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Christian Harbulot, EGE : « Le déficit de culture en intelligence économique subsiste »

À la une | publié le : 01.06.2022 |

Pourquoi ce nom martial qui évoque un cousinage avec l’École de guerre ?

Christian Harbulot : Il s’agit d’un cousinage assumé qui remonte aux origines de l’école. En 1996, je dirigeais avec le général Pichot Duclos un think tank en IE au sein du groupe DCI, qui assure le transfert du savoir-faire du ministère des Armées au profit des pays partenaires de la France. C’est là que nous avons posé les bases de la future EGE créée en 1997, à la suite des recommandations de la commission intelligence économique et stratégie des entreprises, présidée par Henri Martre au sein du Commissariat général au plan. Dès l’origine, l’EGE a introduit dans son enseignement la question des rapports de force économiques qui dépassent le cadre de l’analyse concurrentielle enseignée dans les écoles de commerce en y ajoutant une dimension géopolitique. Cette vision a été encore confortée par l’actualité de ces dernières années de la confrontation économique des États-Unis avec la Chine jusqu’à l’invasion de l’Ukraine. Ces événements montrent que les entreprises ne peuvent se contenter d’analyser le monde actuel sous l’angle des opportunités du marché mondial et des intérêts financiers.

Comment cette vision rejaillit-elle sur le contenu des enseignements ?

C. H. : Notre enseignement n’est pas militaire et moins de 10 % de nos enseignants sont d’anciens militaires. Mais nous entretenons des liens avec l’État et les armées pour enrichir notre réflexion. Il se mène en effet des « guerres avant la guerre » auxquelles les entreprises doivent se préparer car elles peuvent en subir les effets : des guerres de perception, hybrides, cybernétiques… Pour répondre à de nouvelles menaces, on a ainsi développé un MBA RSIC en alternance (risques, sûreté internationale et cybersécurité) qui attire beaucoup de salariés travaillant dans les groupes du CAC 40.

Se forme-t-on suffisamment en France aux enjeux de l’intelligence économique ?

C. H. : Non, le déficit de culture en ce domaine perdure, tant dans le monde économique que dans l’enseignement supérieur. La plupart des entreprises sont focalisées sur les résultats financiers à court terme et négligent l’intelligence économique qui requiert d’anticiper et d’inscrire la stratégie sur le temps long. Les écoles de commerce et d’ingénieurs intègrent très peu ces questions dans leurs programmes. Les ingénieurs français pensent qu’il suffit de faire de l’innovation, de la qualité à des prix compétitifs pour emporter des marchés. Mais à ignorer les jeux d’influence, les questions géopolitiques, ils se prennent des revers. On l’a bien vu avec les sous-marins de Naval Group en Australie et précédemment avec Alcatel dont les comités exécutifs n’ont pas tenu compte des mises en garde envoyées par les États-Unis sur les risques de transferts de technologie sensible.