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Édito

Derrière France Travail, la nationalisation de l’assurance-chômage ?

Édito | publié le : 01.04.2022 | Benjamin d’Alguerre

France Compétences, Santé publique France, France Trésor, France Services… le quinquennat qui s’achève aura vu la création ou la refondation d’un certain nombre d’agences publiques dotées de titulatures qui sentent bon le brainstorming d’agence de com’, l’appellation d’origine contrôlée et le label-distributeur pour rayon de supermarché. En cas de réélection d’Emmanuel Macron – et au moment où ces lignes sont écrites il est le candidat le mieux placé par les instituts de sondage dans la compétition présidentielle – une nouvelle structure de ce type verrait le jour : France Travail, fusion d’un certain nombre d’acteurs de l’emploi, à commencer par Pôle emploi et les missions locales, futur « guichet unique » visant à optimiser l’accueil et l’accompagnement des demandeurs d’emploi à l’échelle territoriale, indépendamment de leur statut. Sur le fond, pourquoi pas ? Une institution unique dotée d’un logo unique et de plusieurs points d’accès locaux aurait le mérite d’apporter un peu de clarté dans le dédale des structures dédiées au retour à l’emploi qui peut perdre certains chômeurs déboussolés. Sur la forme, s’il serait puéril d’accuser le président-candidat de dissimuler un message plus ou moins crypto-subliminal en langue des oiseaux dans le nom de la future agence (« France : travaille ! »), il est néanmoins légitime de s’interroger sur le choix de la référence au « travail » plutôt qu’à celle de l’« emploi » qui y est assortie. À moins d’imaginer que les agents y délivreront autant de conseils pour devenir microentrepreneur – et ainsi alimenter l’économie des plateformes en chair fraîche – qu’ils ne guideront les usagers vers le salariat. En tout cas, bonne chance aux agents de Pôle emploi et aux conseillers des missions locales à qui la restructuration de ce SPE « new look » risque fortement de rappeler les turbulences traversées en 2008-2009 lors de la fusion entre l’ANPE et les Assedic.

Par association d’idées, selon le bon vieux principe de l’esprit d’escalier, difficile de ne pas imaginer une corrélation entre cette réforme annoncée du service public de l’emploi et le parachèvement de celle de l’assurance-chômage, figurant également au programme du président-candidat et qui prévoit une meilleure adaptation du fonctionnement du régime aux « paramètres conjoncturels » du marché du travail. En clair, ouvrir les vannes de l’indemnisation en période de vaches maigres – à l’image de la prolongation des droits opérée pendant la crise Covid –, les resserrer en cas de retour à meilleure fortune pour inciter les chômeurs à un retour rapide à l’emploi. Une intention qui se heurte cependant à la réalité de la gouvernance paritaire de l’Unédic qui sait traîner des pieds en cas de désaccord avec l’exécutif. De quoi nourrir la tentation d’achever la nationalisation du régime déjà engagée en 2017 avec la substitution des cotisations salariales qui alimentaient la trésorerie du régime par une part de la CSG. Une Unédic nationalisée dotée d’un budget annuel voté chaque année dans le projet de loi de finances couplée à une instance unique en charge de réorienter les demandeurs d’emploi vers les métiers porteurs ou en tension, sur le papier, le projet fait sens. Dans les faits, il pourrait aboutir à transformer la gestion du chômage en rotonde ferroviaire qui ferait la jonction entre personnes sans emploi et emplois non pourvus. Soit une vision purement techno-gestionnaire et exclusivement adéquationniste de la question du chômage en vue d’atteindre l’objectif de plein-emploi que le candidat s’est fixé.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre