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Daniel Card : l'économiste du travail décroche le Nobel

Actu | Eux | publié le : 01.12.2021 | Alain Roux

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Daniel Card : Un économiste du travail décroche le Nobel

Crédit photo Alain Roux

Certaines révolutions scientifiques se jouent de manière feutrée, dans l’atmosphère froide d’une salle de jury scandinave. C’est le cas avec l’attribution du prix Nobel d’économie au canadien David Card, professeur à Berkeley (Californie). Les raisons de sa nobélisation ? « Sa contribution empirique à l’économie du travail » par le biais d’une étude réalisée en 1994 avec son confrère Alan Krueger (décédé en 2019) ayant révélé qu’une augmentation du salaire minimum… ne conduisait pas à une réduction de l’emploi !

Une conclusion basée sur la comparaison de l’emploi dans les fast-foods de deux États frontaliers de la Côte Est : le New Jersey (où le salaire minimum augmentait) et la Pennsylvanie (où il demeurait stable). « Ces résultats étaient très surprenants pour la communauté des chercheurs », explique Eva Mork, membre du Comité Nobel. Et surtout contraires à la vision néoclassique de l’époque et même inenvisageables pour certains. Pourtant les deux universitaires ont appliqué à leur enquête économique une méthodologie – novatrice pour l’époque – calquée sur les évaluations médicales. Comme si le New Jersey recevait le traitement et la Pennsylvanie était le groupe de contrôle sous test placebo. La rigueur a même été poussée jusqu’à observer les avantages en nature accordés par l’employeur aux salariés, jusqu’au nombre de repas offerts par l’employeur aux salariés. Bref, un travail de fourmi ayant débouché sur une complexification de la théorie dominante : même si la hausse des salaires est en partie répercutée sur les prix de ventes des hamburgers, les effets s’avèrent positifs sur l’emploi. Ce que viendront confirmer des études ultérieures.

Si les travaux de David Card ont inspiré l’Allemagne et la Grande-Bretagne dans leur politique d’instauration d’un salaire minimum, ils furent boudés en France par le groupe d’experts sur le Smic. « Il n’est pas possible de transposer directement ce résultat […] à la France dans la mesure où le niveau relatif du salaire minimum y est nettement plus élevé qu’aux États-Unis », écrivaient-ils en 2013. En revanche, ses travaux inspireront Philippe Martinez, le patron de la CGT, qui, en 2015 les citera pour réclamer, deux ans plus tard, une revalorisation des salaires de 10 %. Pour autant, l’économiste de Berkeley est loin de partager la vision sociale de la Centrale de Montreuil. En témoigne ce colloque organisé par le ministère du Travail français en 2013, au cours duquel le professeur, présentant son bilan des « politiques actives du marché du travail », s’est montré particulièrement sévère envers les politiques de contrats aidés jugés coûteux et inefficaces… face à un Michel Sapin qui venait, quelques mois plus tôt, de lancer emplois d’avenir et contrats de génération ! Mais, partisan du minimum, le Canadien entend guider l’action publique par les chiffres, sans prescrire de mesures.

Belle récompense, en tout cas, pour celui qui, au milieu des années 1970, avait démarré des études supérieures… en sciences physiques dans l’Ontario. C’est en aidant sa petite amie sur des modèles mathématiques d’économie, qu’il a commencé à dévorer des ouvrages en la matière puis s’est réorienté. Lui qui souligne l’importance des phénomènes sociaux dans ses analyses, a fait progresser la science économique grâce à ses rencontres.

Daniel Card : Professeur d’économie à Berkeley

1983

Obtention un PHD en sciences économiques à l’université de Princeton

1994

Publication de l’article « Minimum wages and employment : a case study of the fast food industry in New Jersey and Pennsylvania », dans « The American Economic Review », coécrit avec Alan Krueger.

2021

Prix Nobel d’économie

Auteur

  • Alain Roux