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Comment la Covid-19 a changé leur vie professionnelle

À la une | publié le : 01.05.2022 | Frédéric Brillet

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Comment la Covid-19 a changé leur vie professionnelle

Crédit photo Frédéric Brillet

Quatre salariés de différents horizons racontent comment la crise sanitaire a provoqué ou accéléré leur transition vers un nouveau métier.

Elma Szeremeta, 33 ans De la banque au numérique

Après un master en commerce international, je suis entrée dans la vie active comme conseillère clientèle dans une agence bancaire, un métier qu’on m’avait présenté comme stimulant et varié. Je l’ai exercé durant neuf ans sans trop me poser de questions jusqu’à l’arrivée de la Covid qui m’a fait basculer une semaine sur deux en télétravail à domicile. On fournissait autant, voire plus, de travail qu’en agence mais les managers craignant que le distanciel nous incite à lever le pied, ils nous contrôlaient davantage : il fallait rendre compte de notre activité bien plus qu’en présentiel, faire le décompte des appels passés… Je subissais plus de pression et moi qui avais acquis avec l’expérience une certaine autonomie dans mon travail je l’ai vécu comme une régression, d’autant que la hiérarchie n’exprimait pas beaucoup de reconnaissance. Mais comme beaucoup de salariés, cette période de confinement, et donc de relatif isolement, m’a donné l’occasion de m’interroger sur mon travail : j’ai pris conscience que j’étais engoncée dans une routine professionnelle qui ne me correspondait pas vraiment. Avec la Covid j’ai ressenti davantage les inconvénients du métier et l’idée de devenir manager dans ce secteur ne m’attirait pas. Pour lever mes doutes, j’ai démissionné pour me faire recruter dans un autre réseau bancaire mais j’ai vite ressenti la même insatisfaction. J’ai alors négocié mon départ du second établissement, bien décidée à changer de voie professionnelle et entamé en juillet 2021 un bilan de compétences financé avec mon CPF. Je me suis appuyée sur Chance qui s’engageait à m’accompagner dans ma reconversion jusqu’à l’embauche. J’ai eu le plaisir de tomber sur un bon coach qui a compris ma personnalité et m’a guidée dans mon introspection. Il m’a aidée à prendre confiance en moi et à intégrer dans ma recherche d’emploi les valeurs auxquelles je suis attachée. On est vite arrivés à l’idée que j’aspirais à un métier où l’on travaillait en équipe, en contact avec les autres pour les assister mais avec de l’autonomie. C’était très large mais en introduisant d’autres critères comme les contraintes horaires, les dynamiques de secteurs ça s’est resserré : dans le domaine de la gestion de projets numériques, un poste de product owner qui travaille en interface entre les développeurs et les futurs utilisateurs à la conception de solutions informatiques devrait me correspondre. L’avantage de ce métier c’est qu’il peut s’exercer en tant que salarié ou en free lance et qu’il est très demandé. J’ai déjà suivi des cours en ligne pour me former à mon futur métier et ai obtenu les deux certifications qui attestent des connaissances acquises. Depuis quinze jours, je suis en recherche d’emploi en mettant en avant mon expérience du secteur bancaire auprès des ESN dans lesquelles je postule. J’ai retrouvé de la motivation et suis confiante en mon avenir tant le numérique recrute.

Antoine Biewesch, 29 ans De l’hôtellerie à l’immobilier

Mon bac en poche, j’ai entrepris un BTS hôtellerie-restauration car j’avais l’idée de travailler en cuisine. Mais j’ai vite pris conscience de la réalité du métier, plus dure que je l’imaginais… Je me suis donc réorienté vers la salle car j’aime le contact avec la clientèle. Mon diplôme en poche, j’ai commencé à travailler comme chef de rang dans l’événementiel comme intérimaire avec des traiteurs de prestige. Les journées pouvaient être très chargées mais j’échappais à la routine et les bons mois je pouvais me faire plus de 2 700 euros nets. À partir de 2014, j’ai enchaîné les saisons hiver-été dans l’hôtellerie en Suisse où les conditions sont encore meilleures en me réorientant vers la conciergerie. Mais les perspectives d’évolution me paraissaient limitées et devenir chef concierge ne me faisait pas rêver. En 2020, au moment où j’allais repartir faire une saison à Genève survient la Covid. Mon contrat est annulé et je me retrouve au chômage ce qui me laisse du temps pour réfléchir. J’en suis vite arrivé à la conclusion que j’avais fait le tour de ce métier et que ma motivation ne reviendrait pas à la fin de la crise sanitaire. Mais que faire ? J’ai vite songé à l’immobilier car je savais qu’il s’agissait d’un marché porteur avec des perspectives d’emploi prometteuses. Et puis c’est un achat impliquant qui requiert un bon contact et une relation suivie avec la clientèle. Ça collait avec ce que je savais et aimais faire. J’en ai parlé autour de moi et ai réussi à me faire recruter comme conseiller immobilier dans une agence Orpi où j’ai appris mon nouveau métier avec des modules de formation en ligne et en suivant des collègues sur le terrain. Le sens du contact client acquis dans l’hôtellerie-restauration a certainement accéléré mon apprentissage. Et puis dans le conseil à la vente, qu’il s’agisse de vanter les atouts d’un plat ou d’un appartement, il y a une part de séduction, de capacité à convaincre. Au bout de neuf mois, j’étais autonome et commençais à gagner correctement ma vie. Le système de commission crée une obligation de résultat : si on ne vend rien un mois donné, on touche de l’agence un fixe remboursable les mois où on fait un bon chiffre. Pour ce qui me concerne, je suis déjà en moyenne au-dessus de 3 000 euros net. Le même salaire que dans mon ancien métier mais avec des horaires plus confortables et beaucoup moins de pression. Autre avantage, je suis beaucoup plus autonome. J’organise mes journées, mes rendez-vous comme je veux. Je suis jugé sur les résultats, à savoir le chiffre généré sur les achats et ventes de biens qui sont dans mon portefeuille. J’ai plus de responsabilités à l’égard des clients mais aussi plus de reconnaissance dans mon nouveau métier. À cela s’ajoutent l’entraide et la bonne entente : avec mes collègues, on a créé une boucle WhatsApp où on s’échange des conseils, on s’encourage…

Patriss Phemius, 49 ans Des RH à la sexothérapie

Au cours de mes 25 ans de carrière professionnelle, j’ai d’abord œuvré comme commerciale dans une ESN avant de reprendre mes études : j’ai alors complété mon diplôme d’école de commerce par un Executive Master en ressources humaines qui m’a orientée vers la fonction rémunération et avantages sociaux. J’ai exercé ce métier une quinzaine d’années dans de grandes entreprises dans quatre secteurs : l’industrie pharmaceutique, la banque, une licorne de la French Tech avant de finir dans l’industrie agroalimentaire. J’avais alors acquis une forte expertise, j’étais dans ma zone de confort mais j’éprouvais de la frustration sur le plan de la quête de sens. C’est un métier très technique, de back-office où l’on ne peut rien mettre de personnel. Au début, cette rigueur m’attirait mais à la fin je trouvais cela desséchant intellectuellement. J’ai alors négocié mon départ pour réfléchir et entreprendre un bilan de compétences avec Switch Collective en mars 2020, juste avant que ne survienne la crise sanitaire. Je devais entreprendre cette démarche en effectuant des réunions en vis-à-vis et toute la session a dû basculer en distanciel, confinement oblige. Cet isolement forcé n’a pas été facile à vivre. Mais il a contribué à accélérer ma réflexion et à renforcer ma concentration dans la quête d’un nouveau métier. À quelque chose malheur est bon. Dans l’élaboration d’un bilan de compétences, on apprend d’abord à débloquer ses envies en se posant des questions simples : par exemple, qu’est-ce que je prendrais plaisir à faire même sans être payé ? Fin juin 2020, après une douzaine de réunions avec mes pairs et les coachs, des exercices quotidiens, une voie a commencé à se dessiner : l’envie d’aller vers un métier de relation d’aide sur des problématiques qui touchent à l’intime. Devenir thérapeute pour aider des couples qui ont des difficultés dans leur vie sexuelle a finalement émergé. J’ai ensuite suivi durant un an une formation à distance et rédigé un mémoire sur la baisse du désir féminin dans les couples de longue durée, ce qui m’a permis de décrocher un certificat de thérapie familiale et du couple. J’ai enchaîné par des sessions, avec le Planning familial entre autres pour apprendre à animer des formations sur la sexualité destinées aux jeunes car je compte en parallèle faire des interventions en milieu scolaire sur ce sujet. En octobre 2021, j’ai commencé à mener des consultations de couple et en mars à effectuer des sessions d’éducation sexuelle avec des lycéens. Je me sens bien plus épanouie car j’exerce désormais un métier très humain, impliquant et chargé émotionnellement où l’on se remet en cause à chaque séance. Ma responsabilité c’est de faire du bien aux gens, pas seulement d’être performante sur le plan technique. J’anticipe bien sûr qu’il va falloir réduire mon train de vie mais j’ai confiance dans ma capacité à me constituer une patientèle et à trouver d’autres sources de revenus qui me permettront à terme d’en vivre correctement.

Stéphane Court, 59 ans Du conseil en management à la gestion de patrimoine

Après Sciences-Po, j’ai commencé ma carrière professionnelle dans la banque puis le consulting avant de cofonder en 2004 un cabinet de conseil en management spécialisé dans la bancassurance. Avec deux autres directeurs généraux, nous avons fait d’une start-up de quelques consultants, une PME de 150 consultants. Je m’en souviens comme d’une période excitante avec des missions variées, dans un contexte de forte croissance qui permettait d’associer l’ensemble des équipes aux résultats de l’entreprise. C’était gratifiant pour tout le monde et je me suis investi à fond dans mon travail sans état d’âme. En 2014, nous étions un acteur reconnu du consulting mais sans avoir la taille critique nécessaire. Nous avons alors décidé de nous adosser à un acteur industriel pour continuer à croître. Nous avons revendu nos parts à un grand groupe technologique américain et je suis passé comme les autres associés du statut d’entrepreneur à celui de cadre dirigeant. Après une période « lune de miel », nous avons dû nous couler dans le moule d’un grand groupe mondialisé, très centralisé avec des processus à respecter à la lettre. Cela s’est traduit par une perte d’autonomie et des décisions maladroites comme la suppression de notre soirée annuelle dédiée à nos clients dans un lieu de prestige. Dans cet environnement, je consacrais toujours plus de temps aux tâches de reporting et aux projets internes. J’étais habitué à piloter un hors-bord, je me retrouvais embarqué sur un gros paquebot dans une croisière où je ne m’amusais plus guère. Là-dessus, survient la Covid : durant quasiment un an, j’ai travaillé essentiellement en ligne, le siège social nous imposant des consignes très strictes. Cette période de confinement a distendu l’affectio societatis qui unissait la quinzaine d’anciens associés du cabinet et accéléré ma décision de partir. J’ai fini par négocier mon départ dans de bonnes conditions mais sans idée précise sur la suite. Le fait d’avoir cédé les parts de mon cabinet me permettait de partir sans souci du lendemain. Mais je craignais de m’ennuyer : l’activité professionnelle c’est stimulant… J’ai alors effectué quelques missions de conseil en free lance et me suis accordé en parallèle du temps pour réfléchir à mon avenir. J’avais déjà à titre personnel investi dans des fonds spécialisés de private equity. J’avais détecté une appétence pour ce type d’investissements et une carence dans l’offre aux particuliers fortunés. C’était en quelque sorte le résumé d’une mission de conseil : un diagnostic stratégique assorti d’un plan d’action et d’une mise en œuvre. Mais cette fois-ci, je prenais les commandes. D’où notre idée, à mon nouvel associé et à moi, de créer début 2022 un cabinet de conseil en gestion de patrimoine Insiders Finance, spécialisé sur cette classe d’actifs. Notre cible ? Des clients fortunés désireux de diversifier leur patrimoine. Une nouvelle aventure entrepreneuriale commence où il s’agit de trouver des solutions d’investissement sortant des sentiers battus. C’est très enthousiasmant mais si cette nouvelle activité tarde à décoller, je pourrai toujours maintenir en parallèle des missions dans la bancassurance.

Auteur

  • Frédéric Brillet