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Impliquer les salariés pour réduire la consommation d’énergie

Décodages | Sobriété | publié le : 01.06.2022 | Valérie Auribault

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Impliquer les salariés pour réduire la consommation d’énergie

Crédit photo Valérie Auribault

La flambée des prix de l’énergie incite les entreprises à réduire leur consommation. La réduction de la facture passe par de nouvelles habitudes à prendre. Bon sens, formation et implication permettent d’inciter aux bonnes pratiques.

Le 4 avril dernier, RTE (Réseau de transport d’électricité) lançait une alerte. « En raison de la baisse des températures, la consommation d’électricité sera élevée ce lundi 4 avril 2022 et pourrait atteindre 73 000 MW vers 9 heures. La production d’électricité devrait être de 65 000 MW mais la France devrait pouvoir importer jusqu’à 11 000 MW », indiquait l’entreprise. Le gestionnaire d’électricité invitait particuliers, entreprises et collectivités à adopter les bons gestes lors de la pointe de consommation prévue ce jour-là. RTE rappelait ainsi que chacun peut agir, au domicile comme au travail, en baissant la température de son logement ou de son bureau en cas d’absence. Mais aussi en éteignant les appareils en veille et en limitant le nombre de lumières allumées dans une pièce. « Ces gestes peuvent avoir un véritable impact, rappelait le gestionnaire. Si tous les Français éteignent une ampoule, cela entraîne une économie de consommation d’électricité de 600 MW soit environ la consommation d’une ville comme Toulouse. » Plusieurs entreprises ont aussitôt réagi à cette alerte. Parmi celles-ci, le groupe Carrefour qui a demandé à tous ses magasins de limiter leur consommation d’énergie. « Ce jour-là, la luminosité a été réduite de 70 %, le planning des machines de nettoyage a été lissé sur la journée, les clients ont été invités à utiliser les caisses traditionnelles, moins énergivores que les caisses automatiques, la musique a été coupée toute la journée. Ces mesures nous ont permis de réaliser une économie d’énergie de 20 % pour chaque magasin environ », indique Bertrand Swiderski, directeur RSE du groupe Carrefour.

De nouveaux engagements.

Le réseau RTE a également rappelé le contexte énergétique actuel. « Toute réduction de la consommation d’électricité permet de limiter le recours aux moyens de production d’électricité à partir du gaz. Les réductions de consommation conduisent à limiter le recours aux centrales à gaz et contribuent à économiser les stocks de gaz pour l’hiver prochain », a-t-il précisé. Ces derniers mois, les prix du gaz et de l’électricité ont connu une forte hausse pour plusieurs raisons : la reprise de l’activité économique en Europe et l’hiver 2021-2022, particulièrement rude, qui a engendré l’épuisement des stocks. Plus récemment, le conflit en Ukraine a encore accentué l’augmentation des coûts des matières premières. Pour autant, certaines sociétés n’ont pas attendu la flambée des prix ni la rareté des ressources pour revoir leur consommation énergétique, faire baisser leurs factures et limiter ainsi l’impact de leur activité sur l’environnement. D’autant que la loi de la transition énergétique pour la croissance verte impose aux acteurs économiques d’inclure dans leur rapport de gestion annuel, l’empreinte carbone de leurs activités. Et que « le greenwashing est désormais identifié », note Marine Lavogez, chef de projet efficacité énergétique au sein du cabinet de conseil Helexia, qui accompagne les entreprises vers la transition énergétique et écologique. Sans oublier que les clients et les fournisseurs réclament de plus en plus aux entreprises partenaires d’afficher différents labels qui marquent un comportement socialement responsable et respectueux de l’environnement (ISO 26000, Label Bcorp, Coq Vert – lancé par l’Ademe et le ministère de la Transition écologique). La mise en place d’un système de management de l’énergie (ISO 50001) peut aider les firmes à identifier les écogestes adaptés à leur structure.

Inventaire sur les équipements et leur utilisation.

Faire de vraies économies d’énergie exige quelques précautions pour avoir les vraies réponses à ses besoins. Avant d’opérer un virage à 180°, « il est nécessaire d’évaluer la consommation à travers un audit énergétique, conseille Florian Jacquemart, responsable efficacité énergétique industrie chez Gaz réseau distribution France (GRDF). Celui-ci permet de dégager des pistes d’économies. Nous préconisons dans un premier temps de régler le matériel et parc existants ». L’audit énergétique s’effectue en plusieurs phases. « Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on part. Un audit énergétique permet de faire l’état des lieux des actifs, des principes énergétiques qui sont en place et surtout des façons de faire des utilisateurs, souligne Anne-Marie Devey, manager régional efficacité énergétique au sein du cabinet Helexia. Il est nécessaire, pour cela, de faire l’inventaire de l’ensemble des équipements et de l’utilisation qui en est faite. Ceci nous permet de dégager des clés de répartition de la consommation d’énergie par poste et ainsi de déceler les plus énergivores. » Ces dix dernières années, le groupe Carrefour a souhaité mettre en place des mesures plus vertueuses. Le groupe a souhaité renforcer ses objectifs de réduction des émissions de CO2 dans ses activités de 50 % d’ici 2030 et de 70 % d’ici 2040. L’enseigne s’engage également à utiliser l’électricité 100 % renouvelable d’ici 2030. L’application de gestes simples a contribué à mettre en route ces engagements. Les fluides réfrigérants fluorés ont, par exemple, été remplacés par des fluides naturels, ce qui a engendré une baisse de la consommation d’énergie de 15 %. En 2012, le groupe a signé un accord pour fermer les portes des meubles froids et des congélateurs dans ses magasins (– 15 % de consommation d’énergie). Mais ces changements ont d’autres impacts que la réduction des coûts. « Les salariés ont moins froid lorsqu’ils travaillent du fait des portes fermées. Les rayons sont aussi plus tempérés pour nos clients qui prennent davantage leur temps », constate Bertrand Swiderski. Les meubles, eux, sont utilisés jusqu’à leur fin de vie. Le groupe a aussi opté pour l’éclairage led dans tous les magasins et instauré plus d’éclairage naturel. L’éclairage inutile a été supprimé. « L’intensité lumineuse est gérée de façon centralisée et automatique. Tous nos entrepôts sont connectés et contrôlables à distance. Grâce à ce dispositif, nous avons atteint une baisse de 6 % de notre consommation », poursuit Bertrand Swiderski. À la poissonnerie, la glace, qui nécessite une quantité importante d’énergie pour sa création, est disposée en moins grande quantité et utilisée sur un temps plus long. Le groupe a également généralisé l’heure silencieuse à certains horaires. Musique et annonces sonores sont alors supprimées. « Ce dispositif, avec une luminosité réduite, s’adresse en priorité aux personnes atteintes du trouble de l’autisme. Cela permet également d’offrir un lieu plus calme, plus apaisé pour nos clients comme pour nos salariés », souligne Stéfen Bompais, directeur expérience clients pour le groupe Carrefour.

L’accompagnement aux bons gestes.

Ces nouveaux procédés exigent de sensibiliser les salariés. « Nous accompagnons tous nos collaborateurs dans le déploiement de changements anti-gaspi. Nos salariés exerçant des métiers techniques suivent une formation pour apprendre les gestes essentiels au développement durable, poursuit Bertrand Swiderski. Ces actions relèvent du bon sens, de l’évidence et sont parfaitement intégrées par nos collaborateurs. » Si tous ces projets anti-gaspillage ont été portés par le PDG de l’enseigne, certains salariés ont d’ores et déjà repris le flambeau. À travers le Club des ambassadeurs constitués par 1 000 salariés, Carrefour encourage à aller encore plus loin vers les réductions d’énergie. Ces ambassadeurs invitent leurs leurs collègues à s’investir. « Grâce à nos collaborateurs, nous pouvons atteindre une baisse conséquente de la consommation des énergies. Chacun a un rôle à jouer », insiste Bertrand Swiderski. Une analyse partagée par Anne-Marie Devey : « L’entreprise doit faire preuve de pédagogie lors de l’instauration de nouvelles pratiques. Lorsque l’on baisse d’un degré la température dans les locaux, cela joue sur le confort des utilisateurs. La communication, les campagnes d’affichages, les réunions d’équipes sont nécessaires pour que tout le monde monte dans le bateau. »

« Partage des bénéfices ».

Le secteur de l’industrie cherche également à réduire sa facture. Et certains procédés sont à revoir. « Dans le domaine de l’industrie, certains fours sont maintenus allumés pour être chauds en cas de besoin. Cela engendre un gaspillage d’énergie », constate Laurent Lantoine, chef de produit industrie au sein de GRDF. Le but est de moins consommer tout en produisant autant. « Nous pouvons récupérer l’énergie disponible située dans la chaleur fatale des fumées d’un four pour préchauffer l’air, un produit ou le chauffage d’un bâtiment », reprend Florian Jacquemart. Là encore, les postes ne sont pas modifiés, mais le changement est réel pour les utilisateurs. D’autres choix peuvent s’avérer nécessaires, comme la modification du matériel. « Aujourd’hui, les outils informatiques de pilotage des procédés qui s’avèrent performants nécessitent une vraie formation. Il faut impliquer le personnel, car changer les habitudes, digérer de nouveaux automatismes peut prendre du temps », prévient Laurent Lantoine. Et exiger plus d’attention et de concentration de la part des salariés tout au long de la journée. « Pour inciter les opérateurs à s’impliquer, mettre en place un système de partage des bénéfices peut s’avérer judicieux », poursuit Laurent Lantoine. Car les salariés réagissent différemment selon les secteurs d’activité. Surtout si l’entreprise opte pour le choix du remplacement des outils de travail. « Ce choix peut être pertinent d’autant que les fournisseurs d’équipements travaillent régulièrement sur ces questions afin de proposer des solutions plus efficaces pour améliorer la productivité et prodiguer une plus grande satisfaction des clients », indique Jean-Denis Vaultier, dirigeant d’Econovo, cabinet de conseil en stratégie durable. Certes, la formation aux enjeux d’économies d’énergie, la complexité des outils technologiques, la résistance au changement peuvent freiner l’implication. Pour autant, il ne faudrait pas sous-estimer les salariés, car ils sont de plus en plus nombreux à exiger un plus grand dévouement de leurs dirigeants face au défi climatique et environnemental. La pandémie a largement contribué à motiver certains collaborateurs qui se sont constitués en groupes pour pousser leur employer à agir. Engie, Axa, Vinci, Michelin… ont ainsi vu naître dans leurs murs des collectifs de salariés ces deux dernières années. « Il y a une vraie prise de conscience sur la vulnérabilité des territoires avec la hausse des températures ou l’apparition de fortes pluies. Chacun prend acte d’un besoin d’agir, constate Marine Lavogez. Aujourd’hui, nous sommes dans la logique du bon sens. » Baisser le chauffage et porter un pull, éteindre les lumières la nuit, graduer l’éclairage… Les grandes entreprises se veulent aujourd’hui vertueuses pour atteindre certains marchés spécifiques, mais aussi attirer un plus grand nombre de postulants. Des postulants qui souhaitent de plus en plus évoluer au sein d’une entreprise qui présente un véritable engagement écologique et sociétal.

Auteur

  • Valérie Auribault