Après avoir démontré les inégalités du capital, Thomas Piketty prend presque le contre-pied. Dans sa brève « histoire de l’égalité », livre assez pédagogique et optimiste, l’économiste rappelle que les inégalités entre classes sociales ont plutôt diminué à partir du xix^e siècle. « Le monde du début des années 2020, aussi injuste puisse-t-il sembler, est plus égalitaire que celui des années 1950 ou celui de 1900 ». Croisant histoire, politique et économie, il atteste habilement d’une tendance de fond vers plus d’égalité entre classes sociales, traversée par les révolutions et les rapports de forces. Sortie du travail « contraint », montée en puissance de la redistribution sociale entre 1914 et 1990… Sur des sujets connus, le propos reste intéressant. Exemple ? Des privilèges en Suède (loin d’avoir toujours été un pays égalitaire), Thomas Piketty tire le fil « du vote censitaire » jusqu’au pouvoir économique, « où il règne toujours en maître ». L’occasion de rappeler son attachement à la cogestion à l’Allemande, fruit d’une bataille politique et sociale. Répartir de moitié les voix entre actionnaires et salariés, comme il le suggère, suffirait-elle à mieux répartir le pouvoir en entreprise ? L’auteur n’est pas dupe, mais « attribuer 50 % des voix aux salariés en tant qu’investisseur du travail » serait un premier pas. Le capitalisme n’a rien d’une histoire naturelle, et rien n’empêche « d’imaginer d’autres règles ». Reste à trouver les forces politiques capables d’incarner ce courant égalitaire…

Thomas Piketty, Éd. du Seuil, 368 pages, 14 euros.