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La métallurgie se dote d’une nouvelle convention collective

Décodages | Branches | publié le : 01.02.2022 | Dominique Perez

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La métallurgie se dote d’une nouvelle convention collective

Crédit photo Dominique Perez

Après plus de cinq années de négociations, le texte de la nouvelle convention nationale de la métallurgie est fin prêt. Les discussions se poursuivent cependant dans les territoires, qui devraient voir éclore quelques accords autonomes.

Bien plus qu’un toilettage, le chantier pharaonique engagé par la branche de la métallurgie en 2016 fait au moins l’unanimité sur un point : sa nécessité ! « Cela fait 80 ans que l’on réclamait une convention collective nationale », explique Stéphane Flégeau, secrétaire général adjoint de la CGT Métallurgie. Le chantier, qui s’est achevé le 21 décembre 2021, fut titanesque. La preuve : les partenaires sociaux représentatifs de la branche (UIMM côté patronal ; CGT, FO, CFDT et CFE-CGC pour la partie syndicale) ont consacré deux années entières d’échanges bilatéraux rien qu’en vue de signer l’accord de méthode qui a donné le go à cinq ans de discussions intensives. Mais ils n’avaient pas le choix : « Nous avions aussi une épée de Damoclès au-dessus de la tête, avec l’obligation de négociations visant à établir l’ordre conventionnel au sein des branches que nous fixait la loi Travail », se souvient Frédéric Homez, secrétaire général de la métallurgie FO. À quoi s’ajoutait l’objectif de réduction du nombre de branches décidée par le Gouvernement à la suite du rapport Combrexelle de 2015. « La définition d’une branche se basant sur sa convention collective, il était urgent d’agir. Face à la complexité du travail qui nous attendait, nous avons obtenu un délai », poursuit le métallo Force Ouvrière.

Pendant huit décennies, les textes conventionnels territoriaux et nationaux se sont accumulés au point de représenter « un total d’environ 7 000 pages. Soit près du double en volume du Code du travail ! Leur complexité et leur inadaptation aux transformations économiques, technologiques et sociales que rencontrent nos entreprises nous ont incités à les revoir en intégralité », résume Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM. Véritable maquis de textes, le corpus conventionnel de la métallurgie ne comptait pas moins de soixante-seize conventions territoriales et deux conventions collectives spécifiques (l’une de la sidérurgie, l’autre concernant les ingénieurs et cadres), désormais « réduit » à 230 pages, sans les accords autonomes. Si la CGT, une fois ses instances locales consultées, ne signera vraisemblablement pas le texte le 7 février, (jour J de la signature prévu au moment où ces lignes sont écrites), les autres organisations syndicales se félicitent globalement du résultat.

Protection sociale, un vif débat.

C’est donc à la veille des vacances de Noël, le 21 décembre dernier, que la fin des négociations a enfin été actée, à l’issue d’un dernier marathon. Mais tandis que les négociateurs de la branche se retrouvaient, selon l’UIMM, pour une ultime relecture du texte final, et quelques retours sur des thématiques mises en réserve, le ton est monté sur le thème de la protection sociale et a prolongé des débats que tous pensaient terminés ! « Nous avons arraché des dispositions dans la dernière ligne droite, se réjouit Frédéric Homez. Nous avons abouti à un système de protection sociale nettement amélioré des salariés de la branche, avec la mise en place d’un régime de prévoyance qui n’existait pas. Jusqu’alors nombre de salariés non-cadres ne disposaient d’aucune garantie notamment contre les sinistres graves. » Pour La CGT cependant, si cette prise en compte est allée dans le bon sens par rapport à l’existant, « la distinction entre cadres et non-cadres a été conservée », regrette Stéphane Flégeau. Finalement, cette extension imprévue de la négo s’est plutôt révélée positive pour les salariés, estime Stéphane Destugues de la CFDT. « L’UIMM souhaitait que l’on fasse des concessions sur le non-paiement des jours de carence, elle y a renoncé. C’était une double peine pour des salariés atteints d’une maladie chronique. La partie patronale insistait sur « ceux qui abusent », nous, nous pensions plutôt à ceux qui souffrent et qui pouvaient vraiment se trouver en difficulté ». Toujours est-il que, si la convention collective nationale doit s’appliquer d’ici à janvier 2024, le chapitre protection sociale doit entrer en vigueur un an avant, soit en janvier 2023. Un premier chantier d’importance donc pour les ressources humaines des entreprises de la branche…

Des négo territoriales en cours.

Primes spéciales, jours de congé (fête de la Saint-Nicolas en Alsace par exemple)… La convention nationale n’a pas inclus certaines dispositions spécifiques territoriales existantes. Il appartiendra aux partenaires sociaux des chambres départementales de la métallurgie, de négocier localement soit pour renoncer à ces particularismes territoriaux, soit pour les adapter ou au contraire les conserver en l’état. Avant une grande « révision extinction » des conventions territoriales qui n’auront plus lieu d’être mais qui, pour les régions qui garderont des particularités, feront l’objet d’accords autonomes. Or, l’avenir de certaines de ces mesures locales est surveillé comme le lait sur le feu par les organisations syndicales. En ligne de mire notamment, la prime de « panier de jour » par exemple, dont le montant n’est pas fixé dans la convention nationale, et qui apparaît sur certains territoires comme une partie non négligeable du traitement mensuel. « En Vendée par exemple, elle représente de 150 à 190 euros par mois, souligne Stéphane Destugues. Or, on sent que la chambre territoriale patronale traîne des pieds pour ne pas commencer la négociation avant mars ou avril, alors que nous souhaitons qu’elle soit maintenue dans le cadre d’un accord, faute de quoi elle sera laissée à l’appréciation des entreprises… Le panier de nuit, lui, a été prévu et inclus dans la convention nationale, « mais avec un montant minimal faible, de 6,70 euros jour précise Stéphane Flégeau. Mais dans certains territoires, cette prime équivaut aujourd’hui à 15 euros. On peut supposer que ce montant ne sera pas remis en question lors des discussions territoriales, la référence devenant la convention collective nationale… » La CFE-CGC se dit également attentive aux débats en cours. « Nous sommes satisfaits d’être parvenus à un certain équilibre global avec la convention nationale, souligne Gabriel Artero, président de la fédération de la métallurgie de la centrale des cadres. Cependant, même si évidemment nous ne le souhaitons pas, dans l’hypothèse où les négociations territoriales n’aboutiraient pas, il y a possibilité de revenir sur la signature du texte national, en accord avec les autres organisations syndicales. Une vingtaine de territoires environ sont concernés ». D’ores et déjà, les partenaires sociaux se sont donné rendez-vous à l’été 2022 pour un point d’étape sur ces consultations observées avec attention.

Classifications : 10 mois de négociation et un important chantier à venir.

Parmi les thématiques de premier plan, les classifications ont occupé à elles seules dix mois de discussions… Elles ne seront plus déterminées en fonction des individus mais des postes tenus. Comprendre : il faudra que chaque entreprise établisse ses classifications selon une échelle unique commune à l’ensemble des emplois et les évalue « sur la base de critères classants applicables à tous ». Inacceptable pour la CGT ! « Il s’agit d’une transformation majeure. Il n’y aura plus aucune valorisation de l’expérience acquise dans son poste ou en passant d’un poste à un autre. À chaque changement, le travailleur se verra attribuer le niveau salarial et la qualification du poste qu’il va occuper, ce qui se fera au détriment de sa qualification », tonnent les métallos de Montreuil. A contrario, la CFE-CGC voit dans cette disposition le vecteur d’une « plus grande équité » entre salariés. De même que la CFDT, pour qui le nouveau système de classification « se trouve davantage en phase avec les emplois actuels exercés dans les entreprises de la branche. » Reste qu’il s’agit d’une véritable révolution, prélude à un autre travail herculéen à mener cette fois par les employeurs. « Les PME seront certainement accompagnées par les chambres territoriales, estime Gabriel Artero. Mais dans les groupes de 20 000 ou 50 000 salariés, les deux ans prévus vont être assez courts pour mettre en œuvre cette classification. Il s’agit de revoir toutes les fiches de postes, quand elles existent, et les entreprises devront faire un effort colossal pour faire de la prégestion des emplois et des compétences sur plusieurs milliers de fiches de poste ! On sait que le travail a commencé dans quelques groupes comme Airbus où un accord de méthode global a déjà été signé, mais beaucoup d’autres se font un peu peur face au volume de travail nécessaire ». Une inquiétude partagée par les autres représentants syndicaux, qui font actuellement de la pédagogie sur ce thème, avec l’aide d’un guide méthodologique paritaire. Avec, en sus, une crainte à l’esprit : « Quelle sera la volonté réelle des employeurs de s’emparer véritablement de l’accord ? » s’interroge Stéphane Destugues. Le risque est que certains tentent de classifier les postes par « paquets de 400 » alors que l’exercice nécessite une finesse d’approche. La seule obligation des entreprises étant d’organiser une information consultation du CSE, et de faire valider la fiche de poste par chaque salarié. Qui pourra lui-même la dénoncer. Encore des mouvements en perspective dans les deux années à venir…

Reconnaissance des diplômes : un tri sélectif

Partie intégrante des classifications ou élément accessoire ? Les débats ont également été plutôt vifs sur la question de la reconnaissance des diplômes dans les nouvelles classifications prévues par la branche. « L’ UIMM ne souhaitait plus du tout les prendre en compte dans la classification. Pour nous, c’était hors de question ! » s’était agacé Frédéric Homez, délégué FO, pendant la négociation. Une ligne que partageait la CFE-CGC dont l’attachement à la reconnaissance des diplômes est un combat de longue date. « Il s’agit de reconnaître que la formation, initiale, continue ou tirée de l’expérience est à la base de toutes les compétences requises pour un emploi », affirme la centrale des cadres. Un consensus s’est dessiné autour de la sanctuarisation des diplômes de niveau Bac + 2 à Bac + 5 dans la grille des classifications de la branche. De quoi faire bondir la CGT, qui estime que les certifications de branche type CQPM devraient bénéficier du même traitement de faveur.

Auteur

  • Dominique Perez