Donner un prix à la séquestration du carbone par les forêts a-t-il un sens ? Dans son livre, l’économiste Hélène Tordjman ausculte les dérives « de la marchandisation de la nature », utiles à « l’homme qui étend le domaine de valorisation du capital à l’intimité des processus naturels ». Derrière la transition écologique, elle montre que les réponses (Pacte vert européen) marquent surtout la « continuité du capitalisme industriel ». Paradoxalement, « nous comptons répondre aux destructions provoquées par l’extension des marchés et le déferlement technique par encore plus de marché et de technique ». La démonstration est pointue : l’économiste passe en revue les risques des biotechnologies, de l’agriculture connectée ou des recherches d’agrocarburants de synthèse dont s’emparent l’industrie et certaines start-up. L’ouvrage est tout aussi critique sur la finance verte. Hélène Tordjman décrypte le leurre des indices boursiers soutenables adossés à une RSE « confuse ». Idem pour les obligations vertes en France (émises par l’État ou la SNCF) pour aborder la transition écologique. Ces projets sont « beaucoup trop vagues », les objectifs de réduction de gaz à effet de serre « très rarement contrôlés ». Une critique récurrente, bien illustrée. Pour l’auteure, préserver l’air et la biodiversité « requiert un profond changement de régime ». L’urgence, selon elle, serait d’en finir avec le « système agro-industriel » pour passer à l’agroécologie et autres coopératives porteuses d’emploi…
Hélène Tordjman, Éd. La Découverte, 352 pages, 22 euros.
