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Épargne salariale : toujours plus !

Dossier | publié le : 01.12.2021 | Frédéric Brillet

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Épargne salariale : toujours plus !

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Selon les rapports de la Dares, de l’AFG et de France Stratégie, l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié, dopés par une succession de textes réglementaires, sont en hausse. Mais les partenaires sociaux se divisent sur l’opportunité d’aller plus loin.

Au sortir d’une crise sanitaire marquée par une flambée des prix de l’énergie et des difficultés de recrutement dans plusieurs secteurs, le débat sur le partage de la valeur revient sur le devant de la scène. Mais pour répondre aux revendications, les employeurs ont le choix des moyens rappelait en octobre dernier Olivia Grégoire, la secrétaire d’État chargée de l’Economie sociale, solidaire et responsable. Les « secteurs dans lesquels les marges sont trop petites pour augmenter les salaires » peuvent actionner d’autres leviers pour préserver ou augmenter le pouvoir d’achat, à savoir « les primes, la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié », rappelait-elle.

Il semble que les entreprises aient devancé les souhaits de la secrétaire d’État : jamais la part des salariés du secteur privé non agricole ayant accès à la participation, l’intéressement ou à un plan d’épargne salariale n’a été aussi élevée en France. Selon une étude de la Dares parue en août dernier, cette part augmente de 0,5 point pour atteindre 51,4 %. 9,3 millions de salariés ont désormais accès à au moins un des trois dispositifs précités, qui progressent tous. 7,9 millions de salariés ont reçu une prime d’intéressement, de participation ou un abondement en 2019 (+ 4,2 % par rapport à 2018). 84,9 % des salariés couverts par au moins un dispositif d’épargne salariale ont quant à eux reçu une prime (+ 1,1 point par rapport à 2018) pour un montant brut global de 21,0 milliards d’euros, soit un montant moyen de 2 660 euros brut par salarié bénéficiaire (+ 3,9 % par rapport à 2018). Enfin, les sommes nettes versées sur un Plan d’épargne entreprise (PEE) ou un plan d’épargne retraite collectif (Perco) ne sont pas en reste puisqu’elles ont augmenté en 2019 respectivement de 2,2 % et de 6,7 %.

L’actionnariat salarié se montre tout aussi dynamique : l’Association française de gestion financière (AFG) relève en 2020 une hausse de + 1,5 % à 147 milliards d’euros des encours d’épargne salariale et d’épargne retraite par rapport à l’année précédente. 78 % des entreprises françaises cotées proposaient de l’actionnariat salarié en 2020, contre une moyenne européenne de 35 % apprend-on par ailleurs dans une étude d’Eres. Cette société de conseil spécialisée dans l’épargne salariale constate que ce fort ancrage améliore certains indicateurs RH, les entreprises du SBF 120 dotées d’une forte culture de l’actionnariat salarié affichant des taux de départs volontaires et de licenciement moindres. « Selon nous, l’indicateur RH le plus pertinent est celui des départs volontaires », commente Olivier de Fontenay, associé fondateur d’Eres. « Car si les taux d’embauches et de licenciements dépendent de facteurs externes ou d’arbitrages intra-groupe, les départs volontaires relèvent de la seule décision des salariés et sont révélateurs d’un moindre niveau d’attachement à l’entreprise ». L’actionnariat salarié permettrait donc de fidéliser les talents et de développer une culture d’entreprise forte, deux sujets essentiels pour les DRH.

Objectif 12 millions de salariés

Ce développement de l’épargne salariale va-t-il se poursuivre ? C’est ce que souhaite l’État qui ne cesse de l’encourager par sa politique fiscale (voir encadré) mais la priorité est évidemment de couvrir les 12 millions de salariés du privé qui n’y ont pas accès. Beaucoup d’entre eux travaillent dans les TPE, qui n’ont aucune obligation en la matière. Résultat ? La part des bénéficiaires de la participation et d’intéressement s’établit respectivement à 2,4 % et 3,5 % dans les entreprises de moins de 9 salariés contre 68,2 % et 69 % dans celles de plus de 1 000. Les incitations spécifiques en faveur des très petites entreprises (voir encadré) n’y suffisent pas et l’écart avec les grandes firmes tend à se creuser.

Par ailleurs, les revenus que les salariés français tirent de l’intéressement ou de la participation pourraient être plus substantiels si les entreprises ne versaient pas autant dans l’optimisation fiscale en se jouant des frontières. « On sait que par des jeux d’écriture comptable et des mécanismes de prix de transfert les multinationales réduisent artificiellement leurs bénéfices tirés du marché français. C’est autant d’intéressement et de participation en moins pour les salariés des sociétés concernées » pointe Raphaëlle Bertholon, secrétaire Nationale Economie Industrie Logement de la CFE-CGC. À cet égard, l’accord international imposant une taxation minimale de 15 % des profits à partir de 2023 devrait garantir un minimum aux salariés de l’Hexagone.

Les organisations syndicales plaident aussi pour la mise en place dans les grandes entreprises d’un indicateur de suivi du partage de la valeur ajoutée intégrant pour les salariés les revenus tirés de la participation, de l’intéressement ou de l’actionnariat salarié. Ceci afin de faciliter l’émergence d’un diagnostic partagé entre les partenaires sociaux qui pourrait servir de base aux négociations. Pour les syndicats favorables à une cogestion à l’allemande, le progrès passe aussi par une gouvernance plus favorable aux salariés. « Un tiers des sièges dans les conseils d’administration devrait être réservé aux représentants des salariés actionnaires » plaide ainsi Raphaelle Bertholon.

Nommé par le Gouvernement ambassadeur de l’intéressement et la participation, l’ancien vice-président du Medef en charge des PME et TPE Thibault Lanxade prône quant à lui l’instauration d’un « dividende salarié » qui remplacerait la participation et serait octroyé aux salariés qu’ils soient ou non actionnaires. Dans ce schéma, l’employeur ne pourrait distribuer de dividende aux actionnaires sans verser de « dividende salarié » au personnel. En outre, Thibault Lanxade propose pour ce nouveau dispositif un mode de calcul plus simple et plus généreux. « La formule actuelle, fait que trop souvent, aucune participation n’est versée par les entreprises aux salariés » constate-t-il. Enfin, ce dividende salarié serait étendu à toutes les entreprises de plus 11 collaborateurs. Et pour les TPE en deçà de ce nombre, le PDG du groupe Jouve préconise la pérennisation de la prime Macron afin que tous les salariés puissent être associés à la création de valeur, quelle que soit la taille de l’entreprise.

Mais la poursuite du développement de l’épargne salariale ne fait pas l’unanimité. Certains syndicats se montrent ainsi hostiles au renforcement de l’actionnariat salarié qui « risque de se faire au détriment de l’évolution des salaires et ferait subir plus encore, aux salariés les aléas des marchés financiers » s’inquiète-t-on chez FO. À suivre…

Un cadre légal et fiscal toujours plus favorable

Ces dernières années, les dispositifs de partage de la valeur entre capital et travail ont connu de nouveaux aménagements destinés à les rendre encore plus attractifs. La loi de financement de la sécurité sociale du 3 décembre 2018 a supprimé pour les PME et TPE la contribution patronale (forfait social) sur les sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement. Ce coup de pouce fiscal a apparemment porté ses fruits : la progression de la participation en 2019 (+ 0,5 point) s’appuie notamment sur les entreprises de moins de 50 salariés constate la Dares.

La loi PACTE de 2019 apporte une autre pierre à cet édifice en facilitant la mise en place d’un accord d’intéressement (imprimés types mis en ligne, accords types négociés au niveau de la branche) et son application au quotidien. En 2020, ces dispositions sont complétées par la mise en place unilatérale d’accords d’intéressement dans les plus petites entreprises et de courte durée (1 an par exemple contre 3 ans minimum auparavant).

Enfin la loi portée par Bruno Le Maire autorise désormais l’employeur à décider unilatéralement d’offrir des titres financiers à ses dirigeants et ses salariés, réduit la contribution patronale et améliore la représentativité des représentants des salariés actionnaires dans les conseils d’administration. Cerise sur le gâteau, la loi de finance 2021 exonère en 2021 et 2022 les employeurs du forfait social à certaines conditions.

Auteur

  • Frédéric Brillet