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Faut-il un régime « à points » pour améliorer l’équité et l’équilibre financier du système de retraites ?

Idées | Débat | publié le : 01.01.2022 |

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Faut-il un régime « à points » pour améliorer l’équité et l’équilibre financier du système de retraites ?

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Dans son allocution de novembre dernier, Emmanuel Macron a estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour relancer la réforme des retraites avec un système universel fondé sur l’acquisition de points. Un changement de braquet puisqu’à l’origine, dans le projet initial porté par Jean-Paul Delevoye de 2017 à 2019 et enterré depuis par la crise Covid, c’est justement un système « à points » acquis tout au long de la vie qui devait se substituer à l’actuel, basé sur le nombre de trimestres de cotisations et le salaire de référence. Un leitmotiv animait la réforme : « Un euro cotisé devra aboutir au même montant de pension, qu’importe le statut ou le métier ». Mais aujourd’hui que la réforme semble renvoyée à une date ultérieure, une question se pose

Bruno Chrétien Président de Factorielles et fondateur de l’Institut de la Protection Sociale

La retraite à points présente certains avantages : elle est plus simple à gérer et donne aux cotisants une vision plus claire de ce qu’ils vont percevoir. Mais elle ne règle pas pour autant le problème de l’équilibre des régimes de retraite. Par ailleurs, le projet de retraite universel à points initialement conçu par le Gouvernement a été mal pensé et avait des buts cachés. Sur le papier, c’est une idée à première vue séduisante de proposer l’égalité en instaurant une retraite universelle pour tous les cotisants mais il faut savoir qu’un système intégrant à la fois les régimes de base et complémentaires n’existe nulle part ailleurs dans le monde ! Dans tous les pays, ces deux régimes coexistent. Si cela n’a pas été fait ailleurs, il y a certainement des raisons. Autre critique, la volonté d’instaurer une retraite à points masque les véritables objectifs, à savoir le report de l’âge de départ en retraite et surtout l’intégration des régimes spéciaux et complémentaires. Ce faisant, les réserves des complémentaires AGIRC ARRCO qui ont fait la preuve de leur capacité à tenir leurs comptes passeraient sous la tutelle de l’Etat qui se révèle à l’inverse souvent piètre gestionnaire en matière sociale. Cette nationalisation des retraites participe de la même tentation que le projet de Grande Sécurité sociale qui permettrait d’aller plus loin dans la centralisation et l’étatisation de la protection sociale au détriment des mutuelles. Faute de régler les problèmes de financement de ce qui entre dans son périmètre, l’État est tenté d’absorber des organismes qui gèrent pourtant mieux que lui leurs affaires. Qu’il s’agisse des retraites ou de la santé, la haute fonction publique part trop souvent du principe qu’elle sait gérer de manière plus responsable, ce qui ne se vérifie pas dans la réalité à en juger par l’ampleur de nos déficits publics.

Nicolas Castel Maître de conférences en sociologie à l’Université de Lorraine

« Ce projet de réforme ajourné est technocratique bête et méchant. Les comptes en points sont une technique comptable visant à ajuster en permanence le montant global des prestations. Ils viennent de loin. Le patronat ne voulait pas du régime général créé en 1946 instaurant un début de retraite comme continuation du salaire. En bloquant la pension du régime général sous un plafond de cotisations et en inventant, à partir de 1947, pour les cadres, puis à partir du début des années 1960 pour les non-cadres, un complément obligatoire de retraite par points, le patronat a réussi à limiter le déploiement du régime général. Les retraites fondées sur les cotisations sociales renvoient en effet à la question des salaires, des qualifications et des négociations collectives et de la répartition de la valeur ajoutée créée dans les entreprises. Les points, en singeant une sorte d’épargne individuelle, masquent cette réalité politique.

Dire que généraliser l’usage des points serait plus simple que le système actuel est malhonnête. 75 % des prestations « vieillesse » versées chaque année le sont sur le modèle de la retraite comme continuation du salaire tandis que les systèmes en points représentent le quart restant. Quitte à instaurer une retraite universelle avec les mêmes droits pour tous, il serait plus simple d’étendre en l’améliorant la pension comme salaire continué.

La retraite à points est inéquitable car les pensions sont plus liées au montant des salaires perçus qu’à celui des cotisations versées sur plus de quatre décennies d’emplois aléatoires. L’enjeu progressiste est donc d’assurer à tous les retraités la poursuite de leur meilleur salaire en affrontant, ici et maintenant, la redoutable question des iniquités salariales et de carrière.

Henri Sterdyniak Fondateur des Économistes Atterrés

« Le système à points promet une équité factice. D’abord, il ne tient pas compte des différences d’espérance de vie selon les métiers, de sorte que les cadres sont favorisés par rapport aux ouvriers. Le montant perçu augmente avec l’âge de départ en retraite mais ce système ne tient pas compte de la capacité à rester en emploi selon la profession. Par rapport au régime actuel, le système proposé perdrait donc de son caractère redistributif. Il ne serait acceptable que s’il accordait des conditions de départ plus favorables aux travailleurs ayant exercé des métiers pénibles, accordait des points supplémentaires aux bas salaires et dépréciait les points accordés aux salaires élevés. Par ailleurs, le Gouvernement s’est refusé à donner des garanties précises sur le taux de remplacement puisque l’objet de la réforme était d’assurer l’équilibre financier du système, à taux de cotisation fixe, malgré la dégradation du ratio actifs/retraités. Le projet envisageait la sous-indexation de la valeur d’achat du point, de sa valeur de service et le recul de l’âge pivot (ouvrant le droit à une retraite à taux plein), de sorte que les salariés n’avaient aucune garantie sur le niveau de leur retraite.

Enfin, le Gouvernement s’est heurté à la question de la transition. D’une part, il fallait centraliser et étatiser des systèmes gérés par les partenaires sociaux ou les personnes concernées, ce qui remettait en cause de nombreux accords d’entreprises. D’autre part, il fallait assurer le maintien des droits déjà acquis, ce qui impliquait une longue coexistence entre les anciens et le nouveau système. Aussi, les premières retraites calculées avec le nouveau système ne devaient être versées qu’en 2037, alors même que la hausse du ratio retraités/actifs devrait ralentir vers 2035.

Ce qu’il faut retenir

// Notre système actuel de retraites fondé essentiellement sur les cotisations est « complexe, inéquitable et peu transparent », affirmait le gouvernement au début du quinquennat. Le projet de réforme des retraites engagé dès 2017 prévoyait d’y remédier en instaurant un régime universel fondé sur un système de points où chaque euro cotisé offrait les mêmes droits, quel que soit le métier ou le statut. En clair, les salariés du privé, les fonctionnaires, les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales percevraient la même retraite pour chaque euro cotisé. Le projet posait les bases d’un système universel fondé sur un socle commun – mais pas unique puisqu’il prenait en compte de certaines spécificités : les carrières longues, métiers pénibles ou dangereux pouvaient justifier que l’on puisse prendre sa retraite plus tôt. Des points étaient accordés pour ne pas pénaliser les assurés ayant connu des interruptions d’activité comme le chômage, la maternité, la maladie, l’invalidité. Enfin le régime universel maintenait le mécanisme actuel de retraite par répartition où les actifs financent les pensions des retraités.

Ce projet de système universel prévoyait aussi d’absorber les 42 régimes de retraite de base et complémentaire et les régimes spéciaux. Autre sujet de tension, le projet modifiait le mode de calcul de la pension qui s’effectue actuellement sur la base des 25 meilleures années pour le privé et les 6 derniers mois pour la fonction publique. Dans le système universel, le montant prendrait en compte l’ensemble de la carrière pour les deux secteurs. L’instauration d’un âge d’équilibre, (possiblement autour de 64 ans) constituait un autre sujet de polémique. Associé à une décote ou surcote de la pension en cas de départ avant ou après cet âge, ce dispositif vise à encourager les actifs à travailler plus longtemps pour améliorer le montant de leur pension en évitant de toucher à l’âge légal de la retraite…

Le chiffre :

1,7

C’est le nombre d’actif cotisant par retraité. Les dépenses de retraite s’établissaient à 331 milliards d’euros en 2019. En 2018, le montant de la pension brute s’élevait à 1576 euros par mois en moyenne. On compte aujourd’hui 42 régimes de retraite.