logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Décodages

« Les seniors désavantagés par le barème Macron »

Décodages | Emploi | publié le : 01.06.2022 | Irène Lopez

En France, les séniors sont-ils discriminés ?

Oui, selon la Dares, le taux d’emploi des 55-64 ans ressort à 56,1 % en France au 4e trimestre 2021. Si l’on compare avec les autres pays européens, la France est antépénultième avec un taux d’emploi pour les 60-64 ans de 33,1 % alors que la moyenne au sein de l’Union Européenne pour cette même tranche d’âge est de 45,1 %. En Allemagne, les salariés quittent leur emploi à 65 ans pour prendre leur retraite sans passer par la case chômage. En France, les salariés âgés perdent leur emploi, contre leur gré, de façon très prématurée pour aller grossir les bataillons du chômage, puis du « halo autour du chômage » (absence de tout revenu) avant de prendre leur retraite. Depuis 2019 la Cour des comptes ne cesse d’alerter sur les risques de pauvreté des seniors exclus de l’emploi et déplore que « les politiques en faveur de l’emploi des séniors ont été délaissées au cours des années par les pouvoirs publics et le service public de l’emploi ».

Que risque l’entreprise en cas de licenciement discriminatoire pour âge ?

Si le salarié arrive à prouver qu’il a été licencié en raison de son âge, il pourra alors obtenir devant le Conseil de Prud’hommes que son licenciement soit déclaré nul. S’il ne veut pas ou ne peut pas être réintégré il pourra alors obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi avec un minimum de six mois de salaire et sans plafond maximum. La discrimination étant également un délit pénal, si le salarié dépose plainte, l’employeur peut alors être condamné à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Les personnes morales peuvent être sanctionnées pénalement pour des actes de discrimination. Toutefois, il est très difficile pour le salarié d’apporter la preuve de la discrimination pour âge. Certes, il pourra obtenir que son licenciement soit jugé abusif, mais avec à ce moment-là l’application du barème Macron.

Pourquoi le barème Macron défavorise-t-il davantage les seniors ?

Le principe est le suivant. Quand les juges constatent qu’un licenciement est abusif, ils ont interdiction d’allouer des dommages et intérêts supérieurs à une grille fixée en fonction de l’ancienneté du salarié et ce quelles que soient les circonstances. Jusqu’à dix ans d’ancienneté, le salarié a droit à environ un mois de salaire par année de présence. Au-delà de dix ans, environ 1/2 mois par année de présence avec un plafond de vingt mois atteint par les salariés totalisant trente ans d’ancienneté. Or, à l’heure actuelle, rares sont ceux qui conservent une grande ancienneté. Ce sont les seniors qui, statistiquement, ont changé d’emploi aux alentours de la cinquantaine, avec une carrière qui s’accélère dans le sens de la précarité, qui sont les plus touchés par le barème Macron. Prenons l’exemple de Paul1. Recruté à 55 ans pour redresser une entreprise en difficulté, il y a consacré tous ses efforts pendant deux ans avec une totale réussite, ce qui a permis aux actionnaires de revendre la société avec un profit remarquable. L’acquéreur n’ayant pas besoin de lui, Paul est convoqué par les vendeurs qui lui proposent une rupture conventionnelle avec en sus de l’indemnité légale de licenciement (1/2 mois de salaire), une indemnité supplémentaire de trois mois de salaire qui correspond au maximum du barème Macron pour une ancienneté de deux ans. Avant 2017 et l’instauration du barème, Paul aurait obtenu du Conseil de Prud’hommes une indemnité prenant en compte son vrai préjudice et notamment la difficulté à 57 ans de trouver un nouvel emploi.

(1) Le prénom a été modifié.

Auteur

  • Irène Lopez