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Enquête

CHEF ? MOI, JAMAIS !

Enquête | publié le : 01.06.2001 | Sandrine Foulon, Frédéric Rey

Disparus, les rêves d'ascension sociale, ringardes les envies de carrière ? La valeur travail a du plomb dans l'aile. Les salariés ne sont plus prêts à tout sacrifier à l'entreprise. Et ils déclinent désormais leur parcours professionnel en fonction de leurs aspirations, et non des desiderata de l'entreprise.

Qui n'a pas fredonné le fameux tube de l'année 2000 : « Je ne veux pas travailler » du groupe américain Pink Martini ? Sur le ton de la bravade, de l'amusement ou de la conviction… Jamais la valeur travail n'a été autant bousculée qu'aujourd'hui. Si elle occupe toujours une place prépondérante dans la vie – on ne connaît pas de moyen de subsistance plus efficace, et ceux qui n'ont pas d'emploi en souffrent –, elle a perdu de sa superbe. Travailler, oui mais pas à n'importe quel prix. Après des années de chômage massif, de plans sociaux et de restructurations à répétition, le dévouement corps et âme à l'entreprise est devenu un modèle repoussoir.

Au bon vieux plan de carrière avec promotion tous les trois ou quatre ans les salariés opposent désormais une pluralité d'ambitions. Ils veulent tout : avoir un job intéressant, sans être écrasés par trop de responsabilités, une vie privée satisfaisante, du temps pour s'investir dans des activités extraprofessionnelles, voire prendre tout simplement le temps de paresser… Les cadres, en particulier, n'ont plus forcément dans le viseur un désir forcené d'ascension sociale et sont davantage en quête de sens dans leur travail. Les comportements des salariés se diversifient et les attentes à l'égard de l'employeur se modifient. Selon l'âge, la situation de famille, le niveau de vie, les individus se construisent des trajectoires qui répondent à leurs envies.

Les postes de chefs ne font plus autant saliver. Quand la promotion se présente, le salarié soupèse les avantages et les inconvénients et n'hésite plus à refuser. Au grand désarroi des directions. Mais pourquoi accepter plus de responsabilités quand l'augmentation de salaire ne compensera pas une plus grande liberté (voir page 16) ? Certains grands groupes – des pionniers – proposent d'ailleurs à leurs cadres des alternatives à la seule promotion hiérarchique. Et valorisent, y compris financièrement, autant l'expertise technique que les responsabilités managériales, qui restent encore trop souvent la voie royale pour évoluer.

Même si les dingues du boulot commencent à être considérés comme des phénomènes de foire au sort peu enviable – Cegetel va jusqu'à proposer du coaching à certains de ses cadres pour qu'ils travaillent moins –, les carcans demeurent. Les adeptes du plan de carrière à la papa considèrent encore avec un brin de condescendanceles gens sans appétit professionnel. L'écart entre ces deux philosophies de vie risque donc de se creuser. Au détriment des work alcoholics. Le temps libre, aujourd'hui trois fois plus long que le temps de travail, joue contre eux. Avec l'allongement des études, l'augmentation de l'espérance de vie, le travail n'est plus qu'une étape dans toute l'existence. La généralisation des 35 heures n'arrange rien (voir page 20). Selon un sondage réalisé par CSA pour le compte du ministère de l'Emploi, la réduction du temps de travail améliore la vie aux yeux de 71 % des personnes interrogées et de 87 % des salariés passés à 35 heures.

Réussir une savante alchimie

Si les salariés ne trouvent plus dans leur travail le moyen de se réaliser, ils sont tentés d'aller le chercher ailleurs. Dans un nouveau job, s'ils en ont les moyens. Plus audacieux, certains renoncent à la routine et quittent une place en or pour une nouvelle vie. À l'image de cette ancienne assistante d'une société de production partie ouvrir une taverne sur une île grecque. D'autres investissent dans les loisirs, dans un engagement extraprofessionnel. Certains encore réussissent cette savante alchimie entre implication au travail et vie personnelle bien remplie.

Et vous qui nous lisez, quel type d'ambitieux êtes-vous ? Pour faire le point, Liaisons sociales Magazine vous propose un quiz (page 24).

Auteur

  • Sandrine Foulon, Frédéric Rey