La crise sanitaire et ses développements amènent de nouveaux défis pour les entreprises, à commencer par la mise en place de nouvelles modalités de travail. La fonction RH a clairement une carte à jouer mais pour cela, elle doit être capable, elle-même, de se transformer. Un challenge bien difficile à relever que les start-up RH pourraient certainement faciliter.
Depuis le début de la pandémie de la Covid-19 les entreprises ont connu des changements importants à un rythme qu’elles n’auraient certainement pas imaginé possible auparavant. À la gestion de crise initiale s’est rapidement imposée celle d’une transformation profonde du monde du travail. La fonction RH se retrouve aujourd’hui face à trois enjeux principaux : 1) moderniser les outils et les pratiques RH, 2) repenser les manières de travailler, de collaborer et de manager, 3) développer une approche de plus en plus personnalisée, adaptable aux contextes, aux usages et aux individus. Ces trois enjeux poussent la fonction RH elle-même à se transformer. Pour cela, elle peut compter sur un des acteurs clés de l’écosystème RH, dont on parle peu mais qui tend à prendre une place de plus en plus importante : les start-up RH.
Pour ces dernières, la crise de la Covid-19 a plutôt été une opportunité pour répondre à l’urgence d’adaptation et la digitalisation des outils de travail des entreprises. Avec le développement du travail hybride et les enjeux de transformation associés, ces start-up RH vont proposer de plus en plus de solutions pour accompagner les entreprises.
Afin de comprendre qui elles sont, comment elles ont vécu et accompagné la crise et en quoi elles peuvent jouer un véritable rôle d’accélérateur des transformations RH des entreprises, nous avons réalisé une étude qui s’appuie sur des entretiens avec les principaux acteurs de cet écosystème, en particulier le Lab RH, Paris&Co et Rhizome, Ed-Tech ou encore Parlons RH.
Le premier constat est qu’il est difficile d’avoir une vision précise et exhaustive des start-up RH en France, principalement du fait de l’absence de définition officielle de ce qu’est une start-up. Dans l’acception générale, elle s’entend d’une jeune entreprise, créée depuis peu et qui est destinée à grandir rapidement. Pour le Lab RH, c’est une entreprise qui propose une innovation, qu’elle soit nouvellement créée ou pas. Des entreprises qui ont déjà plus de dix ans peuvent être qualifiées de start-up.
L’univers des start-up est, par ailleurs, extrêmement dynamique et éclaté. De nombreuses entreprises se créent, se développent ou s’arrêtent en permanence. Sur les 700 start-up RH recensées en France en 2021 (estimations Lab RH), certaines ont intégré des incubateurs tels que Rhizome, des associations d’entrepreneurs comme EdTech spécialisée dans le domaine de l’enseignement et de la formation, ou d’autres encore des écosystèmes collaboratifs comme le Lab RH.
Des points forts de convergence apparaissent de nos entretiens pour décrire les start-up RH. Elles sont des structures dynamiques qui s’adaptent vite pour apporter des réponses rapides à des problématiques RH. Cela correspond à quatre mots-clés : agilité, pragmatisme, innovation, prospective. Ces start-up sont alors clairement une source d’inspiration ou peuvent apporter aux entreprises les compétences qu’elles n’ont pas.
L’impact de la crise révèle la capacité d’adaptation des start-up RH françaises. De l’avis des personnes interrogées, ces dernières, en fonction de leurs spécialités, n’ont pas traversé la crise de manière identique. Au premier semestre 2020, la plupart ont dû faire face à une forte baisse d’activité liée au confinement. C’est le cas notamment des start-up du recrutement qui ont dû avoir recours au chômage partiel et recentrer leurs activités sur les clients existants.
D’autres secteurs ont, en revanche, su tirer leur épingle du jeu. Les start-up proposant des solutions de travail à distance ou de mesure d’engagement ont ainsi connu une croissance forte boostée par les contraintes liées à la crise (Rhizome).
Que la période ait été compliquée ou pas, les start-up RH ont globalement réussi à la surmonter. Tout d’abord parce qu’elles sont très digitalisées, ce qui les met en position de force dans une crise qui a imposé le tout digital du jour au lendemain. Elles ont pu apporter des solutions clés en main à des entreprises prises au dépourvu sur le sujet du télétravail.
Ensuite, parce qu’elles sont particulièrement agiles. Elles prennent des décisions rapidement, n’hésitent pas à prendre des risques et à changer de trajectoire dès que nécessaire. Ce mode de fonctionnement leur a permis, dès le début, de s’adapter aux évolutions du marché et des besoins. Une agilité difficile à développer dans des services RH confrontés à des injonctions contradictoires : « On leur demande de faire preuve d’audace mais en même temps, d’appréhender et de maîtriser les risques. On les voit comme les gardiens du risque social et, tout à coup, il faudrait qu’ils soient « innovatophiles » » (Parlons RH).
Pendant la première phase de la crise sanitaire, la fonction RH était très accaparée par des fonctions administratives car elle devait répondre à l’urgence. Plus récemment, elle est attendue sur des sujets à plus forte valeur ajoutée : « On attend de la fonction RH qu’elle anticipe, qu’elle accompagne la transformation des organisations. On l’attend sur des missions à plus forte valeur ajoutée » (Parlons RH).
À partir de septembre 2020, un appel d’air s’est fait sentir avec des professionnels RH qui ont manifesté un nouvel intérêt sur des sujets de fond tels que l’engagement des collaborateurs, le développement des compétences et le management à distance (Lab RH).
Les sollicitations ont alors sensiblement augmenté avec des entreprises qui ont commencé à s’interroger sur l’« après ». Le Lab RH a ainsi mesuré un niveau d’appels entrants similaires à celui de 2016 et 2017, époque où les sujets d’innovation RH étaient alors nouveaux et suscitaient un fort d’intérêt.
Pour autant, là encore, la contradiction subsiste. Se positionner sur des sujets à plus forte valeur ajoutée veut dire mettre de côté, au moins en partie, les fonctions administratives. Or, 73 % des professionnels RH passent la moitié de leur temps sur des tâches administratives (Sources Éditions Tissot, Parlons RH, 17 juin 2021).
Les start-up RH sont, là encore, une occasion pour les professionnels RH d’opérer un sursaut d’orgueil. Elles offrent une alternative leur permettant de tester, d’innover tout en restant dans leur rôle premier de gardien du risque. Elles peuvent être l’occasion de renforcer leur image et leur attractivité, en se montrant ouverte à un monde moderne, dynamique et innovant.
Les start-up RH interviennent essentiellement sur la digitalisation, le bien-être, la formation et les soft-skills. Leur approche est pragmatique, ancrée dans le présent, mais aussi innovante, tournée vers l’avenir. La qualité de vie au travail serait le principal domaine d’intervention (la moitié des start-up du Lab RH) suivi des compétences et de la formation, notamment avec les technologies de l’éducation (dites également EdTech sans référence ici à l’association citée juste avant mais au domaine d’activité). Le recrutement reste également une activité porteuse pour les start-up RH.
Avec la crise, il n’y a pas eu de repositionnement sur les sujets traités par les start-up RH et les tendances sont les mêmes en matière de segmentation de l’offre. Les évolutions observées sont directement liées aux besoins des prescripteurs, qui ne recherchent plus seulement des outils innovants, digitaux, mais aussi et surtout des dispositifs d’accompagnement plus globaux.
La question du bien-être en entreprise s’est amplifiée avec la crise sanitaire. Le télétravail a fait prendre conscience de la nécessité de se pencher sur les frontières entre vie professionnelle et personnelle.
Les sujets liés à la formation et au développement des compétences notamment comportementales dites encore soft-skills, tendent également à remonter sur le dessus de la pile. Un intérêt croissant porté sur un sujet qui n’est pas encore bien cerné ni maîtrisé par les entreprises.
Le digital qui est au cœur de nombreuses start-up RH, permet d’adresser des sujets clés tels que le passage au distanciel ou encore l’amélioration des processus RH.
La mise en avant d’outils digitaux ne doit toutefois pas se faire au détriment de l’objectif qu’ils servent. Le risque est de tomber dans la « gadgétisation » et de se contenter de cocher des cases. Face à des solutions simples, funs et rapides, il est facile d’oublier le fond. Cela arrive quand les professionnels RH retiennent des solutions avec des mesures non validées. La solution digitale ne peut pas tout faire et les acteurs internes doivent aussi s’investir personnellement.
Au digital est également associé, parfois, le recours à l’intelligence artificielle. Là encore, le risque est de se laisser séduire par de fausses promesses. Car l’intelligence artificielle en RH n’est pas encore maîtrisée, tout au plus s’agit-il d’algorithmes.
Créer des ponts avec les start-up RH peut être un véritable accélérateur des transformations RH. Une manière de développer, par procuration, son audace et son agilité et d’adresser des sujets clés. Mais cela doit se faire avec maturité : en intégrant que le digital est un outil, et non une fin en soi, en restant concentré sur l’essentiel, ses objectifs premiers et en raisonnant de manière globale et sur des temps longs – et non pas seulement courts. Le partenariat fonction RH et start-up RH sera alors gagnant pour tous.