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Ces pays qui font le pari de la semaine de quatre jours

À la une | publié le : 01.12.2021 | Irène Lopez

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Ces pays qui font le pari de la semaine de quatre jours

Crédit photo Irène Lopez

 

Il n’y a pas que le pays des 35 heures à rêver aux 32… plusieurs pays dans le monde commencent à expérimenter la semaine de quatre jours tant dans une optique de partage du travail ou de bien-être des salariés que de défense de la planète.

C’est l’Islande qui, entre 2015 et 2019, a organisé le plus vaste projet pilote sur la réduction du temps de travail. Mis en place par l’Association for Sustainability and Democracy. Menée auprès de 2 500 salariés (1 % de la population active), cette expérimentation de la semaine de 35 heures – au lieu de 40 – s’est traduite par un constat de productivité accrue et de réduction du stress et de l’épuisement professionnel chez tous les travailleurs y ayant participé. Conséquence : 86 % des salariés islandais bénéficient aujourd’hui d’un temps de travail réduit ou en ont la possibilité. Forcément, la situation islandaise intéresse. En premier lieu les organisations syndicales. Ainsi, « le comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats (CES) demande un agenda afin de coordonner les négociations pour une réduction de la semaine de travail sans réduction de salaire », explique Baptiste Talbot, membre de la Commission exécutive confédérale de la CGT, en charge de la campagne 32 heures. En France, certains pratiquent déjà et de longue date. Bosch Rexroth Vénissieux a fait le choix des 32 heures depuis vingt-deux ans, avec cent embauches réalisées. Chez Tetra Pak – Papeteries de Dijon, les salariés en équipes postées sont aux 32 heures depuis 1998. « Un passage qui s’est effectué avec maintien des salaires et 30 créations d’emplois », se félicite le cégétiste. Si, dans les faits, la liste des adeptes de la semaine de quatre jours est plus longue, il n’en reste pas moins que les employeurs français sont peu nombreux à avoir fait le choix des 32 heures. Pourquoi ? « Travailler moins est mal vu en France », tempête Isabelle Rey-millet, professeure de management à l’Essec et coach de dirigeants. « En France, le présentéisme est plus important que la performance. » Selon une étude Glassdoor de 2019, 26 % des salariés déclarent rester au bureau pour se faire bien voir de leur chef. « L’organisation du travail récompense davantage la servilité que l’efficacité. Nous adoubons les gens qui font allégeance à leur hiérarchie plutôt que ceux qui ont envie d’atteindre leurs résultats. »

Au Royaume-Uni, l’idée d’une semaine de quatre jours bénéficie d’un large soutien. Dans une lettre adressée au ministre des Finances et du Trésor, des syndicats, des universitaires ainsi que l’ancien président du parti travailliste ont expliqué que la semaine de travail de quatre jours apporterait de multiples avantages à la société, à la démocratie, à l’économie et… à l’environnement sur les fondements d’un sondage de 2020 montant que 63 % de la population britannique était favorable à une semaine de quatre jours de travail sans diminution de salaire.

Pour la planète

Plusieurs études universitaires portant sur l’interaction temps de travail/environnement parviennent à la même conclusion : la réduction du temps de travail se traduirait par une moindre consommation énergétique et de ressources. L’une, menée par Jonas Nässén en 2015 conclut qu’une baisse de 1 % du temps de travail entraînerait une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 0,8 % en moyenne. L’auteur va même jusqu’à recommander… la semaine de 30 heures ! Une autre, réalisée en 2017 par Lewis King et Jeroen Van de Bergh, privilégie pour sa part la semaine de quatre jours plutôt que l’annualisation de la baisse du temps de travail afin de maximiser les effets bénéfiques pour l’environnement. En 2019, l’expérimentation de la semaine de quatre jours chez Microsoft Japon s’est notamment traduite par une baisse de la consommation énergétique en plus d’un effet positif sur la productivité.

Pour l’égalité hommes-femmes

En Irlande, le syndicat Forsa accroit sa coopération avec les employeurs et les ONG dans le but d’arriver à un accord sur une semaine de quatre jours de travail sans perte de salaire. Forsa appartient à une vaste coalition regroupant employeurs, syndicats, groupes de défense de l’environnement et organisations féministes appelant à une transition progressive et contrôlée vers une semaine de travail plus courte dans tous les secteurs de l’économie. Le passage aux 35 heures avait déjà modifié le temps moyen passé sur les tâches domestiques. « Ce dernier a augmenté de 12 minutes par jour chez les hommes » explique l’économiste Ariane Pailhé, directrice de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined) et coautrice de « How do women and men use extra time ? housework and childcare after the french 35 hour workweek regulation » publiée dans l’« European Sociological Review ». C’est ce partage des tâches personnelles entre les femmes et les hommes que la CGT met également en avant à travers les 32 heures hebdomadaires. « En outre, elle permettrait également aux femmes à temps partiel d’accéder à un temps plein », analyse Baptiste Talbot.

Pour réduire le chômage

En Allemagne, la crise sanitaire et économique a relancé le débat sur la réduction du temps de travail. La mise en place de la semaine de 32 heures permettrait de sauvegarder et de créer de l’emploi rapidement et massivement. Jörg Hoffmann, président d’IG-Metall, premier syndicat d’Europe qui représente 2,3 millions de salariés, a proposé fin août 2021, de réduire le temps de travail pour éviter les licenciements liés à la crise de la Covid-19. C’est également pour des raisons économiques que la vice-présidente de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, souhaite réduire le temps de travail. Le pays, dont l’économie repose essentiellement sur le tourisme a souffert des confinements imposés par la crise sanitaire. Son objectif est de donner davantage de temps libre aux Néo-zélandais pour qu’ils aient la possibilité de sortir, faire du sport, visiter leur propre pays… Bref, de faire tourner l’activité touristique. En 2020, les Islandais avaient travaillé en moyenne 1 435 heures par an. L’Allemagne est le pays comptant le moins d’heures de travail en 2020, avec une moyenne de 1 332 heures par an. Les 27 pays de l’Union européenne se sont classés au 13e rang mondial, avec 1 513 heures travaillées annuellement en moyenne. L’idée de la réduction du temps de travail fait son chemin. En Espagne, pourtant pas le pays le plus socialement engagé d’Europe, le gouvernement de Pedro Sanchez vient d’engager en 2021 une expérimentation de la semaine de 4 jours, à 32 heures avec maintien des salaires. Deux-cents entreprises regroupant plusieurs milliers de salariés serviront de bêta-testeurs. Ne reste plus qu’à harmoniser les pratiques, mais sans sauter les étapes. « Quand nous en serons là, commente Baptiste Talbot, le plus dur aura déjà été fait ! »

 

Belgique: le casse-tête des quatre jours

La semaine des quatre jours intéresse aussi la Belgique dont le gouvernement fédéral, en pleine réforme du marché du travail depuis octobre, a émis des propositions en ce sens. L’une d’elles est de permettre aux salariés volontaires de concentrer, sur quatre journées, le travail actuellement effectué en cinq. Problème, en Belgique où le temps de travail hebdomadaire est de 38 heures et la durée maximale du temps de travail journalier de 8 heures par jour, autoriser à compresser en quatre journées un temps plein de cinq jours reviendrait à augmenter la durée légale du temps de travail journalier. Autrement dit, la proposition du gouvernement belge est de donner la possibilité de travailler 9 h 30 par jour afin de bénéficier d’une journée de congé hebdomadaire supplémentaire… Soit davantage une flexibilisation de la semaine plutôt qu’une diminution du temps de travail. Les partenaires sociaux étudient le dossier. Les partisans de la proposition prônent notamment une meilleure articulation entre vie privée et professionnelle, un droit à la déconnexion, une réduction du nombre de déplacements domicile-bureau mais aussi un gain de productivité. Au contraire, les arguments défavorables mettent en exergue la pénibilité de certains emplois qui risquerait s’accroître avec ce temps de travail quotidien rallongé. Les discussions vont donc se poursuivre avant qu’un cadre ne précise la mesure et sa mise en place concrète.

Auteur

  • Irène Lopez