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Et si on parlait salaire minimum…

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.01.2022 | Jean-Claude Mailly

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Et si on parlait salaire minimum…

Crédit photo Jean-Claude Mailly

Alors que le dossier du salaire minimum va être sur la table de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 la coalition « feu tricolore » allemande a prévu une augmentation de celui-ci de 9,60 à 12 euros de l’heure en 2022, soit 25 % d’augmentation. En France certains, dans la campagne présidentielle, s’en inspirent. Pour y voir plus clair il faut préciser certains points. À la différence de la France qui connaît un taux de couverture conventionnelle des salariés supérieur à 90 %, grâce notamment aux conventions collectives nationales, ce taux est de l’ordre de 53 % en Allemagne. De fait, notamment après la réunification et l’effondrement du bloc de l’Est, nombre de branches ont cessé de négocier.

Or le salaire minimum relevait en Allemagne de la branche. Si on y ajoute la modération salariale du début des années 2000 et la multiplication des minijobs à 450 euros mensuels, c’est une part non négligeable des salariés qui était dans la difficulté. En 2004, à la demande du président du DGB j’avais envoyé des éléments sur le Smic français, conscient qu’il était que cette situation ne pouvait pas durer.

C’est en 2015 qu’un salaire minimum a fini par voir le jour en Allemagne par pragmatisme et sur pression syndicale. Les minijobs existent toujours avec des temps partiels faibles en durée et une protection sociale limitée et ce salaire minimum horaire les concerne au premier chef. Dans les grandes entreprises industrielles et les branches où la négociation perdure, la situation est bien entendu différente en termes de salaires. Soulignons enfin que l’inflation est actuellement sur un rythme de 5 % chez nos voisins. Cette décision de la coalition, sur initiative du SPD, suscite des réactions négatives de la Bundesbank qui craint une spirale prix/salaires et des employeurs concernés, notamment dans les services et le bâtiment qui annoncent déjà du chômage.

La situation est donc différente en France où le Smic est d’application universelle. Ce qui ne veut pas dire que son niveau est suffisant. Rappelons simplement que le dernier coup de pouce remonte à 2012.

Rappelons également (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué) que les différentes exonérations de cotisations sociales pèsent aussi sur le budget de l’État puisqu’il compense, et seulement en partie, les pertes de recettes des régimes sociaux. De fait il n’est pas très sain que l’État contribue à la masse salariale des entreprises. Mais si une revalorisation du Smic est nécessaire il vaut mieux qu’elle soit progressive et étalée afin de permettre aux branches d’adapter les minima conventionnels et de ne pas favoriser, comme ce fut le cas en 1981, un écrasement des grilles. Et dans la mesure où toutes les branches ne jouent pas le jeu en matière de négociation des minima conventionnels et que l’État ne peut que les inciter à le faire, il serait utile de prendre une disposition législative permettant à l’État de sanctionner les branches récalcitrantes en réduisant par exemple les exonérations. Complémentairement il faut veiller à la pression des donneurs d’ordre, y compris publics, sur leurs sous-traitants, ce qui correspond à une logique efficiente de RSE.

Le pouvoir d’achat est une des priorités aujourd’hui. D’autres mécanismes comme la participation, le dividende salarial ou l’actionnariat peuvent être activés. Sans oublier la croissance durable, le développement industriel et les investissements d’avenir sans lesquels les retards ne pourront que s’accumuler.

Auteur

  • Jean-Claude Mailly