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À l’École de la guerre économique

À la une | publié le : 01.06.2022 | Frédéric Brillet

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À l’École de la guerre économique

Crédit photo Frédéric Brillet

 

En deux décennies l’EGE s’est imposée comme une formation qui pèse dans le champ de l’intelligence économique, tant en formation initiale que continue.

Le 21 mars à 9 heures : Charles Huot amorce son cours sur le big data et l’intelligence artificielle en déroulant des slides entrecoupés de vidéos devant un parterre d’étudiants. Un vaste tour d’horizon qui amène l’enseignant à évoquer les câbles sous-marins qui transportent les données, les applications de l’IA dans la santé et l’agriculture, l’apprentissage statistique… Bienvenue au 196 rue de Grenelle dans les locaux de l’École de la guerre économique (EGE) où une journée ordinaire commence. Traversant le hall où les blagues potaches du journal étudiant « Le Harbulot Déchaîné », du nom du directeur de l’école, côtoient les brochures de l’institut, on frappe à la porte d’Hedia Privat, responsable des formations certifiantes qui s’active à peaufiner cette offre. « Ces formations courtes éligibles au CPF s’adressent surtout aux cadres qui ne peuvent pas faire de MBA. Il s’agit d’un nouvel axe de développement pour l’école. On en a lancé huit. Le module le plus demandé est dédié à la collecte d’informations en source ouverte » précise-t-elle. Ce faisant, l’EGE se positionne désormais sur tous les segments du marché de la formation : dispensant des sessions courtes ou longues de type MBA, elle cible des étudiants comme des cadres confirmés, labourant inlassablement le terrain sur lequel elle a bâti sa crédibilité en plus de deux décennies d’existence. Cette expertise vaut à l’école d’occuper une position hégémonique dans son domaine. « L’EGE est très gros sur un marché de niche. On compte une vingtaine de formations diplômantes sur ce sujet, mais la moitié des diplômés passent par chez nous », explique Charles Pahlawan, directeur adjoint de cet institut qui forme quelque 350 personnes par an dont 170 étudiants en formation initiale, les autres dans le cadre de la formation continue.

Dans la première catégorie, on croise Arthur 23 ans à la sortie du cours sur le big data et l’intelligence artificielle précité. Avec son double diplôme d’école d’ingénieur et de commerce conforté par un stage en alternance chez Orange Business, le jeune homme aurait pu se lancer sans attendre dans la vie active. Mais voilà, Arthur est un boulimique qui ne voulait pas se contenter de ce à quoi il pouvait prétendre. « Je suis venu à l’EGE pour acquérir des connaissances en intelligence économique. Ça me permettra de viser plus haut, idéalement d’intégrer le monde du conseil ou une entreprise du secteur de la défense ». Il y côtoie Lucie, 20 ans qui, après une licence en droit, s’est rendu compte que les métiers du droit l’attiraient moins que ceux liés à l’intelligence économique et à l’analyse concurrentielle. « Mon horizon s’élargit à mesure que je découvre les cours de l’EGE et que j’avance dans mon stage », explique la jeune fille, actuellement en alternance au département business intelligence d’une entreprise du secteur automobile.

Dans l’après-midi au 1 rue Bougainville, autre lieu, autre ambiance dans cette annexe de l’EGE. Sur la terrasse de l’école se pressent cette fois des cadres en activité ou en reconversion qui suivent durant un an le MBA en stratégie et intelligence économique de l’EGE qui les mobilise une semaine par mois plus quelques week-ends. Parmi eux, Christophe Gauthier, 48 ans, responsable business development du département médical de Sony Europe qui équipe les salles d’opération en systèmes vidéos pour la chirurgie mini-invasive, présente avec trois comparses un exposé sur la Chinafrique en se mettant dans la peau d’un expert en intelligence économique spécialiste du sujet. « N’oubliez pas que vous vous adressez à un Comex, attention à respecter le temps qui vous est imparti », leur lance Peer De Jong, un ancien militaire de carrière, désormais consultant et professeur à l’EGE. Peine perdue, les orateurs qui ont manifestement planché sur le sujet débordent à force de disserter sur l’endettement des pays africains auprès de la Chine, les investissements de cette dernière, ses initiatives pour développer son soft power en construisant des équipements de sport et de santé…

Qu’importent ces imprévus, Christophe Gauthier apprécie ce genre d’exercices qui le sort de sa routine professionnelle : « L’intérêt de l’EGE c’est qu’elle vous inculque une autre manière de penser le business », explique-t-il. Dans son métier les circuits de décision à l’hôpital sont complexes et s’inscrivent dans le temps long. « Un hôpital peut décider d’affecter son budget à des systèmes vidéo ou à la rénovation des chambres », détaille-t-il. « On doit donc travailler très en amont pour les convaincre de l’utilité de nos équipements. De même, il ne suffit pas de connaître l’organigramme pour savoir qui décide quoi. Par exemple, un infirmier assistant d’un bloc opératoire peut avoir son mot à dire sur le choix d’un équipement. » Pour relever le défi de cette complexité, ce manager commercial est venu approfondir à l’EGE ses connaissances dans l’approche des cibles qui interviennent dans les processus de décision des marchés B to B. « On travaille la méthodologie, la cartographie des acteurs de marché. On apprend ici comment tirer notre épingle du jeu dans un rapport de force, à concevoir un plan d’influence, à faire de l’encerclement cognitif. » Dans le même cours, on fait la connaissance de Thibault, 30 ans, qui s’est trouvé deux bonnes raisons de se former dans ce MBA. « À court terme, ça me donne une grille de lecture des rapports de force inhérents à toute négociation », explique ce responsable des achats de matières premières, équipements et services dans un grand groupe industriel. Un exemple ? « En tant qu’acheteur je pourrais concevoir des stratégies d’influence en poussant des contenus médiatiques ou issus des réseaux sociaux pour inciter des fournisseurs à baisser leurs prétentions. » À plus long terme, Thibault compte bien s’appuyer sur cette formation « pour évoluer en interne ou en externe vers des postes en prise directe avec l’intelligence économique ». Qu’ils soient issus de la formation initiale ou continue, les diplômés de l’EGE vont en tout cas découvrir dans les prochains mois si les entreprises ont tiré les leçons de la crise sanitaire puis géopolitique avec l’invasion de l’Ukraine. Car c’est en se convertissant à l’intelligence économique, qui élargit la vision qu’elles peuvent avoir de leurs affaires et des risques encourus, qu’elles ressentiront le besoin de mobiliser et de promouvoir les salariés qui détiennent des compétences dans ce domaine.

Auteur

  • Frédéric Brillet