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Quand les boîtes forment elles-mêmes pour recruter

À la une | publié le : 01.09.2022 | Irène Lopez

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Quand les boîtes forment elles-mêmes pour recruter

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[DOSSIER] On n’est jamais si bien servi que par soi-même ! Pour faire face aux pénuries de compétences qui les empêchent de répondre à leurs besoins de main-d’œuvre, certaines entreprises sautent le pas et proposent elles-mêmes leurs propres formations.

On le savait pour l’hôtellerie et la restauration. En juin dernier, Hervé Bécam, vice-président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), alertait : « Il nous manque un peu plus de 100 000 salariés. » Ce qu’on sait moins, en revanche, c’est qu’il manque 10 000 coiffeurs. Que la reprise de l’aéronautique a pris de court ses responsables qui peinent à faire venir les talents ou que les sociétés installatrices d’ascenseurs ont besoin de recruter 1 000 et 1 500 ascensoristes par an pour répondre à la demande. Concernant ces derniers, c’est du premier moyen de transport de France dont il est question avec cent millions de trajets quotidiens. Les ascenseurs constituent un parc de plus de 600 000 appareils, dont plus de 12 000 neufs, installés chaque année. Une activité dynamique qui rassemble aujourd’hui près de 20 000 salariés. Sauf que les candidats manquent. Pour Philippe Boué, président de la Fédération des Ascenseurs (FA), « si les perspectives d’emplois sont nombreuses, les métiers de l’ascenseur restent encore trop méconnus. » C’est pourquoi la Fédération des Ascenseurs a lancé sa plateforme en ligne, Être ascensoriste. Celle-ci a pour objectifs de promouvoir et valoriser les métiers de l’ascenseur en fédérant professionnels, établissements scolaires et étudiants sur une même interface. « Nous sommes fiers de lancer cette nouvelle plateforme qui permettra à chacun d’en savoir plus sur ces métiers au service d’une ville et d’une vie plus accessibles. De la conception à l’installation en passant par la maintenance des appareils, les ascensoristes proposent un vaste panel de métiers qui offrent tous de belles perspectives d’évolutions », indique Philippe Boué.

Véritable vitrine de la profession, la plateforme mise sur la séduction (des témoignages de salariés mettant en lumière la dimension humaine et innovante de ces métiers) et la praticité (carte de géolocalisation pour découvrir l’ensemble des établissements scolaires qui forment aux métiers de l’ascenseur et les entreprises adhérentes, nouvelles fiches métiers (installation, montage, modernisation, maintenances des ascenseurs et élévateurs). La Fédération des Ascenseurs espère ainsi faire naître des vocations de technicien(nes) auprès de 1 000 à 1 500 jeunes chaque année.

L’aéronautique met le turbo

Pour faire face à la reprise dans le secteur aéronautique et notamment répondre à l’augmentation des cadences de production d’avions, le lycée Airbus offre cette année 20 % de places supplémentaires. Outre cet élargissement des places disponibles, l’établissement de formation historique du constructeur situé en périphérie toulousaine propose un nouveau diplôme CAP aéronautique aux 18-25 ans déjà en possession d’un CAP, d’un Bac pro autre qu’aéronautique ou d’un Bac technologique. Par ailleurs, la mention complémentaire technicien(ne) en peinture aéronautique est aussi une des nouvelles formations proposées au lycée Airbus. Sa spécificité pédagogique ? Immerger les apprenants dès le premier jour dans la vie de l’entreprise. Ainsi, salles de cours et ateliers sont situés au sein de l’usine Airbus Saint-Eloi, et les élèves partagent les mêmes conditions de travail que leurs futurs collègues et bénéficient des mêmes services, comme le RIE de l’entreprise. Le lycée Airbus est lié par un contrat d’association au ministère de l’Éducation nationale, avec un corps d’enseignants composé d’une part de professeurs de l’Éducation nationale, et d’autre part de professionnels issus de l’entreprise. Les formations en Bac professionnels se déroulent en trois ans, sous statut scolaire dans un premier temps, puis en apprentissage avec Airbus ou l’un de ses partenaires. Elles s’adressent à des personnes possédant un niveau minimum de classe de 3e et âgés de 15 à 18 ans. Une forte motivation pour le travail manuel et en équipes est indispensable pour être à même de travailler plus tard sur les sites de production aéronautiques. « Il s’agit d’une formidable opportunité pour les jeunes filles comme pour les jeunes garçons motivés par les métiers manuels de découvrir et d’apprendre un métier dans un secteur en fort développement qui offre à nouveau de nombreuses perspectives d’emplois », vante Nicolas Coadou, directeur de cet établissement qui forme chaque année quelque 300 jeunes. Une survivance historique, aussi : « Le lycée Airbus est l’un des rares lycées d’entreprise existant encore en France. Cette spécificité nous permet d’offrir aux élèves une formation au plus près de la réalité de l’entreprise, de ses produits et de ses marchés », ajoute son dirigeant. En 2021, à l’issue de leur formation, près de 95 % des élèves ont été recrutés chez Airbus ou chez l’un de ses partenaires.

Les gérants de salons de coiffure s’arrachent les cheveux

Comme d’autres secteurs, le domaine de la coiffure doit faire face au manque de personnel. Selon l’Union nationale des entreprises de coiffure (Unec), près de 55 % des patrons de salons se plaignent de difficultés à recruter. En France, un poste sur cinq est vacant. Soit 10 000 emplois à pourvoir. L’origine de ce déficit est à chercher du côté de l’image dégradée du métier, de mauvaises conditions de travail et d’une baisse de l’orientation des scolaires vers cette filière. Pour pallier ces difficultés de recrutement, L’Oréal a créé sa propre filière : Real Campus. « Avec le Bachelor coiffure &entrepreneuriat, nous proposons une formation en trois ans, au cours de laquelle sont enseignées la coiffure ainsi que les bases de la création d’entreprise. Nous formons ainsi des entrepreneurs de la coiffure », expliquait Anne-Léone Campanella, general manager du Campus, à l’occasion de la présentation de ce nouveau diplôme ouvert cette année lors de la semaine de l’alternance, organisée en mai dernier dans les bureaux de Pôle emploi. Le contenu du cursus propose 50 % de formation aux compétences techniques du métier et 50 % à l’entrepreneuriat. Ainsi, chaque étudiant au sein du Bachelor reçoit une formation comprenant les techniques de la coiffure sur tous types de cheveux et les connaissances indispensables à la création d’un salon : comptabilité, marketing, anglais, digital… « C’est une structure de formation inédite qui scinde le cursus en deux séquences : trois mois en école, neuf mois en salon », indique la directrice du campus. Le bachelor est accessible en formation initiale, mais aussi dans la continuité d’un CAP ou d’un brevet professionnel de coiffure. Il est également ouvert aux personnes en situation de reconversion professionnelle. Sa première promotion achèvera son cursus en janvier 2023.

Se mobiliser à long terme

En janvier 2022, le groupe Hyatt a lancé la seconde promotion française d’un programme lancé par le siège de Chicago dont toute l’ambition se retrouve dans le nom, Rise High – « s’élever ». Il fait se rencontrer deux mondes : celui de l’hôtellerie internationale, confronté au défi du recrutement, et plus de 150 000 jeunes « invisibles » qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, ni formation ou perspective d’emploi. Le programme de 10 mois se divise en deux phases. La première est dédiée aux soft skills et à des enseignements de base associant apprentissage numérique et linguistique, des compétences nécessaires à leur intégration sur le marché du travail. La seconde phase offrira à ces jeunes un parcours professionnalisant à l’issue duquel les diplômés se verront proposer un contrat dans l’un des hôtels Hyatt en France. Pour le seul Hexagone, l’enseigne entend former plus de 250 jeunes d’ici 2025.

Et demain ? Selon une étude du cabinet de conseil Korn Ferry (datée d’octobre 2018), d’ici 2030, le marché français du travail pourrait manquer de 1,5 million de talents dans les services financiers, les technologies, les médias et télécommunications. Cela représenterait une perte de 175 milliards d’euros de revenus pour les entreprises. Malgré ces prévisions alarmantes, seulement 23 % des dirigeants français anticiperaient cette pénurie, toujours d’après Korn Ferry. Faut-il encourager les DRH à fonder leur propre école pour s’assurer d’une main-d’œuvre ? Certains acteurs publics s’inquiètent de ce que le contenu de la formation soit complètement façonné par l’entreprise. Que deviendraient alors les étudiants non retenus ? Ce à quoi, dans le privé, les entrepreneurs répondent : « Nous n’avons pas le choix ! »

Auteur

  • Irène Lopez