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Idées

Un emploi pour tous : une question de volonté ?

Idées | Livres | publié le : 01.11.2021 | Lydie Colders

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Un emploi pour tous : une question de volonté ?

Crédit photo Lydie Colders

Dans « La garantie d’emploi », l’économiste Pavlina Tcherneva estime possible d’en finir le chômage. À condition de changer de vision politique, « créer un emploi pour tous » dans l’écologie ou le lien social serait possible. Un livre décapant.

Le chômage est-il « un mal nécessaire », contre lequel on a tout essayé ? Cette vision est surtout « une éternelle excuse » des politiques publiques « de ne pas donner un emploi à tous », selon Pavlina Tcherneva. Non seulement « le coût social » du chômage et la dégradation de la santé des chômeurs sont « énormes aux États-Unis », mais toutes les crises et leurs vagues de licenciements l’attestent : la reprise de la croissance « est largement un mythe ». En réalité, « les reprises sans emploi sont devenues la norme depuis un demi-siècle », et « des millions de gens » cumulent des petits boulots mal payés, souligne l’économiste américaine, ex-conseillère de Bernie Sanders. Fustigeant le fatalisme des politiques et des économistes orthodoxes qui ont fini par raisonner « par un taux de chômage acceptable », son livre défend une proposition radicale : créer une « garantie d’emploi pour tous », des emplois publics à hauteur du Smic, plutôt que de financer le chômage. Une idée soutenue en France par des sociologues comme Dominique Méda. Pavlina Tcherneva décrit en détail ce programme ambitieux qui s’inspire d’initiatives nationales en Inde, en Amérique du Sud ou en France avec « Territoires zéro chômeur longue durée ». Mais à grande échelle.

Vers la transition écologique et sociale

Il ne s’agit pas de faire concurrence aux entreprises, précise-t-elle, mais l’histoire prouve qu’elles ne peuvent pas « ou n’ont pas intérêt » à embaucher massivement lors de crises interminables. L’objectif de cette garantie pérenne serait de créer des emplois publics locaux, dans les associations ou les coopératives (elle parle « d’un plan national du care », donnant la priorité à l’environnement, au lien social et à la collectivité). À condition – et celle-ci est de taille – que les politiques acceptent « d’élargir leur vision du travail productif ». L’auteure donne quelques idées : « des millions d’emplois » pourraient émerger localement : contrôle des inondations, plantation d’arbres, études, rénovation des parcs, coopératives d’agriculture durable « face au désert alimentaire », métiers d’aide à la personne. Reste à ne pas en faire des emplois forcés… Pavlina Tcherneva répond à cette objection : il s’agirait « d’un filet de protection » où les emplois seraient définis « à partir des besoins des chômeurs ». Mais rien ne les empêcherait de quitter le dispositif pour un autre travail ensuite. Quant à la crainte de « la main mise de l’État », « elle est paradoxale, car il consacre des milliards et un effort administratif énorme à traiter les coûts économiques et sociaux du chômage ». Certes, mais tout dépend qui préside le pays… Et les États-Unis n’ont pas une culture paritaire ni syndicale comme en France. Ce livre réfléchi est plutôt à prendre comme une proposition « de stabilité » à adapter selon les pays. Une façon d’en finir avec les dégâts du chômage et d’aborder l’avenir. Utopique ou révolutionnaire, chacun jugera…

« La garantie d’emploi »,

Pavlina R. Tcherneva, La découverte, 152 pages, 18 euros.

Auteur

  • Lydie Colders