également voté un article incitant les branches à signer des accords sur les salaires minimums afin d’éviter des grilles trop faibles aux premiers échelons. Si le MoDem, par la voix de Nicolas Turquoi, a vanté un « outil supplémentaire », la mesure a fait hurler les députés LFI. Pour François Ruffin, ce dernier empêche notamment un débat de fond sur « la hausse des salaires ».

Autre revalorisation fixée par la loi d’urgence sur le pouvoir d’achat adoptée cet été, celle des prestations sociales (allocations familiales, revenu de solidarité active, allocation adulte handicapé) à hauteur de 4 %, et celle des aides personnalisées au logement (APL), de 3,5 %. Des augmentations rétroactives à la date du 1er juillet 2022 et dont le montant devrait avoir été automatiquement versé le 18 août, a indiqué la CAF. S’agissant de la majoration du point d’indice des fonctionnaires de 3,5 adoptée dans le cadre du projet de loi de finance rectificative (PLFR), deuxième volet du « pouvoir d’achat » voté le 4 août, elle devrait se traduire par une augmentation sur la feuille de paie du mois d’août, avec un effet rétroactif au 1er juillet 2022.

« Prime Macron »

Les directions des ressources humaines attendaient les conditions de son attribution depuis plusieurs mois ! C’est chose faite : les députés ont voté, au deuxième jour de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, le prolongement de la « prime Macron » assortie d’un triplement de son plafond (qui passe de 2 000 à 6 000 euros). S’y ajoute la facilitation des dispositifs d’intéressement en entreprise. En clair, les employeurs pourront donc verser jusqu’au 31 décembre 2023 une prime exceptionnelle d’un montant maximal de 3 000 euros (voire jusqu’à 6 000 euros en cas d’accord d’intéressement), exonérés d’impôts sur le revenu et de cotisations et contributions sociales, pour les salariés dont le revenu équivaut à moins de trois fois la valeur du Smic. « Bien sûr, c’est à la discrétion de l’entreprise. Celles qui n’ont pas les moyens de le faire ne l’appliqueront pas. On ne peut donc pas dire que toutes les entreprises vont attribuer cette prime, ni qu’elles pourront atteindre les montants prévus », analyse la présidente de l’association nationale des DRH (ANDRH), Audrey Richard. La faute aux nombreux prêts sollicités par les employeurs pendant la crise Covid et qu’il faut maintenant rembourser. Par ailleurs, la timbale des 6 000 euros semble aujourd’hui bien éloignée des pratiques des entreprises depuis l’instauration de cette prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en 2019… « La moyenne de ces primes s’élève plutôt à 450 euros », poursuit Audrey Richard. Qui rappelle néanmoins que si « cet outil défiscalisé » constitue une façon de redonner du pouvoir d’achat aux salariés en ces temps d’inflation, elle ne saurait « se substituer à des augmentations de salaires » ni faire l’impasse sur des négociations d’entreprises avec les représentants du personnel. Sauf pour celles de moins de 50 salariés, autorisées par la nouvelle loi à mettre en place des accords d’intéressement par décision unilatérale ; une disposition qui n’était, jusqu’à présent, ouverte qu’aux TPE de moins de onze collaborateurs. Coup de pouce pour coup de pouce, le texte offre également aux employeurs la possibilité d’un déblocage exceptionnel de l’épargne salariale jusqu’à la fin de l’année dans la limite de 10 000 euros, ainsi qu’une réduction des cotisations patronales des entreprises de 20 à 249 salariés à hauteur de 50 centimes par heure supplémentaire travaillée.

Énergie

Sur ce point, le débat a été survolté ! Et pour cause : entre enjeux environnementaux, soulignés par les oppositions puis inscrits dans le marbre par les Sages, et la nécessité de « ne pas plonger les Français dans le noir cet hiver », comme l’a rappelé la députée (LREM) des Hauts-de-Seine, Maud Brejeon, le sujet est sensible et urgent, alors que la guerre en Ukraine a provoqué la flambée des prix de l’énergie. Que retenir ? La « remise carburant », d’un montant de 18 centimes, mise en place au 1er avril dernier, va progressivement évoluer à partir du mois de septembre. Dans le détail, elle sera de 30 centimes le litre en septembre et octobre, puis 10 centimes en novembre et décembre. Avec les remises des distributeurs et des pétroliers, et de Total en premier, le Gouvernement envisage un prix de litre ou de diesel à la rentrée « autour d’1,50 euro ». Les entreprises, de leur côté, sont vivement incitées à participer, au-delà de 50 % de leur coût, à la prise en charge des abonnements de transports de leurs salariés. Comment ? Par une mesure d’exonération fiscale et sociale pour 2022 et 2023. De surcroît, le plafond de l’aide défiscalisée qu’elles peuvent verser aux salariés pour couvrir leurs frais de carburant est doublé à 400 euros.

À noter : le bouclier tarifaire sur le prix du gaz et de l’électricité jusqu’à présent fixé à 4 % est prolongé jusqu’à la fin de l’année. Seule inconnue à ce stade : le coût de la mesure, qui dépendra du prix du gaz. Par ailleurs, une enveloppe de 230 millions d’euros doit permettre la mise en place de mesures ciblées de soutien aux ménages modestes encore chauffés au fioul. Enfin, les taux réduits du gazole non routier (GNR), qui devaient prendre fin au 1er janvier 2023 pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, sont prolongés d’une année. Pour les ménages, les sénateurs ont adopté un amendement visant à interdire les coupures d’électricité pour impayés dans leur résidence principale, quel que soit leur fournisseur d’électricité et quelle que soit la période de l’année.

Cotisations sociales

C’était un engagement de campagne d’Emmanuel Macron et une demande pressante du syndicat des indépendants, qui salue une « victoire » et se réjouit de ce « souffle d’air pour la trésorerie et le pouvoir d’achat des dirigeants de petites entreprises et indépendants ». Selon les estimations du Gouvernement, environ 2,25 millions d’entre eux vont bénéficier d’une baisse pérenne de cotisations sociales, dont « près d’un quart des travailleurs indépendants non agricoles (22 %) », et « plus d’un tiers de travailleurs indépendants agricoles », précise l’exécutif. Dans le détail, l’article 3 du projet de loi sur le pouvoir d’achat prévoit une diminution des cotisations d’assurance maladie et maternité des artisans, commerçants, professions libérales et chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole « ayant un revenu équivalent au niveau du Smic ». La mesure permettra de réduire les cotisations des indépendants de 550 euros par an, au niveau du Smic. Son application sera automatique, à partir des cotisations dues au titre de l’année 2022.

Après les locataires de logements, les commerçants également vont bénéficier d’un plafonnement de la hausse de leur loyer. Lors de l’examen du projet de loi pouvoir d’achat, les sénateurs ont ainsi adopté un amendement visant à plafonner à 3,5 % la variation annuelle de l’indice des loyers commerciaux (ILC), mais uniquement pour les baux des entreprises de moins de 250 salariés.

Auteur

  • Maxime François