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Idées

La grande marchandisation de la formation professionnelle

Idées | Livres | publié le : 01.02.2022 | Lydie Colders

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La grande marchandisation de la formation professionnelle

Crédit photo Lydie Colders

Dans « Retour sur 50 ans de formation professionnelle », deux spécialistes de la CGT analysent l’emprise du libéralisme au fil des grandes réformes. Un éclairage militant, rigoureux.

En 1971, la loi fondatrice de la formation professionnelle relevait du cadre de formation permanente, entre adaptation des salariés et promotion sociale avec le congé individuel de formation. Cinquante ans et quinze réformes plus tard, la loi de 2014 et celle de 2018 baptisée « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ont conduit à la grande « marchandisation des droits des salariés » : fin du CIF, CPF monétisé et baisse de l’obligation légale signent « une grande « déresponsabilisation des employeurs ». Comment expliquer cette « doxa libérale » qui en un quart de siècle, n’a fait qu’aggraver « les inégalités sociales » des salariés ? Que reflète-t-elle des choix politiques et des rapports de force syndicaux ? Dans ce livre, Djamal Teskouk, ex-conseiller formation de la CGT, et l’économiste Didier Gelot reviennent sur cette histoire, décryptant les réformes emblématiques du néolibéralisme. L’ouvrage, technique, s’adresse aux syndicalistes ou aux initiés de la formation. Mais l’analyse est posée, le recul parfois intéressant. Les deux experts estiment qu’avec l’externalisation massive du travail, le concept de la formation au tout de la vie, « promue par le Medef » et la CFDT en 2004 marquera un virage décisif : le droit individuel à la formation symbolisera « ce dangereux point de bascule », ouvrant la brèche de la formation hors temps de travail. « Cette pression du patronat » s’explique pour eux par son opposition aux 35 heures. Hormis l’adaptation, c’est le début du transfert de la formation vers les salariés, au nom « du co-investissement » et du grand flou des compétences.

Un système à deux vitesses

Les auteurs ne sont guère tendres avec François Hollande et sa politique de compétitivité, qui supprimera en 2014 le fameux 0,9 % du plan de formation. Le remplacement du DIF par le compte personnel de formation (CPF), contesté par FO et la CGT, n’avait alors rien n’anodin. « Il était censé représenter, aux yeux de ses partisans, une contrepartie » à la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, facilitant les licenciements, expliquent-ils. En 2018, le CPF (faiblement) crédité en euros, sans intermédiaire, parachèvera cette idéologie libérale où les salariés sont perdants : « On passe d’un système de mutualisation à un système de capitalisation qui irrigue aujourd’hui l’ensemble de la protection sociale », de la politique d’Emmanuel Macron, notent-ils. Évidemment, Djamal Teskouk et Didier Gelot critiquent la reprise en mains de la formation professionnelle par l’État, y voyant une mise « sous tutelle du paritarisme ». Et pointent un modèle financier (France compétences) en « échec », tandis que l’implication des entreprises « atteint un niveau dangereusement bas ». On ne sera pas surpris qu’ils prônent d’abroger ces lois. S’ils posent des jalons pour refonder le système public et privé (droit réel à la reconversion, dialogue social renforcé sur la formation), leur livre vaut surtout pour cette étude fouillée du « démantèlement » de la formation professionnelle.

« Retour sur 50 ans de formation professionnelle »,

Didier Gelot, Djamal Teskouk, éd. du Croquant, 180 pages, 13 euros.

Auteur

  • Lydie Colders