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Idées

Sodexo : le cynisme du capitalisme

Idées | Livres | publié le : 01.06.2022 | Lydie Colders

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Sodexo : le cynisme du capitalisme

Crédit photo Lydie Colders

Dans « Sodexo la gloutonne », le journaliste et auteur Jean Songe dépeint l’envers peu glorieux de l’expansion du groupe. Une enquête décapante sur les dessous du capitalisme « responsable ».

Sodexo a tout d’une réussite à la française : en cinquante ans, la famille Bellon a bâti une multinationale employant 412 000 salariés dans plus de 80 pays. Elle gère plus de 17 000 cantines d’entreprise, 5 600 dans les écoles et universités, 7 000 dans les hôpitaux et les maisons de retraite. Mais aussi dans 2 800 sites miniers, pétroliers et bases militaires dans le monde, et 130 prisons. Cette « gloutonne discrète » dirigée par Sophie Bellon, (fille du fondateur Pierre Bellon), a une ambition : continuer à grossir, devenir « le numéro un mondial » dans tous les pans de la vie, explique Jean songe. Retraçant l’histoire vorace du groupe et ses plans stratégiques, le journaliste et romancier dresse une satire mordante du capitalisme, souvent drôle. Dans ce récit enlevé, il souligne l’opacité des rémunérations des dirigeants de Sodexo, pointée du doigt en 2018 par un « facétieux » cabinet en investissement responsable. Alors présidente du conseil d’administration, Sophie Bellon émargeait à 675 000 euros bruts. « Peanuts », quand on dirige des milliers de salariés « et que le business rapporte 21,95 milliards d’euros à l’entreprise ». Sauf que les à-côtés rapportent gros. En particulier les dividendes, qu’il analyse à la loupe : entre 2017 et 2018, malgré un exercice dit difficile, « la famille Bellon a empoché 343 milliards d’euros ». De quoi se classer quatorzième fortune de France…

Du luxe aux inégalités

À cette richesse, Jean Songe oppose « la masse de quelque 400 000 individus qui touchent les plus petits salaires ». D’après l’Observatoire des multinationales de 2017, Sodexo figurait « à la seconde place des entreprises les plus inégalitaires en matière de salaires », juste derrière Carrefour. Dans le groupe, « l’explication, qui vaut pour excuse est très simple : les bas salaires ne sont que le reflet d’emplois peu ou pas qualifiés ». Sauf que le travail reste pénible pour les petites mains laborieuses. De plus, avec un tiers des employés en Afrique, en Asie et en Amérique latine, Sodexo réalise « une jolie économie » en employant des locaux payés parfois une centaine d’euros. Les salaires, c’est comme la qualité : Sodexo est capable de préparer des repas à moins de deux euros pour les écoles, avec quelques scandales sanitaires retentissants. Mais « joviale », l’entreprise peut « s’enorgueillir » d’accueillir ses clients avec des prestations luxueuses à Rolland Garros. La critique bien troussée est aussi étayée. On apprend beaucoup sur « la novlangue » de la RSE du groupe. Selon l’auteur, Sodexo dissuadait les syndicats aux États-Unis et « s’est fait tirer les oreilles » pour payer ses employés anglais en pleine pandémie. Il revient sur les conflits sociaux qui éclaboussent régulièrement l’entreprise, des travailleurs sans papiers à la grève de salariés dans une prison française en 2020. Rapports à l’appui, Jean Songe le montre : décidément, « l’image de Sodexo n’est pas bonne ». Pourtant – et malgré son PSE post-Covid – rien ne freine l’appétit du groupe…

Sodexo la gloutonne,

Jean Songe, Ed. Don Quichotte/Le Seuil, 288 pages, 19 euros.

Auteur

  • Lydie Colders