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Vingt ans après sa création, comment simplifier la VAE pour lui permettre de prendre sa place parmi les dispositifs de montée en compétences ?

Idées | Débat | publié le : 01.12.2021 |

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Vingt ans après sa création, comment simplifier la VAE pour lui permettre de prendre sa place parmi les dispositifs de montée en compétences ?

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Alors que la question des reconversions professionnelles devient brûlante au vu des besoins en recrutement des entreprises, le Gouvernement envisage de réformer la validation des acquis de l’expérience pour la rendre plus accessible. Ce dispositif, qui souffle ses vingt bougies cette année, a été à l’origine conçu pour « transformer l’expérience en certification », mais a toujours rebuté les candidats potentiels du fait de sa lourdeur administrative et de sa complexité.

David Rivoire : Dirigeant du cabinet VAE Les 2 Rives

Jugée complexe, à juste titre, la VAE nécessiterait quelques ajustements simples qui lui permettraient de faire fonctionner à pleine puissance pour devenir un véritable outil de montée en compétences. C’est ce que nous pourrions appeler « passer d’une VAE de sanction à une VAE de parcours » en appliquant les mesures suivantes :

• centraliser et automatiser : passer à une logique de guichet unique et automatiser toutes les étapes qui peuvent l’être ;

• supprimer la durée légale d’un an pour la recentrer sur une mesure réelle des acquis, et sortir de la logique de preuve administrative ;

• accompagner globalement dans le cadre d’un parcours : systématiser le diagnostic et la prescription d’un parcours multimodal de montée en compétences (si nécessaire) à réaliser pendant la VAE ;

• décupler le nombre de jurys : professionnaliser les jurys avec une organisation par compétence (et non par certification), et transiter vers une logique de jurys à distance et à la demande.

Plus généralement, il faudra à tout prix conserver la logique d’analyse réflexive intrinsèque à la VAE et qui repose sur le passage à l’écrit de manière accompagnée. Ne faisons surtout pas l’erreur de supprimer ce principe fondamental.

Avec ces quelques mesures, la VAE pourrait prendre la place qu’elle mérite, à savoir celle d’un un outil pédagogique de montée en compétences innovant, basé sur une pédagogie active et individualisée qui stimule la capacité de l’individu à apprendre par lui-même. À l’heure de l’émergence de la formation en situation de travail et de la remise en cause des approches 100 % digitales, nous tenons là un outil d’une puissance encore très fortement sous-utilisée. Mais à 20 ans tout est encore possible…

Catherine Azema : Responsable VAE Groupe IGS & Yann-Firmin : Heriou Intervenant Groupe IGS, Perspectives &Rebonds

20 ans. C’est l’âge d’une première maturité, l’âge des questionnements et des rêves de transformation également ! Nos pistes de réflexion pour simplifier la VAE et lui permettre de prendre sa place parmi les dispositifs de montée en compétences :

• rendre systématique l’information en matière de VAE dans les entreprises : instituer une communication obligatoire sur la VAE (COVAE), préalable au lancement des campagnes d’entretiens professionnels. La COVAE prendrait la forme d’une information simple et courte sur ce qu’est la VAE, les objectifs qu’elle sert, ses modalités de mise en œuvre et ses circuits de financement ;

• penser l’anticipation des projets de restructuration en automatisant la proposition d’un dispositif collectif de VAE lors des phases de négociation de tels projets, ou comment penser l’anticipation des transformations « à chaud » en s’appuyant sur un couple ingénierie sociale/ingénierie de l’emploi articulé et efficace ;

• répondre à la difficulté croissante de réunir des jurys professionnels en développant des jurys d’entreprise : dans les entreprises multisites, mobiliser des professionnels de telle entité du groupe, issus du management de premier niveau ou intermédiaire d’autres sites, et futurs membres de jurys professionnels, pour peu qu’ils n’aient jamais eu de relation ni hiérarchique, ni « géographique », avec le site de rattachement du certifiant.

• articuler VAE et transmission des savoirs : réfléchir la question cruciale de la perpétuation des compétences en utilisant la VAE ; ou comment former des binômes « tuteur certifiant-jeune recrue », le premier, « passeur de savoirs », utilisant le travail de mémorisation inhérent à la recherche de preuves d’un dossier de VAE, pour initier le nouvel arrivant à une compréhension accélérée de son métier.

Jean-Pierre Delfino : Directeur général de l’Opco Santé

Compliquée la VAE ? ce serait l’une des causes de la confidentialité relative de ce dispositif singulier. Pourtant, elle apparait idéale sur au moins deux aspects : valorisation de la compétence et maîtrise de l’investissement consenti qu’il se mesure en temps (pour le candidat et pour l’entreprise) ou en euros, pour le financeur, qui, à iso ressources, peut financer un nombre plus élevé de départs en formation.

Pour autant, le « parcours VAE » apparaît semé d’obstacles pour ceux qui s’y engagent : isolement, durée rallongée alors que l’un des effets des dispenses d’épreuves devrait être de la raccourcir, modularisation des parcours pour que la formation ne concerne que les modules nécessaires… Au bout du compte, le parcours s’apparente souvent à celui du combattant.

L’accompagnement renforcé est l’une des solutions développées par les partenaires sociaux du secteur sanitaire, social et médico-social associatif. Centré sur onze diplômes d’État, il prévoit un accompagnement en trois phases intégrées : bilan de positionnement, parcours individualisé de demande de dispense d’épreuves et suivi post-jury.

Les séquences formatives sont intégrées au projet global, le financement est assuré par l’Opco Santé. Plusieurs centaines de personnes ont bénéficié de cet accompagnement, avec une réussite probante. En 2019, 81 % des candidats par la VAE au métier d’éducateur spécialisé ont ainsi obtenu le diplôme sans action de formation complémentaire, contre 63 % engagés dans une VAE « simple ».

Compliquée la VAE ? Peut-être, mais des solutions qui réconcilient compétence et qualification ont fait leurs preuves depuis plus de dix ans.

Ce qu’il faut retenir

// La VAE simplifiée… Les conditions de réalisation d’un parcours de validation des acquis de l’expérience ont été sérieusement ripolinées durant le quinquennat Macron. De la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » à la mission Khecha-Rivoire-Soubien sur la simplification du dispositif en passant par le rapport El Khomri relatif à l’attractivité des métiers du grand âge, la VAE a été l’un des éléments sur lequel l’exécutif a misé pour développer ses politiques publiques en matière de montée en compétences et de certification de celles-ci. Trois décrets (1er octobre 2017, 31 octobre 2019 et 30 mars 2020) ambitionnaient de rendre l’outil plus accessible qu’il ne l’était. Tout d’abord en réduisant à un an contre trois précédemment le nombre d’années d’activité nécessaires pour ouvrir l’accès à un parcours de VAE, mais aussi en étendant le champ des activités prises en compte pour la validation des acquis de l’expérience à de nouveaux domaines (activités associatives, syndicales, sportives, stages de formation, contrat d’alternance…), en supprimant les différentiels de rémunération pendant la période de congé VAE selon que le candidat soit en CDI ou en CDD, ou encore en permettant de la mobiliser via le compte personnel de formation (CPF) ou la Pro-A.

// Mais la sauce ne prend pas. Malgré les améliorations apportées au dispositif, rien à faire. La VAE, handicapée par sa réputation de dispositif difficile d’accès et chronophage pour les candidats à la certification, ne décolle toujours pas, surtout lorsqu’elle est en concurrence frontale avec un CPF monétisé accessible via une simple appli. « Alors qu’elle est un formidable atout, la VAE reste encore méconnue ou insuffisamment valorisée, tant par les candidats que par les entreprises » déplore le réseau des dispositifs académiques de validation des acquis (Dava). Un handicap insurmontable ?

En chiffres
3 631

C’est le nombre de personnes ayant obtenu tout ou partie d’un diplôme au titre de la VAE dans l’enseignement supérieur après examen par un jury dans les universités et au Cnam. Parmi les candidats dits « recevables », 46 % ont visé l’obtention d’une licence professionnelle ; 39 % celle d’un master ou d’un doctorat ; une licence générale (8,7 %) ou un diplôme d’ingénieur (3,3 %).

Source : vie-publique.fr