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Vie des entreprises

Denis Hennequin met du social dans le Big Mac

Vie des entreprises | METHODE | publié le : 01.06.2001 | Marc Landré

35 heures, formation tous azimuts, opportunités de carrière… Pour compenser les horaires contraignants, le temps partiel et la pénibilité du travail, le roi du hamburger s'efforce de soigner la politique sociale de ses restaurants. Et celle de ses franchisés, en pesant sur la convention collective de branche.

L'année 2000 aura vraiment été un annus horribilis pour McDonald's France. L'attentat contre le restaurant de Quévert, dans les Côtes-d'Armor, a coûté la vie à une salariée. L'enseigne a été vilipendée à la suite du licenciement d'un équipier qui avait donné à manger à une SDF. Elle s'est retrouvée au centre du procès hypermédiatisé de José Bové, répondant devant la justice du saccage du restaurant de Millau. Et, pour couronner le tout, le roi du hamburger a connu pendant les fêtes de fin d'année, en plein cœur de Paris, l'une des grèves les plus dures de sa jeune histoire. Une vingtaine de salariés du restaurant Saint-Germain ont occupé leur établissement pendant deux semaines pour dénoncer leurs conditions de travail « insupportables » et la précarité de leur emploi. Un mouvement qui s'est vite transformé en symbole de la lutte contre la mondialisation.

Las de voir son entreprise assimilée à ces « multinationales qui délocalisent des emplois et étouffent la concurrence », Denis Hennequin, le P-DG de McDonald's France, a décidé de contre-attaquer. Le 25 mars 2001, l'enseigne a organisé des « journées rencontres » dans 400 de ses 860 restaurants français. Résultat, plus de 8000 curieux ont visité les cuisines et arrière-cuisines du leader français de la restauration rapide. Une grande opération de marketing qui visait à rassurer les consommateurs de Big Mac, inquiétés par l'ESB et la fièvre aphteuse, sur la qualité des produits. Mais aussi à « tordre le coup aux idées reçues sur la précarité et la flexibilité » pratiquées par l'enseigne. Car McDonald's France a plus que jamais besoin de main-d'œuvre pour assurer son développement.

1 RESPECTER LES HORAIRES

Si quasiment tous les salariés de McDo en France – 35 000 au total – sont en CDI, le roi de la restauration rapide souffre d'un turnover considérable. Il touche 80 % des équipiers par an (voire 100 % dans certains restaurants) et 20 % du personnel d'encadrement. « Le renouvellement fréquent du personnel est inévitable, explique Jean Gomez, le DRH du groupe. C'est la loi des activités qui emploient majoritairement des temps partiels. » Huit salariés de McDonald's France sur dix travaillent en effet à temps partiel, tout simplement parce que l'enseigne réalise 70 % de son chiffre d'affaires (11,5 milliards de francs en 2000) sur quatre heures dans la journée. Difficile, dans ces conditions, de proposer à tous un temps plein et le salaire correspondant. « Ce n'est pas le travail qui est précaire, mais la rémunération », nuance Denis Hennequin, P-DG du groupe.

Il est vrai que côté feuille de paie, le personnel de McDo n'est pas vraiment gâté. Un équipier, qui travaille au minimum vingt heures par semaine, perçoit un peu plus que le smic horaire. Soit, en moyenne, moins de 3000 francs net par mois. Bien peu, même si sa rémunération a augmenté de 11,4 % (en deux ans) quand l'entreprise est passée aux 35 heures. Les salariés à temps plein ne sont pas mieux lotis. Un manager, c'est-à-dire l'assistant d'un directeur de restaurant, reçoit en fin de mois 9 500 francs brut. et un directeur, 13 500 francs. Des salaires équivalents à ceux de la branche. « Quand on demande des augmentations, on nous répond que le smic est réévalué chaque année et que nos salaires augmentent automatiquement à ce moment-là », ironise Josélito Exilie, délégué syndical affilié à la CGT. Bien sûr, il y a toujours la possibilité de faire des heures supplémentaires pour arrondir ses fins de mois, mais encore faut-il qu'elles soient payées…

Ainsi, Claire, équipière à temps partiel pendant deux ans dans un restaurant à Montbéliard, a régulièrement fait des semaines de quarante heures sans pour autant voir la différence sur sa feuille de paie. Idem pour Benji, actuellement manager dans un restaurant parisien, qui n'a pas compté ses heures quand il était équipier afin d'obtenir la promotion que son directeur lui faisait miroiter. « Nous ne sommes pas des bénévoles », s'insurge Élisa, une jeune femme de 22 ans qui, lasse d'effectuer « des heures sup à l'œil », a préféré rendre son tablier et aller chercher ailleurs « un vrai travail correctement payé ».

Ces pratiques ont valu quelques ennuis à McDonald's. L'enseigne a ainsi été condamnée en septembre 2000 par le tribunal correctionnel de Paris à 400 000 francs d'amende pour « travail dissimulé ». Un inspecteur du travail avait constaté que 14 managers de trois restaurants parisiens effectuaient soixante heures par semaine en étant payés trente-neuf. Pour la direction, il s'agit de vieilles histoires remontant à une époque où les audits internes étaient moins stricts. « Toutes les heures effectuées sont aujourd'hui payées », souligne William Harnieh, responsable des 68 établissements appartenant au groupe en Ile-de-France. « Il est exact qu'ils rémunèrent désormais toutes les heures effectuées, mais ils ne respectent toujours pas le Code du travail en matière de temps de repos ou de quotas d'heures supplémentaires », nuance cependant un inspecteur du travail. Même si la branche de la restauration rapide a encadré la pratique des avenants aux contrats de travail – utilisée pour accroître le nombre d'heures complémentaires des salariés à temps partiel –, un certain nombre de directeurs de restaurant y auraient encore largement recours.

2 CHOYER LES SALARIÉS À TEMPS PLEIN

Pour McDonald's France, les principales difficultés de recrutement concernent la hiérarchie intermédiaire, les managers. « Les temps sont durs et la concurrence féroce, reconnaît Jean Gomez, le DRH. Nous devons proposer une offre de travail séduisante et nous améliorer en termes de rémunération, d'animation d'équipe, de responsabilité, de perspectives d'évolution et d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. » Les points les plus sensibles sont situés en province, où les salariés sont débauchés par des enseignes de la distribution qui leur proposent des rémunérations et des conditions de travail plus intéressantes. McDonald's a donc décidé de mettre l'accent sur la formation dans son centre de Guyancourt, dans les Yvelines, qui accueille 2500 stagiaires et dispense plus de quatre mille trois cents heures d'enseignement par an.

Outre les traditionnels modules techniques du style « comment s'assurer qu'un hamburger est cuit à la bonne température ? », le centre organise des formations spécifiques sur les relations avec les délégués syndicaux, l'organisation du travail, le management du personnel, la gestion du stress, la délégation de pouvoir, la motivation des équipes… Les cours, jusqu'alors réservés aux seuls cadres de l'entreprise, devraient bientôt s'ouvrir à tous les autres salariés, y compris à temps partiel. « Un restaurant fonctionne grâce à son encadrement, explique Jean Gomez. Si celui-ci est défaillant, nous aurons du mal à recruter, car la majorité des embauches se fait par le bouche-à-oreille et la cooptation. Les managers doivent donc être solides et bien formés. »

Autre atout pour fidéliser les salariés à temps plein : compte tenu de la pénibilité du travail et des horaires contraignants, McDo a appliqué très tôt, dès juin 1999, les 35 heures sans perte de salaire. La direction a retenu un fonctionnement hebdomadaire de quatre jours de travail suivis de trois jours de repos. Un système « attractif », selon Denis Hennequin, qui permet de « mieux équilibrer son temps entre vie professionnelle et activités de loisirs ».

Chez certains franchisés, les temps pleins bénéficient de rémunérations supérieures aux minima de la branche. Joël Roques, gérant locataire de cinq restaurants à Valence, garantit 10 000 francs brut par mois minimum à ses assistants et 15 000 francs à ses directeurs de restaurant. Même les responsables de zone (niveau hiérarchique inférieur à celui de manager) à temps partiel sont assurés de passer à 35 heures (9 000 francs brut minimum) au bout de deux ans. « Si vous voulez garder vos salariés, il faut baliser le chemin et leur montrer les postes et rémunérations auxquels ils pourront accéder », explique-t-il. En agissant de la sorte, Joël Roques n'a enregistré aucun départ dans son encadrement depuis plusieurs années.

3 SOIGNER LE DIALOGUE SOCIAL

Les vieux démons ont la vie dure. C'est bien connu, McDo, comme toutes les entreprises américaines, n'aime pas les syndicats. S'il est vrai que l'enseigne reconnaît avoir longtemps agi de telle sorte que leurs représentants ne franchissent pas les portes de ses restaurants, elle se défend aujourd'hui de continuer cette politique d'exclusion. Pour Jean Gomez, le tournant des relations avec les syndicats date de 1995. « Nous avons pris conscience que nous étions devenus une grande entreprise et que nous ne pouvions plus continuer à entretenir avec eux des rapports sulfureux. » Six ans plus tard, le bilan est éloquent. Les cinq confédérations (FO, CGT, CFDT, CFTC et CFE-CGC) sont toutes représentées dans les 120 restaurants gérés en propre par la compagnie (les 740 autres sont sous franchise). McDonald's France compte plus de 200 délégués du personnel élus. Et 14 accords d'entreprise ont été signés au cours des deux dernières années. Parmi lesquels figurent l'accord 35 heures et celui sur l'exercice du droit syndical (actuellement en renégociation). Dans les états-majors des fédérations du secteur de la restauration rapide, on ne tarit pas d'éloges sur la volte-face de l'enseigne. « Sur le plan social, McDonald's a vraiment la volonté de faire quelque chose », indique la CFTC. Son de cloche identique à FO : « Nous avons aujourd'hui de véritables débats de fond et les conditions de travail se sont indéniablement améliorées. » Idem à la CFDT, qui évoque un « dialogue constructif ».

Ce n'est pourtant pas la situation décrite par les représentants du personnel du restaurant de Saint-Germain, qui dénoncent des pratiques de harcèlement et de discrimination syndicaux. Selon eux, McDonald's utiliserait de nombreux stratagèmes pour entraver leurs actions: coups de téléphone anonymes, filature à la sortie du restaurant, cambriolage et même… tentative de corruption. « Le directeur du restaurant m'a proposé de l'argent pour que j'incite les autres à reprendre le travail », affirme Jean-Claude Rilcy, représentant CGT et leader charismatique du mouvement qui a paralysé l'établissement à la fin de l'année dernière. « Les délégués syndicaux ont eu un comportement plus que limite, estime toutefois le responsable d'une fédération qui a suivi de près ce conflit. C'était à se demander s'ils défendaient les salariés ou s'ils cherchaient à faire passer un message politique. » Ils auraient ainsi déclaré vingt heures de délégation syndicale le 25 décembre, seul jour de l'année où l'enseigne fait relâche… et alors que le restaurant était en grève. Bien que soucieuse de jouer l'apaisement, la direction de McDo a tout de même décidé en janvier 2001 de licencier six salariés, dont un délégué syndical, « non pour leur attitude pendant la grève, mais pour leur comportement à la reprise du travail ».

4 CONTRÔLER LA BRANCHE

McDo a pris en 1996 la direction du Syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide (Snarr). Avec un objectif clair : revoir la politique sociale de la branche. Pendant dix-huit mois, Denis Hennequin a présidé le syndicat professionnel. Philippe Labbé, l'un de ses vice-présidents, a pris le relais en 1998, assisté à la tête de la commission sociale par Jean Gomez. Pour l'enseigne, c'était le seul moyen de verrouiller, via la convention collective de branche, la politique sociale pratiquée par ses 240 franchisés. « La direction de McDo ne peut rien nous imposer en termes de social », rappelle Christian-Michel Fenet, gérant locataire de quatre restaurants dans l'est de Paris. Les franchisés sont en effet considérés comme des entrepreneurs individuels et ne sont pas concernés par les accords que la compagnie McDonald's France signe avec les syndicats pour ses propres restaurants. Plus de 80 % des 35 000 salariés de McDo dépendent donc de la branche.

Pour éviter qu'un franchisé ne fasse à nouveau la une des journaux, comme à Lyon au début des années 90, Philippe Labbé et Jean Gomez ne ménagent pas leurs efforts. Sous leur impulsion, la vieille convention collective de 1988 (la première du genre en restauration commerciale) a été dépoussiérée à quinze reprises depuis 1996. On y trouve des avenants sur les 35 heures sans perte de salaire, sur les temps partiels, garantissant à ces derniers un minimum de vingt heures par semaine, sur un régime de prévoyance ou sur un fonds d'action sociale géré de façon paritaire.

La ligne de conduite tracée par McDo au Snarr et les audits annuels que la compagnie réalise dans tous les restaurants de l'Hexagone ne dissuadent cependant pas certains franchisés de prendre leur distance vis-à-vis du Code du travail et de la convention collective. « Ils sont économiquement pris à la gorge par la compagnie, explique-t-on à FO. Ils jouent alors sur les horaires et les conditions de travail pour réaliser leur marge. »

5 S'AFFIRMER COMME ENTREPRISE CITOYENNE

Charles-Henri, 22 ans, est entré en 1999 chez McDo. Deux ans plus tard, ce titulaire d'un bac scientifique est assistant de direction et souhaite devenir directeur de restaurant : « Je suis bien plus qu'un contrôleur de vente de Big Mac. J'établis les plannings de travail, passe les commandes, fais de la formation, recrute des équipiers et remplis des tâches administratives. » Même histoire pour Faudel, 24 ans, qui, trois ans après avoir été recruté comme équipier, se retrouve manager d'une équipe de 15 salariés dans un restaurant du centre de Paris. « McDo est une des rares entreprises à donner leur chance aux jeunes d'origine étrangère et à leur permettre de faire carrière », affirme-t-il. Chez McDonald's France, les deux tiers du personnel d'encadrement, directeurs de restaurant et membres du siège compris, ont commencé en tant qu'équipiers, à temps partiel. Le roi du hamburger recrute chaque année des milliers de jeunes « sans discrimination de race, de sexe, de diplôme ou de localisation », comme le rappelle Denis Hennequin. Rien qu'en 2000, l'enseigne a ouvert 70 restaurants dans l'Hexagone, créant ainsi plus de 2 500 emplois.

Certes, la moitié du personnel (80 % à Paris) est composée d'étudiants qui n'ont pas vocation à rester. Mais une grande partie des autres recrues n'ont aucun diplôme. Pour elles, McDo représente une réelle opportunité d'ascension sociale. Dans l'entreprise d'abord, avec des perspectives de carrière. Mais également à l'extérieur, car McDonald's est une excellente carte de visite auprès des autres employeurs qui apprécient la rapidité, le sens du travail en équipe et la faculté d'adaptation de ses salariés. Un sondage réalisé par la Sofres en 1997 auprès de 336 ex-employés le confirme : 77 % d'entre eux ont facilement retrouvé un emploi dans le mois qui a suivi leur départ.

Franchisé à Valence, Joël Roques croit dur comme fer à son rôle d'intégrateur social. Le tiers de ses 250 collaborateurs est constitué de jeunes de banlieue, exclus du système scolaire. Il a même passé un accord avec les patrons des discothèques de la région afin qu'ils laissent entrer ses employés d'origine étrangère. « Tout le monde est content : les boîtes de nuit gagnent des clients et mes équipiers, de la considération. » « Nous faisons beaucoup pour l'intégration des jeunes de banlieue, avance pour sa part Jean Gomez, le DRH du groupe. Nous sommes aujourd'hui implantés dans une quarantaine de quartiers sensibles, créant une activité là où il n'y en a pas et offrant des emplois de proximité. » Une politique d'intégration nécessaire au bon développement et aux forts recrutements de l'entreprise.

Entretien avec Denis Hennequin
« La réalité sociale de McDonald's est différente de la description qu'en a faite José Bové »

Pur symbole de l'aventure McDonald's, Denis Hennequin participe à sa version française depuis 1984. C'est à 26 ans que ce juriste, titulaire d'une licence en économie, est recruté comme assistant directeur, alors que l'enseigne ne possède que 17 restaurants dans l'Hexagone. Persuadé de prendre un jour la direction de l'enseigne, il franchit rapidement tous les échelons (directeur de la franchise en 1990, des opérations en 1991, de l'Ile-de-France en 1993) pour de venir directeur général en 1995. Un poste que ce fan de rock and roll n'occupera qu'un an puisqu'il est nommé président de McDonald's France SA, en remplacement de Michel Antolinos, à l'automne 1996.

Quel était le but des « journées rencontres » McDonald's ?

À la suite des attaques infondées dont nous avons été la cible, nous avons souhaité ouvrir nos portes et montrer le fonctionnement de l'entreprise pour corriger un certain nombre d'idées reçues sur notre politique sociale, la fabrication de nos produits ou les relations avec nos fournisseurs. Grâce à ces journées, nous affirmons notre volonté d'ouverture et de transparence. Si notre marque est un symbole, la réalité de l'entreprise est différente de la description qu'en a faite José Bové pour faire parler de son syndicat ou de son combat, et du conflit de Saint-Germain qui n'avait pas l'importance qu'on a bien voulu lui accorder. Nous n'avons rien à cacher et nous avons tenu à le montrer.

Vous parlez de transparence : quelle est votre rémunération ?

Environ 100 000 francs par mois, stock-options et bonus en plus. Les stock-options sont attribuées à tous les cadres de l'entreprise et constituent une part non négligeable de notre rémunération si le cours de l'action se porte bien. Quant au bonus, il dépend directement des résultats de l'entreprise.

Le turnover très élevé de McDonald's vous inquiète-t-il ?

Le turnover est inhérent à notre activité et a toujours été important. Le travail d'équipier est difficile, répétitif et ne constitue pas à long terme un métier. Il permet une transition vers la vie active qui peut se traduire par des évolutions de carrière dans l'entreprise ou en dehors. Ce qui me gêne, en revanche, c'est que des salariés nous quittent pour des questions de pénibilité du travail ou parce que nous n'avons pas su répondre à leurs attentes et à leurs souhaits d'organisation. C'est ce turnover-là qu'il nous faut combattre.

Éprouvez-vous des difficultés à recruter ?

Le marché s'est tendu depuis deux ans, et de plus en plus d'entreprises proposent des emplois à temps partiel. Cette amélioration concerne également les salariés à temps complet qui se voient offrir davantage d'opportunités. Aussi, pour nous distinguer de nos concurrents et procurer à nos salariés à temps plein un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, nous avons mis en place très tôt un régime 35 heures attractif dans nos restaurants. Pour ceux que nous gérons en propre, cela se traduit par une semaine de quatre jours de travail suivis de trois jours de repos.

Faites-vous partie des rares dirigeants favorables aux 35 heures ?

Je n'ai pas cherché à lutter en disant que cette loi était une hérésie ou qu'elle allait entraîner un surcoût pour l'entreprise. La question était davantage d'en tirer le meilleur bénéfice. Je regrette cependant que la concertation ait été écourtée. Le gouvernement avait invité les entreprises à négocier et à trouver des solutions permettant de concilier exigences économiques et réduction du temps de travail. Mais il a ensuite fixé des modalités très détaillées d'organisation qui ont remis en cause les accords passés.

Comment votre direction américaine a-t-elle accueilli les 35 heures ?

Notre fonctionnement est très décentralisé. Nous sommes véritablement indépendants sur la gestion des hommes comme sur les investissements que nous réalisons. Nos actionnaires américains s'intéressent à la rentabilité des capitaux qu'ils nous ont confiés et au bon développement de notre activité. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que notre histoire est un succès. En 1984, nous avions 17 restaurants et réalisions 250 millions de francs de chiffre d'affaires. Aujourd'hui, nous en avons 860 et nos ventes dépassent les 11 milliards. Les Américains sont pragmatiques : notre rentabilité est toujours bonne et n'a pas été dégradée par les 35 heures. Ils n'ont donc pas de raison de se plaindre.

Quelle explication donnez-vous au conflit du restaurant de Saint-Germain ?

C'est un prisme déformant. Tout ce qui touche McDonald's intéresse les médias. Il suffit d'une grève dans un restaurant de l'enseigne pour que nous fassions la une des journaux télévisés. À Saint-Germain, les revendications étaient individuelles et non collectives. D'ailleurs, le mouvement ne s'est pas étendu. Nous ne sommes pas parfaits. Je reconnais que nous avons manqué d'attention et probablement commis des erreurs de gestion et de management dans ce restaurant. Je regrette cependant que les délégués syndicaux aient opté pour la grève alors que nous allions entamer des négociations, notamment sur le droit syndical.

La condamnation de McDonald's France pour « travail dissimulé » a fait beaucoup moins de bruit…

Il faut replacer cette affaire dans son contexte. Les faits remontent à plusieurs années, lorsque les problèmes d'heures supplémentaires et complémentaires avaient moins d'importance. Nous avons commis des erreurs et nous avons été condamnés. Mais la relaxe du DRH de l'enseigne par le tribunal prouve la bonne foi de l'entreprise. « L'emploi de travail dissimulé », pour lequel il était poursuivi, n'est pas un système de management érigé par la direction de McDonald's. Mais nous condamnons et sanctionnons ce type de pratique, c'est clair !

Comment vous assurez-vous que les managers de vos restaurants respectent le droit du travail ?

Notre équipe de ressources humaines pratique des audits sociaux dans tous les restaurants de l'enseigne une fois par an. Ils suivent une démarche similaire à celle d'un inspecteur du travail. Si nous remarquons des « anomalies sociales », nous le signalons au directeur du restaurant. Si elles persistent, nous avons prévu des sanctions qui peuvent aller jusqu'au licenciement. Mais, dans 99 % des cas, les anomalies constatées ont pour origine l'inexpérience et la maladresse. Et non une volonté délibérée. Une bonne gestion sociale et le respect des règles sont des critères d'évaluation pris en compte dans l'intéressement de l'encadrement, comme dans l'attribution d'autres restaurants aux franchisés.

Pensez-vous avoir un rôle social à jouer auprès des jeunes en difficulté ?

Nous avons un rôle d'intégration très important. Ce n'est pas en mettant un flic derrière chaque jeune qu'on va résoudre les problèmes de délinquance. Mais en leur donnant du travail et une formation qualifiante. Nous sommes en relation avec les associations qui, comme Face (Fondation agir contre l'exclusion), nous aident dans nos processus de recrutement et de formation. Et ça marche. Nous offrons un accès à un premier emploi sans discrimination de race, de sexe, de diplôme ou de localisation. Beaucoup nos directeurs de restaurant n'ont aucun bagage universitaire et ont commencé comme équipiers. Ce sont des salariés fidèles qui ont pu évoluer dans l'entreprise. Les problèmes dans les banlieues sont souvent liés à l'inactivité et au chômage des parents qui se répercutent sur la perception qu'ont leurs enfants du travail. On doit réfléchir à des systèmes d'intégration plus faciles et plus incitatifs. Les jeunes ne devraient plus avoir à se poser la question de rester chez eux ou d'accepter un travail chez McDonald's.

Comment réagissez-vous aux affaires Danone et Marks & Spencer ?

Il faut faire une distinction entre les deux sociétés. Danone est une entreprise responsable qui l'a prouvé dans son histoire. On n'a pas voulu regarder son plan social et on a donné l'impression que l'entreprise avait décidé de fermer du jour au lendemain ses usines, comme l'a fait Marks & Spencer avec ses magasins français, sans se soucier du sort de ses salariés. La vraie question est de savoir si une entreprise en bonne santé doit, pour continuer à l'être, se restructurer, faire attention aux évolutions du marché et adapter son outil de production. C'est à mon avis le devoir d'un chef d'entreprise. Malheureusement pour Danone, l'annonce de son plan a coïncidé avec celle de Marks & Spencer dans le climat politique tendu de l'après-municipales.

Que vous inspire le récent conflit à la SNCF ?

La SNCF a, certes, une vocation de service public et je crois au service public. Mais est-il normal que 25 % des journées de grève en France aient lieu dans la même entreprise et qu'une minorité de salariés puisse en paralyser le fonctionnement pour la défense d'intérêts catégoriels ? L'idée d'un service public minimal me semble légitime. La SNCF est aujourd'hui de plus en plus dans une logique commerciale. Il faudrait alors aller au bout de la logique et peut-être la privatiser.

Que pensez-vous de la refondation sociale ?

Le Medef a raison de vouloir trouver des solutions à des problèmes, comme celui des retraites, que l'on ne cesse de repousser pour des raisons électorales ou politiques. Quant à la façon de mener les négociations, n'étant pas dans l'équipe, il serait malhonnête de ma part d'en faire la critique.

Propos recueillis par Denis Boissard, Jean-Paul Coulange et Marc Landré

Auteur

  • Marc Landré