Avec l'aide d'un cabinet-conseil, l'Office national des forêts fait évoluer une culture d'entreprise marquée par l'Ancien Régime.
Non sans mal, l'Office national des forêts (ONF) tente, depuis quelques années, d'adopter un fonctionnement d'entreprise de services privée. Créé en 1966, cet établissement public industriel et commercial (Epic) avait pour mission de gérer les 5 millions d'hectares de forêts domaniales et communales de l'Hexagone. « Dès le retournement du marché du bois, nous avons compris que nous devions évoluer, rappelle Jacques Descargues, secrétaire général de l'ONF. Nous devions entrer dans l'ère des services au public (accueillir des visiteurs en mettant en valeur notre patrimoine) et de la préservation des espèces. »
Depuis le milieu des années quatre-vingts, l'entreprise développe toute une batterie d'outils classiques (GRH, comptabilité analytique, etc.) pour accompagner cette mutation. Sans grand succès. Comme dans bon nombre d'entreprises confrontées à des situations délicates (fusion, restructuration, diversification…), les 12 000 salariés ont fait instinctivement blocage. « Ils ont généralement le sentiment qu'ils perdent leurs racines en acceptant le changement », notent Marc Lebailly et Alain Simon, experts en organisations humaines et culture d'entreprise, et fondateurs du cabinet de conseil Alternative Consulting Group (ACG). Ils crient au « reniement du passé » ou à « la trahison des idéaux des fondateurs ». Un malaise que ne prennent pas en compte les outils classiques de conseil, qui s'intéressent à l'organisation fonctionnelle de l'entreprise et s'attachent rarement aux éléments symboliques et culturels (valeurs, mythes, signes et rites) qui peuvent être source de dysfonctionnement dans des phases de mutation. Remettre en question ces habitudes, c'est la méthodologie proposée par le cabinet ACG et baptisée « anthropologie entrepreneuriale ».
« Dans le cas de l'ONF, nous nous sommes très vite aperçus que la culture de cette entreprise était encore marquée par l'Ancien Régime, lorsque les forestiers devaient protéger la forêt des manants et la conserver en l'état de nature… à l'attention du roi », constate Alain Simon. à l'aube du xxie siècle, cet héritage culturel structurait encore l'entreprise de manière informelle. Les forestiers accueillaient le public ou coupaient des parcelles de bois pour la vente, mais à contrecoeur. « Il était indispensable d'adapter le mythe fondateur aux changements voulus par l'entreprise », explique Alain Simon.
Concrètement, cette transformation s'est tout d'abord traduite par l'adoption d'un nouveau logo et par l'abandon progressif de l'uniforme. Des réunions ont été organisées avec l'encadrement et les partenaires sociaux afin de leur présenter les nouvelles valeurs de l'entreprise. « Ce sera ensuite au tour des salariés, souligne Alain Simon. Ce qui implique de rebâtir le système de communication. Par la suite, il va falloir revoir la cartographie des emplois : l'Office national des forêts va passer d'une logique de postes à une logique de compétences ». Une mutation qui s'appuiera sur un solide programme de formation.